Avec le titre de Maria Sharapova à Roland Garros, nous avions envie de vous replonger, quelques années auparavant, et de vous faire revivre sa toute première victoire en Grand Chelem. C’était en 2004, à Wimbledon. Elle avait 17 ans. Huit années plus tard et de très dures épreuves, la voilà qui boucle le Grand Chelem en carrière. Voyage dans le passé, avec ce texte écrit pour « Grand Chelem, mon amour », notre livre retraçant dix années de Majeurs.
Finale de Wimbledon 2004 : Maria Sharapova bat Serena Williams, 6–1 6–4
Au service, Maria Sharapova. Deuxième balle. Elle remet ses fines mèches blondes derrière les oreilles ; jette un coup d’œil un peu noir à la zone qu’elle va chercher ; fait rebondir sa balle deux fois, rebond très haut, poignet légèrement cassé ; et plie les jambes, regard au loin, bouche entrouverte, tout en lançant sa balle dans les cieux du Center Court… Retour coup droit plein centre de Serena Williams ; Maria se décale, coup droit également, de la marge par rapport au filet, mais une belle longueur ; Serena accélère croisé en coup droit… et la balle échoue dans la bande. Game, set and match, Maria Sharapova, 6–1 6–4. Elle tombe à genoux sur le gazon londonien et se cache le visage : la voilà championne de Wimbledon, à 17 ans et trois mois, un an après avoir fait son entrée dans le top 100. Elle s’offre au monde et le monde la découvre, cette grande blonde, aux jambes longues, longues comme l’Amour – le fleuve ! –, à la gestuelle délicate, et presque maniérée. Maria se relève, court, puis grimpe dans les tribunes pour étreindre son papa. Une de ces étreintes slaves et fougueuses, dont la passion raconte, comme les pages d’un roman, le maelström d’émotions d’un jour d’accomplissement ou, plutôt, de naissance. Le public de Wimbledon adoube cette benjamine à la beauté juvénile sous les yeux amusés, attendris, de Serena Williams. Mais, Maria Sharapova, c’est avant tout un paradoxe : dès l’instant où l’échange s’engage, raquette en main, et jusqu’au dernier coup, n’existent ni cette tendresse, ni cette délicatesse. Ses cris crépusculaires et ses frappes surpuissantes forment une parenthèse dans son élégance naturelle. Cette forme de bestialité à laquelle elle se livre, c’est aussi ce qui la fait gagner. « Je me suis juste dit : le pouvoir est moi ; je peux le faire. » Une capacité à se donner les yeux fermés, détachés de l’enjeu, qui lui évite de fatals tremblements à l’heure de graver son nom dans la terre du All England Club. « Je ne savais plus que c’était une finale. Je ne savais plus contre qui je jouais. Je ne faisais qu’une chose : me concentrer sur mon propre jeu. J’étais dans mon petit monde à moi. » Un an plus tard, numéro un mondial, c’est de la planète tennis qu’elle fera son « petit monde » à elle.
RCV – « Grand Chelem, mon amour, 40 matches de légende » – 112 pages – en vente ici
Publié le samedi 9 juin 2012 à 22:05