Lors du duel entre l’espoir australien Benoit Paire‐Nick Kyrgios on a pu mesurer ce qu’égo veut dire. Et au tennis, l’ego c’est un peu l’essence de son moteur. Analyse.
Tous les vrais passionnés se souviennent avec délectation de la leçon que Jimmy Connors avait infligé à John McEnroe, adolescent, mal léché, gamin à la tête haute et aux insultes chatoyantes. Avec un certain recul, on peut même penser que c’était un peu l’hôpital qui se foutait de la charité tant Jimbo était connu pour son mauvais esprit, sa haute image de lui‐même, image qui d’ailleurs ne lui a jamais permis de rester très longtemps un coach digne de ce nom dans une après‐carrière largement avortée.
Alors vous vous demandez pourquoi je vous parle de tout cela et bien tout simplement parce que ce jeudi le duel Paire‐Kyrgios nous a proposé presque le même scénario. Pour faire court, un français bien classé, beau gosse, connu pour son tempérament de feu et sa main magique, en face, un jeune pré‐pubère en short de plage, prêt à réaliser son exploit. Dans la pure tradition australienne, Kyrios est donc rentré sur le court prêt à en découdre s’appuyant sur une frappe lourde, et un jeu prometteur, terriblement efficace, au moins pendant deux sets. Forcément, le « Nick Aussie » a enflammé le public, et s’est enflammé lui‐même par la suite.
Transcendé, incandescent, Nick a mis le feu sur le rebound ace avec des coups gagnants convaincants. Sur la toile, les fans se sont empressés de traduire ces excès pour une démonstration de frime inutile alors même que l’on se plaint constamment d’un manque de charisme de la part des nos joueurs modernes, allez chercher l’erreur !
Mais revenons au match , car la vérité était plutôt simple et presque cruelle. En effet, de l’autre côté du filet, Benoit Paire était hors de lui à cause des ces gestes, ces cris, ces signes vers la foule, ce bruit, ces excès, certains diront donc ce total irrespect de son adversaire, « rookie » du circuit des adultes. Le plus dur était donc de ne pas craquer et surtout de contenir sa rage. Une fois cette colère passée, il fallait attendre le moment où l’égo allait reprendre un peu de souffle. Et l’ego sur un court de tennis chez Paire, ce n’est pas une petite blague, lui, le roi de l’amortie champagne, du coup improbable qui humilie son duettiste avec une nonchalance traduite forcément comme une forme de génie.
Alors, il est vrai que ce fameux égo, certains parlent de « couilles », ne fonctionne jamais seul. Il est très souvent accompagné par une petite fée. Cette fameuse petite fée est là pour vous glisser une petite phrase dans le creux de l’oreille, une phrase clé, comme un électrochoc. Et même si ce jeudi elle a été quelque peu tourneboulée par la démonstration kyrgiossienne, elle a logiquement décidé de frapper là où cela allait faire mal : « Dis Donc Benoit, tu vas quand même pas te prendre une fessée à l’Open d’Australie sur un grand court face à un gamin en culotte courte et devant presque le monde entier ».
Ces mots ont eu le mérite de réveiller notre main d’or. Benoit a alors commencé un tout autre match. Il a levé la tête, s’est redressé bombant enfin le torse. Le reste a vite suivi. Quelques minutes, plus tard, il reprenait les commandes du match pour ne plus les lâcher retrouvant enfin tout ce qui fait sa force. C’est à dire de l’audace, de la précision, de la prise de risque. Pour faire plus simple il s’est remis à se regarder jouer.
L’égo à nouveau à son firmament, redevenu son allié, Benoit Paire signait alors l’un de ses plus belles victoires de sa carrière tant elle est symbolique. Dès lors la poignée de main ne faisait que partie d’un protocole policé. En revanche, son hallucinant cri de joie en disait long sur son chemin parcouru mentalement, physiquement et techniquement et sur l’importance de ce succès dans sa vie d’homme et accessoirement de champion de tennis.
Publié le jeudi 16 janvier 2014 à 20:58