N’en doutez pas, Rafael Nadal est en forme. Si l’on imaginait quelques surprises possibles à Roland Garros, il ne faudra probablement pas regarder du côté du Majorquin. Bien au contraire.
« C’est Djokovic, le favori. » Cette phrase, on l’entend depuis une semaine dans les travées de Roland Garros. Même du côté de notre Rédaction, à Lyon, nous avions ce sentiment profond : cette année serait différente. Par « différente », nous pensions à une possible, voire probable, victoire finale de Djokovic ; mais aussi à un chamboulement des forces en présence par les trublions que sont Stanislas Wawrinka, Kei Nishikori ou Grigor Dimitrov. Oui, nous voyions ces trois‐là capable de réaliser un coup de force en éliminant l’une des têtes de série majeures au cours de ce tournoi. Nous nous sommes d’ores‐et‐déjà trompés. Stan a perdu, probablement fragilisé par son nouveau statut et cette pression avec laquelle il doit composer au quotidien, chose tout à fait inconnue pour un garçon habitué à vivre dans l’ombre de Roger Federer. Nishikori, lui, a subi le contre‐coup de sa blessure à Madrid et gardera probablement de très intenses regrets. Non seulement il a laissé échapper un titre qui lui tendait les bras du côté de la capitale espagnole à cause de cette blessure au dos, mais il n’a surtout pas pu s’entraîner pendant deux semaines. Cela ne pardonne pas en Grand Chelem. Enfin, Dimitrov, lui, a encore déçu, même s’il avait un premier tour piège face à Ivo Karlovic. On en reparlera sur gazon, certes, mais, pour l’heure, les prédictions tombent à l’eau.
Ces outsiders effectivement « out », reste le premier augure : Djokovic va l’emporter. Un augure fondé sur la forme du Serbe, éclatante, et son attitude en conférence de presse, faite de sérénité et d’assurance. Un augure renforcé par le succès du numéro deux mondial sur le numéro un à Rome – et par la récence de l’événement qui donne, souvent, une importance accrue à certains phénomènes, en grossissant les traits et en manquant de recul. Un augure, enfin, qui ne s’est pas dessiné dans les entrailles d’un mouton, non, mais dans les faits eux‐mêmes : Rafael Nadal avait réalisé, avant Roland Garros, sa plus mauvaise saison sur terre battue. Peut‐être avons‐nous parlé trop vite – ce ne serait pas la première fois, je vous le concède.
Un boulevard jusqu’en quarts de finale !
Car Rafa est en forme, en ce début de tournoi. Toni, son oncle d’entraîneur, le disait il y a peu : « Ici, il est chez lui. Dès qu’il joue à Roland Garros, tout va mieux, il est plus à l’aise et il est capable de se transcender. » Compréhensible, tant on imagine les souvenirs qu’il y a accumulé en remportant huit fois le trophée, en y vivant ses premières joies, en s’y accomplissant comme champion de tennis. Cette année ne semble pas déroger à la règle. Alors, oui, vous allez me dire que Robby Ginepri et Dominic Thiem au premier tour ne constituaient ni des tests, ni des dangers potentiels. Un gars qui n’avait pas les armes et qui a pris 6–0 6–3 6–0. Un jeune qui n’avait pas l’expérience et qui a reçu une leçon de réalisme 6–2 6–2 6–3. Mais, en attendant, le Majorquin, qui avait surpris par ses fautes inhabituelles du côté de Madrid ou de Barcelone, a retrouvé une vraie constance – et c’est quand même la base de son jeu. 34 fautes directes en deux matches et un service qui tient la route : quoi de mieux pour le mettre en confiance et pour trouver son rythme ? Lui qui était déjà en progression à Rome peut se féliciter de surfer sur la même dynamique à Paris. Manifestement, ces bonnes sensations lui donnent la pêche ; cet après‐midi encore, il affichait un grand sourire à l’heure de se présenter face à la presse, un sourire comme on en voit rarement chez ce garçon discret.
Et, cette bonne dynamique, il va avoir tout le loisir de la cultiver. Cette confiance, il va pouvoir la stimuler. Avec un objectif : monter en puissance. Car son tableau paraît désormais vide, sans manquer de respect à ses prochains adversaires. Mesurez un peu, il affrontera Leonardo Mayer au troisième tour ; puis Jack Sock ou Dusan Lajovic en huitièmes de finale. Autant dire que c’est une autoroute jusqu’en quarts de finale qui s’ouvre devant lui. Evidemment, on pourrait toujours considérer qu’il n’est pas bon de manquer d’adversité avant les grands rendez‐vous, que cela risque de lui faire défaut au moment d’affronter David Ferrer, par exemple, en quarts de finale. Sauf qu’on se rappelle aussi que Rafa est rongé par les pépins physiques, que c’est ce qui lui a fait perdre l’Open d’Australie en partie, et qu’il ne crachera certainement pas sur des rencontres un peu rapides. Des rencontres qui lui permettront d’engranger cette confiance dont le joueur de tennis est si dépendant. Ferrer en quarts ? Et alors ! Le Valencian ne l’a toujours battu qu’une fois en dix ans sur terre battue. Il n’est pas non plus au meilleur de sa forme. Alors en trois sets gagnants ? Un tour de plus qui lui permettra simplement de se tester dans l’opposition.
Bref, on a tendance à l’oublier, mais Robby Ginepri a bien fait de nous le rappeler : « Jouer contre Nadal à Roland Garros est l’un des plus grands défis du sport. Le battre en cinq sets, cela demande beaucoup d’efforts. » S’il avait peut‐être moins la foi ces derniers temps, s’il doutait, s’il semblait presque manquer de motivation et, surtout, de solutions, il demeure l’un de ces joueurs qui a été éduqué pour l’adversité. Cette éducation, en Grand Chelem, et à Roland Garros, c’est là qu’elle se révèle chaque année, depuis 2005. Et ça, ce n’est pas un augure, c’est une réalité.
Votre envoyé spécial en direct de Roland Garros
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Publié le jeudi 29 mai 2014 à 22:35