« Faut‐il attendre que quelqu’un meurt ? » C’est par ces mots que Frank Dancevic pose le débat du jour, alors que les températures ont atteint les 43°C à Melbourne… La question qui est sur toutes les lèvres et que traduit de manière extrême le joueur canadien est la suivant : NE FALLAIT‐IL PAS REPOUSSER LES RENCONTRES ?
Une bouteille qui fond au sol pour Wozniacki, un malaise inquiétant pour Dancevic, des crises de vomissements pour Peng et Roger‐Vasselin et des plaintes en conférence de presse à foison. Les participants à cet Open d’Australie 2014 sont au moins d’accord sur un point : la chaleur est à la limite du supportable. Frôlant les 40 degrés et peut‐être même amenée à les dépasser, elle met les organismes à rude épreuve, jusqu’à une certaine limite : l’éventualité d’un décès peut ne pas être écartée. Le phénomène a déjà été observé dans d’autres sports, notamment dans le cyclisme et la course à pieds. Quand on sait que certains marathons ont été interrompus par 28 degrés… Faut‐il interrompre les matchs ? Ou attendre qu’un drame se déroule pour agir enfin ? Le débat est lancé.
D’accord à… 99 % : il faut stopper cette mascarade !
Soyons responsables. Nous avons tous déjà été amenés à pratiquer un sport sous une chaleur étouffante au moins une fois dans notre vie. Et nous nous sommes tous rendus compte des difficultés que ça pouvait générer dans la pratique ainsi que les risques sur notre santé. Un coup de chaud peut faire mal, très mal. L’exemple Tom Simpson sur le Mont Ventoux en 1967 lors du Tour de France devrait nous alerter. Face à la chaleur et l’effort important, le coureur a fini par succomber. Plus récemment, en 2011, un marathonien à Montréal est lui aussi décédé de mort subite, phénomène dont 25 personnes décéderaient chaque semaine en alliant le cocktail dangereux de la chaleur et du sport. Si la température corporelle augmente au‐dessus de 40° Celsius, il est possible que le corps et que le cœur réagissent moins bien. D’où le danger aussi pour un joueur de voir sa lucidité décliner et par conséquent l’empêcher de s’hydrater correctement. Aussi la préconisation d’une interruption de matchs ou de reprogrammation en soirée, quitte à bousculer les habitudes des spectateurs et les intérêts économiques des diffuseurs, doit être sérieusement envisagée, car attendre que la mort vienne nous rappeler à sa triste réalité n’est pas une solution. « J’avais mal à la tête, envie de vomir, c’est pas humain de jouer dans ces conditions. Le médecin m’a conseillé d’arrêter, mais j’ai préféré continuer car je pensais que les matches allaient être interrompus. C’est pas du tennis, c’est Koh‐Lanta ! », expliquait Mladenovic au sortir de sa défaite contre Stefanie Voegele. Koh‐Lanta, une émission où l’an passé, un mort a été à déplorer… Agissons.
Simon Alves
D’accord… à 60 % : il fallait au moins se poser la question
A la différence de Simon, je ne considère pas que l’interruption des matchs était absolument indispensable ce mardi à Melbourne. Mon argument principal ? Contrairement à ce qui a pu être dit, les joueurs ne prenaient pas des risques si importants en allant sur le terrain par des températures pareilles. Le médecin que j’ai interrogé sur la question m’a effectivement livré l’analyse suivante : « Dans une telle fournaise, les risques principaux sont la déshydratation et le coup de chaud : c’est le témoin que le corps est en manque d’eau. De plus, les risques de blessure sont peut‐être légèrement plus forts qu’en temps normal car les muscles seront plus facilement déshydratés. En revanche, contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’y a pas spécialement de risques cardiaques à faire un effort physique en plein cagnard, en tout cas pas plus que dans des conditions normales. Jouer par une telle chaleur est certes très désagréable, mais on n’y risque pas sa vie. » Ainsi, dans la mesure où les joueurs ne s’exposent pas dangereusement en jouant, j’estime qu’il était cohérent de ne pas interrompre les matchs. Néanmoins, je trouve dommage que les organisateurs ne se soient même pas posé la question. En effet, comme certains joueurs l’ont souligné, les corps des uns et des autres réagissent différemment à la chaleur. De plus, ceux qui jouent en night session sont fortement avantagés par rapport aux malchanceux envoyés sur le court en pleine fournaise. « Je ne trouve pas cela juste de voir des joueurs contraints à l’abandon à cause de la chaleur » explique ainsi Frank Dancevic, sacrément amoindri lors de son match face à Benoit Paire. Enfin, il faut souligner que les spectateurs ont aussi soufferts de ce cagnard, non seulement pour eux – de nombreux malaises ont été déplorés – mais aussi parce que la qualité de jeu a été relativement faible, et on comprend bien pourquoi.
Pauline Dahlem
D’accord à… 25% : le problème est ailleurs
Le problème est ailleurs. Evidemment, il paraît suicidaire de jouer trois heures ou plus par 40°C. Mais, pour jouer trois heures, il faut jouer au meilleur des cinq manches… Si l’on a pu comptabiliser pas moins de huit abandons au premier tour chez les hommes, il n’y en a eu qu’un chez les femmes. Elles jouent en deux sets, ceci explique cela. D’ailleurs, Roger Federer n’a joué qu’1h45 et l’affirme, lui : « La chaleur pose surtout un problème mental. Si vous vous êtes bien préparé, vous pouvez vous en sortir. Pour le reste, le souci est plutôt relatif à chacun, en fonction de vos habitudes, de votre origine. » Faire jouer deux tableaux de 128 joueurs en même temps constitue déjà un challenge monstrueux. Cet après‐midi, ce n’est pas une ou deux rencontres qu’il aurait fallu repousser, mais toute une partie du programme. Et encore, il faisait 32°C en night session. Mis à part faire jouer l’Open d’Australie à une autre période de l’année, il paraît délicat d’éviter ce problème des conditions météos qui, chaque année, se pose. Et qui, s’il n’était question de chaleur, serait question de pluie, qui sait, en fonction de la saison – à Roland Garros, ils s’y connaissent dans ce domaine… Pour moi, la solution demeure de raccourcir les rencontres. Tenez, cela pourrait même permettre de faire débuter la journée plus tard ! Bon, compliqué, c’est vrai…
RCV
Pas du tout d’accord : faites votre job !
L’Australie est un pays de l’Hémisphère Sud. Le mois de janvier est le mois le plus chaud dans l’Hémisphère Sud. L’Open d’Australie est une compétition annuelle qui se déroule en janvier. Chaque année. Point. Inutile de parlementer, le Grand Chelem de Melbourne a toujours été l’un des rendez‐vous les plus chauds de l’année. Tout joueur de tennis rêve de pouvoir disputer et, mieux encore, gagner un de ces tournois majeurs. Ils sont aussi là pour se préparer aux conditions qui accompagnent chaque compétition. A Roland Garros par exemple, il peut faire très chaud. Il peut aussi faire un temps de chien. Nous le savons, les joueurs le savent donc s’y préparent. Je vous vois venir avec vos risques pour la santé, vos déshydratations et autres maux chaleureux mais les sportifs de haut niveau ne sont‐ils pas aussi là pour se surpasser, pour prouver à quel point ils sont meilleurs que nous devant nos écrans ? J’entends bien évidemment que certains puissent déclarer forfait, mais de là à stopper tous les matchs il y a un monde. Aujourd’hui, les joueurs se sont plaints, beaucoup plaints, et ils ont bien fait. Mais ne sont‐ils pas tout de même allés au bout de leurs efforts ? De plus, les victimes du jour, je parle de celles et ceux qui ont souffert de vomissement et autre évanouissement, ont toutes été sorties. Doit‐on déduire que seuls les plus forts restent ? Le sportif connaît ses limites et sait gérer son corps. Au Tour de France, la chaleur est souvent insoutenable et l’effort au moins aussi important que celui fourni lors d’un match de tennis. Pourtant, la compétition n’est jamais remise en cause, en dépit de l’intégrité physique parfois bancale des coureurs. Là réside la dure loi du sport : les plus solides sont devant, les autres lèvent le pied à moins de prendre des risques démesurés avec leur santé. L’Open d’Australie doit être semblable : il fait chaud, c’est insupportable, mais la compétition veut ça, alors mesdames, messieurs, battez‐vous aussi longtemps que vous le pouvez et offrez‐nous du spectacle, c’est votre rôle.
Antoine Brunakian
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Publié le mardi 14 janvier 2014 à 18:40