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Mémoires de Roland Garros 2013…

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Quand on a le privi­lège de passer quinze jours Porte d’Auteuil, il faut ouvrir grand les yeux pour en tirer quelques scènes mémo­rables. Voici ma sélec­tion – complè­te­ment arbi­traire et assumée.

Sumyk et la promesse de l’aube
Difficile de déranger l’un des plus grands coaches trico­lores en plein tournoi du Grand Chelem. Alors, plutôt que de passer par la voie offi­cielle, à savoir son mail, il vaut mieux émettre des messages aux personnes faisant partie de son camp. Le télé­phone arabe, c’est toujours beau­coup plus effi­cace. Rendez‐vous est donc pris avant les quarts de finale dans la salle de fitness du CNE. Comme d’ha­bi­tude, Sam est cool et vient à ma rencontre pour causer tran­quille­ment, alors que Vika commence déjà à trans­pirer. Ce matin, il y a du beau monde. Notamment une espoir trico­lore qui me passe devant et fait mine de ne pas me recon­naître : genre… je suis une star main­te­nant. Son père la suit, stoppe son pas, hésite ; Sam lui jette un regard calme. Je l’apos­trophe : « Comment allez‐vous ? » Il me répond avec sincé­rité : « Pourquoi se plaindre ? On n’est pas bien, ici ?! » Le papa a visi­ble­ment grandi. Il s’est surtout construit un look. Nike de la tête au pied, coupe de cheveux à la Clooney… La vie rend plus beau sur le circuit.

Gasquet et ses petits poings
Court Suzanne Lenglen, match de folie et Richie en feu. Fini le poing à hauteur du torse ! Maintenant, Richard tend les bras vers le ciel. Il fait bouger le public, il crie, il gémit, il envoie du gros fat. « Richard, c’est comme d’ha­bi­tude, il n’a pas le physique. » Voilà un SMS d’un ami me résu­mant la rencontre. Tout de suite, je l’ap­pelle et lui explique que nous n’avons pas vu le même duel. Car, selon moi, Richard progresse. Certes, lente­ment, mais sûre­ment. Voir cet enfant oser mettre le feu comme il l’a fait ! Un véri­table exploit contre lui‐même. Rien que pour cela, Richie a réussi son tournoi… Un jour, peut‐être, il réus­sira la carrière qu’on lui rêve. 

Chang existe encore..
Le tournoi des légendes… c’est beau­coup dire. Enqvist est à la ramasse et Grosjean n’avance plus. Heureusement, il y a Michael Chang, sa fameuse boucle de coup droit et ce petit surpoids. On dirait un moine tibétin. Manque, quand même, dans ce plateau, de vrais légendes, enfin, celles qui nous ont fait rêver : Edberg, Becker, Sampras, Agassi et consorts. Du coup, même si l’idée est bonne, on a bien l’im­pres­sion que cette compé­ti­tion demeure une forme de service après‐vente avec les seconds couteaux du circuit. Sauf, évidem­ment, pour le grand Goran, venu cette année fouler l’ocre en compa­gnie de Gaston Gaudio. Ce n’est pas suffi­sant pour trop en faire, comme ce joueur à la mous­tache joyeuse qui nous inonde chaque fois de gags plus ou moins réussis. 

Chez les photo­graphes, ‘y a d’la joie
GrandChelem/Welovetennis a deux photo­graphes sur le circuit et il est de bon ton d’aller leur tenir compa­gnie quand le tournoi est inter­rompu à cause d’une inter­mi­nable averse. Au contraire de la presse écrite, les plus grands photo­graphes sont parqués sous le Suzanne Lenglen. La pluie venue, les voilà qui partent dans des délires et autres blagues potaches. Chaude ambiance, détails caus­tiques… On ne sait pas si c’est le fait de se trim­baler avec 20 kg de matos qui les rend si heureux, mais cette belle atmo­sphère est radi­ca­le­ment diffé­rente de celle qui sévit du côté des rédac­teurs se prenant, eux, au sérieux pour une consonne ou une voyelle. Quand le soleil revient, ils oublient néan­moins leur sens de l’hu­mour pour revenir à des consi­dé­ra­tions plus prag­ma­tiques : « A Wimbledon, on a un souter­rain privé qui nous relie au central. Ici, fendre la foule pour aller d’un court à l’autre est un véri­table calvaire. » Voilà un détail supplé­men­taire qui résume bien pour­quoi Roland Garros semble, chaque année, un peu plus en sursis. Il faudra bien qu’il fasse, un jour ou l’autre, sa petite révolution.

Des poteaux en bois… et plus de vert !
Habiller les poubelles d’un reco­ve­ring, c’est bien. Mettre des poteaux en bois pour le filet du central, c’est la classe. Avoir des panneaux publi­ci­taires en 3D, c’est mieux. Permettre à Emirates de faire voler une énorme maquette d’un A380 au‐dessus du court, c’est encore plus fort ! En revanche, pour tout le reste, un gros carton jaune, voire un rouge écar­late, notam­ment au sujet de la program­ma­tion des demi‐finales – comme je l’ai déjà évoqué, ici. Thèse qu’Andre Agassi en personne a confirmé, dimanche matin, face à Pauline Dahlem, venue en reporter recueillir les analyses d’une vraie légende.

Rafa‐Djokovic ou le tennis réinventé
En mettant de côté le troi­sième set où Nole a simple­ment cherché de l’air, il semble inutile de préciser que cette demi‐finale Nadal‐Djokovic est ce que l’on a fait de mieux dans l’his­toire sur l’ocre. C’est vrai, Federer avait réalisé des prouesses il y a deux ans face à un Novak qui restait sur une dyna­mique excep­tion­nelle. Mais, ce vendredi, le Chatrier a vécu un petit moment d’an­tho­logie avec tout ce que cela doit comporter : coups gagnants, retour­ne­ments de situa­tion, drames – on se souvient encore de cette scène incroyable où le numéro un s’emmêle les pinceaux dans les mailles du filet… Le plus remar­quable, dans ce duel, c’est aussi la tenue des débats, avec deux cham­pions qui n’ont jamais été irres­pec­teux l’un envers l’autre. Lors des confé­rences de presse, pas ques­tion de se cher­cher des excuses, là encore, nous avions deux vraies légendes face‐à‐face.

Jo, c’est fini…
Alors que, la veille, notre site internet www.welovetennis.fr avait battu son record histo­rique avec plus de 40 000 visites, voilà que Jo‐Wilfried Tsonga prend 5–0 en un petit quart d’heure face à David Ferrer. Je suis seul en tribune de presse. Désabusé. Mes collègues bossent et, moi, je ne comprends toujours pas le choix des orga­ni­sa­teurs. Je me venge, entre guille­mets, le soir, par un papier un peu caus­tique. Mais, au fond, je sais aussi que la chance de voir un Tricolore en finale de son tournoi est vrai­ment passée. « De toute façon, il n’au­rait rien fait face à Rafa », me glisse un ami pour me consoler. Il n’a peut‐être pas tort, car, fina­le­ment, voir David Ferrer se faire étriller par son compa­triote Rafael Nadal lors d’un dimanche pluvieux et dépri­mant aurait été une souf­france encore plus insou­te­nable. C’est peut‐être pour cela que j’ai pris ma voiture dimanche matin pour quitter le XVIème arron­dis­se­ment de Paris… et rejoindre la capi­tale des Gaules.