Gilles Simon le troubleshutter, c’est le petit pseudonyme que traînait le numéro 2 français en débarquant sur le terrain pour affronter Novak Djokovic et en demi‐finale des Masters, s’il vous plait.
Et des ennuis, Simon en causait immédiatement au Serbe : défense imperméable, faux rythme à l’échange, impression d’attentisme suivi d’une soudaine accélération, le break était fait très logiquement à 2–1. Djokovic à la recherche de son coup droit avait la tête des mauvais jours. Gilles emmenait cet écart sans défaillir jusqu’à 5–3 où il s’offrait une première balle de set, puis une deuxième, une troisième, une quatrième, toutes effacées par un Djokovic sans génie mais qui ne commettait plus de fautes. Il fallait donc le Simon le plus sérieux (et pour le coup le plus tendu), le gars qui serre le jeu à 30 partout avec son premier ace du match pour clore l’affaire de ce 1er set (6−4).
La question était alors la suivante : qui allait le mieux rebondir physiquement à la sortie de ce premier set plutôt intense en rallyes ? Les visages étaient déjà marqués, les temps pris entre chaque point toujours un peu plus long, les premiers services au milieu du filet : image du jour, Djokovic, levait les bras d’avoir gagné son premier marathon à 1–0 dans le 2ème set. Fatigué mais toujours aussi combattant, le Serbe devenait finalement encore plus dangereux en sortant l’arsenal des parpaings alléluia. Et c’est finalement Simon, bloqué à la nuque, qui appelait le kiné. Trois minutes de repos qui lui faisait perdre le rythme : Djoko en profitait pour breaker et confirmer son break (4−1, puis 5–2). On attendait de voir comment le Serbe allait conclure, le jeu de 5–3 faisait automatiquement lever le niveau de jeu. Novak s‘y révélait d’une longueur de balle diabolique et son coup droit tenait enfin. Un set partout, mais au regard de sa résistance à l’échange et de prises d’initiative mal récompensées, Simon semblait être revenu dans la partie.
Le premier jeu du 3ème avait en tout cas des dehors de K.O technique : plus aucune faute, plus un pet d’attentisme, c’était coup pour coup des deux côtés, une bataille jouée la bouche ouverte à la recherche de trois bulles d’oxygène. Au bord de la rupture, mais toujours aussi intelligent, Djoko sortait une arme redoutable à ce stade du combat : l’amortie de revers décroisé qui fait mal aux jambes, même à celles endurantes de Simon. Le numéro 3 mondial claquait à nouveau le break à 1 partout, et tenait toujours aussi bien son service avec de l’ace de concours. Mais rien ne disait que le Français ne pouvait pas recoller, il s’accrochait comme un mort de faim à la préservation de son service (3−2), et avec dix rallyes de plus dans la musette, c’est le soldat Djokovic qui commençait à tirer la papatte. Il appelait lui aussi le kiné pour des débuts de crampes et… revenait encore plus fort, massages obligent. Plus roublard, il gardait donc son break intact jusqu’à 5–4. C’était l’heure de vérité et elle révélait enfin ce qu’on attendait depuis 2 heures : à force de donner l’impression de jouer sur un fil, Djoko allait bien faire une petite bourde dès que la pression fut venue. C’était en l’occurrence l’ace « burné » qu’il tentait sur 2ème balle à 30–40 et qui sortait d’un bon mètre. Simon recollait à 5–5 pour se faire rebreaker dans la foulée par un Serbe tout à coup plus patient, plus précis, plus puissant, plus numéro 3 mondial, plus tout. Une dernière amortie écoeurait le Français, un peu moins en réussite sur cette fin de match.
Après quasiment trois heures de jeu, les deux hommes se tombaient dans les bras l’un de l’autre. Il fallait néanmoins un gagnant et un perdant, c’était Simon. « Là, j’ai envie de tout casser » révélait‐il deux minutes plus tard. On compatit.
Publié le samedi 15 novembre 2008 à 13:24