Notre rétro de l’année 2011 à WLT/GrandChelem, ce sont des coups de cœur et des coups de blues. Un joueur, un match, un tournoi… Bref, des moments forts qui nous ont plus ou déplus tout au long de cette saison. Aujourd’hui, coup d’oeil – vu et revu ! – sur la saison de Novak Djokovic. Un sacré coup de cœur !
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Roger Federer, le meilleur pour la fin (1/10)
Comment passer à côté de la saison de Novak Djokovic à l’heure de délivrer des coups de cœur et des coups de blues, à l’orée d’un exercice 2012 qui s’annonce passionnant ?
Impossible. Et d’autant plus impossible que l’année du Serbe n’est pas, comme on pourrait le croire, un simple monolithe d’exception. Non, elle est beaucoup plus protéiforme qu’on l’imagine au premier abord. Certes, il y a ces six premiers mois de folie, mais ce serait une erreur de l’y limiter. La suite, elle aussi, en écrit le roman à sa juste valeur. Six mois, puis trois, puis deux : ainsi peut‐on l’organiser.
Six mois de records : 41 victoires et sept titres consécutifs, quatre succès en finale sur le numéro un mondial et une série qui s’arrête à un pion des 42 de John McEnroe et de la place de numéro un mondial à Paris. Stoppée par Roger Federer, au terme de ce que beaucoup consacrent comme le match de l’année, suite au forfait de Fabio Fognini en quarts de finale… Forfait qu’on pointera du doigt, en partie, pour expliquer la sèche défaite face à Federer – car une défaite en quatre sets et deux tie‐breaks peut être sèche quand on est aux prises avec le tennis du Suisse ce jour‐là ; l’autre partie l’expliquant ? Le niveau de ce dernier… Ces six mois mettent en avant l’énorme travail effectué depuis mi‐2010. Un travail sur l’alimentation, un travail sur la récupération, un travail sur la gestion du calendrier, un travail physique. Entre le Djokovic 2010 et le Djoko 2.0, la différence est palpable : le Serbe semble beaucoup plus véloce, les appuis bien plus sûrs et présente une constance à toute épreuve – c’était déjà l’analyse d’Alain Solvès, quand il s’était confié à GrandChelem, en février dernier. Marian Vajda, son entraîneur, lui, met l’accent sur des aspects mentaux. « Entre la finale de la Coupe Davis, en décembre 2010, et l’Open d’Australie, nous avons beaucoup travaillé mentalement et techniquement », expliquait‐il en mai, pour As. « Je ne parle pas du régime ni de l’aspect alimentaire, bien que ma femme et mes filles mangent sans gluten également. Je le respecte. Sur l’aspect mental, nous avons obtenu un autre Novak Djokovic, plus fort dans sa concentration. Sur la base de la confiance en lui et de son estime de lui‐même, les succès son arrivés. Novak est devenu supérieur au Djokovic qui perdait, abattu à cause de la déception. » Igor Cetojevic, son nutritionniste pendant un an, s’était, lui aussi, confié il y a quelques mois. Lui aussi met l’accent sur la notion de « confiance », mais en la reliant à « l’estomac ». Ses explications sont simples : « J’ai fait un gros point sur son état général, de manière à comprendre ce qu’il se passait. Je lui ai donné des conseils et on a commencé une thérapie. Il a suivi mes indications, des choses très simples au départ, comme éviter de téléphoner en mangeant – parce qu’il ne faut pas ignorer la nourriture que vous ingérez. Il a très bien répondu aux traitements, il mangeait beaucoup mieux et n’avait plus de problèmes d’estomacs et de vomissements après ses repas. » On est d’accord, mieux manger n’est pas l’élément capital expliquant la réussite nouvelle de Novak, loin de là. Mais la démarche de ce dernier, sa minutie et l’étude approfondie de tous les secteurs de sa préparation montrent qu’il est passé dans une autre dimension, une forme d’âge adulte, qui le voit tenter de maîtriser au maximum les paramètres pouvant jouant sur son état de forme. Après six mois, le résultat est là : Novak Djokovic est numéro un mondial, vainqueur à l’Open d’Australie, à Wimbledon et bourreau de Rafael Nadal sur terre battue.
« Nous avons obtenu un autre Novak Djokovic »
Six mois. Puis trois. Trois mois de transition durant lesquels le Serbe voit germer les premières polémiques – inévitables lorsqu’on ne cesse de gagner. Un abandon face à Murray, à Cincinnati, met fin à sa dynamique ahurissante, non sans l’avoir vu remporter un nouveau trophée à Montréal. Certains s’avancent à dire qu’il veut éviter de perdre à la régulière… Mais il s’agit plutôt de prémices physiques et d’un corps qui dit stop. « Je ne pouvais plus servir », explique‐t‐il à l’issue du match. « Ma première tournait autour des 160 km/h et je ne pouvais pas frapper mes coups droits. J’aurais peut‐être pu jouer un ou deux jeux de plus mais à quoi bon ? Je ne peux pas battre un joueur comme Murray avec un seul coup. » On le retrouve deux semaines plus tard, vainqueur de deux duels titanesques d’affilée, face à Roger Federer et Rafael Nadal, à l’US Open. Nouveau titre du Grand Chelem, premières prises de position en tant que numéro un mondial – sur des sujets brulants, qui organisation, qui calendrier… Et une démonstration d’un tennis nouveau genre, un tennis où la faute est honnie, la prise de risque de mesurée à maximale, où le biceps conquiert la victoire. On aime, on n’aime pas… Le débat est lancé, re‐lancé, re‐re‐lancé. Mais, encore une fois, force est de constater les progrès du bonhomme et la création d’une situation inédite : la terreur Nadal se fait terrorisée ; c’est Djhulkovic, le big boss. D’ailleurs, nous, journalistes, ne manquons pas d’imagination pour caractériser la « bête », le « robot » et tant d’autres – ça y est, j’en vois déjà venir : la « bête » ? le « robot » ? mais c’est honteux, on ne peut l’affubler d’un tel nom ! et bien si – et ça s’appelle une image, qui transcrit bien ce qu’il montre sur le court : son engagement physique est maximal, sa régularité ahurissante, ses cris du bout du monde… juste impressionnant – et c’est un lion qui nous semble lâché dans le troupeau ATP.
Six mois, puis trois, puis deux. Les germes des blessures semés en août percent en septembre, poussent en octobre et fleurissent en novembre. Un nouvel abandon en Coupe Davis, face à Del Potro – et la Serbie perd son titre. Une défaite improbable à Bâle face à Kei Nishikori – et l’on se pose un peu plus de questions. Un forfait de dernière minute à Bercy, avant un quart local – le corps est à bout de souffle. Et un Masters raté – cinquième et sixième défaites de la saison, face à Ferrer et à Tipsarevic. A tel point que l’on s’interrogeait, octobre bien sonné, sur la nécessité de disputer et Bercy, et le Masters. Peut‐être aurait‐il dû s’abstenir. Peut‐être pas. « Vous savez, mon corps dit que c’est la surcharge », explique‐t‐il fin novembre. « C’en a été trop pour cette année. De toute évidence, mentalement, je me sens un peu vidé. Je n’ai pas cette fraîcheur pour les matches et je n’ai plus cette dynamique que j’avais durant les dix premiers mois de l’année. Mais il fallait s’y attendre après l’année que j’ai connue. J’ai maintenant besoin de repos. » Il nous est alors apparu dans de nouveaux atours, un Djoko destructible et friable. Il nous a rassuré, également : le physique ne peut pas supporter tout effort. L’intelligence et la force d’un joueur sont aussi de connaître ses limites, juguler ses envies, d’être extrême, mais aussi mesuré. Novak Djokovic a encore à apprendre et c’est tant mieux pour lui, il n’a que 24 ans et ses crocs peuvent encore s’allonger…
Verdict : six mois, puis trois, puis deux = une année qui nous mène de Charybde en Scylla. Ca ne peut qu’être un coup de cœur : en un an, Novak Djokovic a transformé le circuit. D’une dualité, à un quatuor passager, il a créé un trio infernal – Murray reste à distance, mais a tout pour combler. Sa performance est unique, au vu d’un contexte concurrentiel assez rare dans l’histoire du tennis. La question 2012 est sur toutes les lèvres : qu’en sera‐t‐il du nouvel exercice ? Parviendra‐t‐il à dupliquer un monument unique, son œuvre 2011 ? Nadal trouvera‐t‐il quelques clefs face à son sanglant bourreau ? Quelle image se façonnera le Serbe ?
Beaucoup d’interrogations. En attendant, pour lui, comme pour nous et pour vous, champagne et le souhait du meilleur !
Le livre « Grand Chelem, mon amour » est disponible. Retrouvez les 40 matches de légendes de la décennie 2001–2011. Un livre de la rédaction de GrandChelem/Welovetennis.
Publié le samedi 31 décembre 2011 à 18:16