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Vilain garçon, va !

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Sortez les couteaux ! La guillo­tine ! Attrapez‐nous ce salaud, ce macho de Gilles Simon ! Au pilori, Gilou, au pilori ! Cousez‐lui la bouche, cassez‐lui les dents, coupez‐lui la langue, faites ce que vous voulez, mais empêchez‐le de parler, vindieu ! La Sainte Pensée Unique mérite ce sacrifice ! 

Ca y est. Gilles Simon a encore fait des siennes. Le Français a eu le malheur d’ex­primer un avis négatif sur la colla­bo­ra­tion entre Andy Murray et Amélie Mauresmo. Et voilà la machine média­tique qui s’emballe… Et les cari­ca­tures qui se multi­plient : bouh, Simon est un vilain garçon, bouh, Simon n’aime pas la gentillesse, bouh, Simon nous fait bobo à nos bons sentiments.

Et pour­tant… Le garçon n’a fait que répondre à une ques­tion qui lui était posée. Il s’est exprimé en son nom propre, sans véri­ta­ble­ment criti­quer ce néo‐« Murray‐smo ». Lui n’au­rait pas pu engager l’ex‐championne trico­lore. La raison en est simple et il suffit de demander à Gilles ce qu’il attend d’un coach. C’est ce qu’on avait fait, sur WeLoveTennis, en février :

« Aller observer les futurs adver­saires et préparer les rencontres à venir. » Tout est dit, et Simon justifie sa posi­tion par cette affir­ma­tion. « Je n’au­rais pas pu prendre Amélie, parce que, comme je l’ai vu au Queen’s, elle est allée regarder tous les matches ; forcé­ment, il faut qu’elle apprenne à connaître tous les joueurs. Moi, à 30 ans, c’est un temps que je ne peux pas perdre. » Pour Gilou, le coach est une personne qui doit connaître le circuit ATP sur le bout des ongles, les forces, les faiblesses de chaque poten­tiel adver­saire, afin de porter un regard exté­rieur, objectif et, pour­quoi pas, statis­tique sur la situa­tion. « Un ordi­na­teur », en somme. « Quand je vais affronter un joueur, je ne veux que mon coach me dise « Je ne l’ai jamais vu jouer ». Avec moi, cela ne peut pas marcher, cela ne veut pas dire que cela n’au­rait pas pu le faire dans d’autres circons­tances. Moi, j’ai besoin de travailler avec un « ordi­na­teur ». »

Mauresmo, Becker, Lendl… sont‐ils vrai­ment des coaches ?

Alors, il est toujours aussi vilain, le Gilou ? Amélie Mauresmo ne corres­pond pas à la défi­ni­tion qu’il se fait du coach – on aurait mal imaginé la Française aller lui réserver ses courts… Est‐il besoin de le guillo­tiner pour miso­gynie aggravée ? Non. Clairement, non. Reste la ques­tion, LA ques­tion qu’il faut se poser : Mauresmo est‐elle la coach d’Andy Murray ? Ivan Lendl était‐il un coach pour l’Ecossais ? Boris Becker est‐il un coach pour Novak Djokovic ?

Vous allez me dire « oui ! », évidem­ment, puisque c’est ainsi qu’on les présente. Mais, dans GrandChelem 38, nous avions rencontré Olivier Malcor, ex‐entraîneur de Nicolas Mahut ou Michael Llodra. Lui avait un avis bien différent…

La séman­tique n’est pas anodine. D’ailleurs, Amélie Mauresmo le confir­mait lors de son point presse à Roland Garros, l’as­so­cia­tion est simple­ment à l’essai, pour le moment : « On fera un point après la saison sur gazon, mais voyager une partie de l’année, ça ne m’embête pas. » C’est‐à‐dire ? Et quel va être son rôle très exac­te­ment ? On manque encore de détails – c’est le temps, certai­ne­ment, qui permettra d’éclaircir les choses. Et les rôles. Mais ces aspects de « conseils », de « coup d’oeil » et d’  »expé­rience » colle­raient assez bien au « Murray‐smo ».

Cela n’empêche pas Simon de se tromper…

La conclu­sion de tout cela ? On a très vite tendance à s’emballer, mais un peu de recul ne fait jamais de mal. Non, Gilles Simon n’est pas forcé­ment le salaud de miso­gyne qu’on aime­rait bien nous vendre. Ce qui n’empêche pas le Français de se tromper, par ailleurs. Son postulat de départ ? Amélie Mauresmo, comme consul­tante, comme Directrice de tournoi, comme Capitaine de Fed Cup, est immergée jusqu’au cou dans le tennis féminin. C’est ce tennis‐là qu’elle suit au quoti­dien, dont elle peut présenter une exper­tise. Un postulat clai­re­ment discu­table : rien n’empêche Amélie de connaître les joueurs du circuit ATP, leurs forces et leurs faiblesses, de suivre le tennis masculin d’assez‐près, présente dans le milieu du tennis profes­sionnel depuis 21 ans – elle avait d’ailleurs déjà fait une pige aux côtés de Michael Llodra, en 2010. Pas sûr, non plus, que beau­coup de coaches mascu­lins du circuit aient eu telle­ment plus d’in­for­ma­tions sur Konstantin Kravchuk, premier adver­saire de Gilou à Wimbledon, qu’Amélie aurait pu en avoir. Dans cette logique, Ivan Lendl sortait d’une rupture de 20 ans avec le monde du tennis avant de prendre en main Andy Murray. Etait‐il un expert du top 200 à son retour ? Mmmh… Avait‐il l’ex­pé­rience des victoires, des situa­tions cris­pantes, de la pres­sion qui accable un top player ? Oui.

Mais Andy Murray n’at­ten­dait certai­ne­ment pas de Lendl ce que Gilles Simon attend de Jan de Witt, son coach. L’essentiel restant de parler le même langage. Sémantique, quand tu nous tiens…

Wimbledon est un moment clé de la saison, raison de plus pour s’équiper rapidement…