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7. Federer, je te racon­terai l’his­toire de ce roi…

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Il ne reste plus que deux jours avant la fin défi­ni­tive de l’année 2012. Dernière partie de notre rétro… Un peu d’auto‐promo ! Voici quelques uns des meilleurs articles origi­naux publiés tout au long de la saison sur Welovetennis. La sélec­tion a été établie par une jeune fille de passage à la Rédaction, qui a laissé son cœur parler ! Bonne re‐lecture !

La rétro WLT est orga­nisée en parte­na­riat avec « Roger, mon amour », le livre tennis événe­ment sur Roger Federer.

Publié le 16 juillet 2012 à 18h45, par Rémi Cap‐Vert, Laurent Trupiano et Pauline Dahlem

Prélude : « Je te racon­terai l’his­toire de ce roi… »
« On a vu souvent rejaillir le feu de l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux… » Enterré durant deux ans sous les cendres et le limon de défaites précoces en Grand Chelem, Roger Federer n’était pas endormi. En veille, tout au plus. En attente, surtout. En attente de condi­tions opti­males à la réali­sa­tion d’une grande perfor­mance. Un peu comme s’il soli­di­fiait cratère et cheminée pour mieux tout exploser. Comme s’il faisait croître lente­ment, mais sûre­ment, la pres­sion à l’intérieur d’une enve­loppe rigide et stoïque. Mieux, il patien­tait et savait que son heure revien­drait après deux années de retrait domi­nées par Nadal et Djokovic. « Il est paraît‐il des terres brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur avril. » Une petite baisse de régime de la concur­rence, un parcours trop caho­teux pour qu’on ne le voit autre­ment qu’en surprise, un Serbe anes­thésié pendant deux manches et sa meilleure victime en finale des Majeurs : réveillez Haroun Tazieff et demandez‐lui si tous ces para­mètres ne sont pas idéaux pour qu’un masto­donte de la petite balle jaune, un Vésuve, un Etna, un Saint Hélène ne sorte de son sommeil pour éclater au monde et lancer dans les cieux ses feux incan­des­cents et victo­rieux. « Roger Federer est immortel », titrait‐on lors de ce jour de gloire. Pour ceux qui en doutaient, il est temps de faire profil bas. « Je voudrais que ceux qui disaient « Roger est fini » ces deux dernières années avouent, aujourd’hui, qu’ils avaient tort », insiste Riccardo Piatti. « Et quand vient le soir pour qu´un ciel flam­boie le rouge et le noir ne s´épousent-ils pas… Ne me quitte pas, ne me quitte pas… » Le feu du volcan est encore bien vivace. Mais pour combien de temps, peut‐on s’interroger. Quand Roger Federer, le joueur, s’éteindra pour de bon, lais­sant, seul, la place à Roger, l’homme et le papa… Oui, car on pensait que son retrait progressif avait déjà commencé. En douceur, avec de belles joies en Masters 1000 et ATP 500. Mais irré­mé­dia­ble­ment. Son titre à Wimbledon vient nous rappeler qu’il restera un cham­pion jusqu’à ce que soient rangées ses raquettes. Et jusqu’au bout, à la manière d’un Andre Agassi vain­queur de l’Open d’Australie à 32 ans passés… Le départ de Roger lais­sera un grand vide. Alors, en atten­dant, profi­tons et susurrons‐lui à l’oreille quelque hypno­tique mélodie pour reculer ce moment. « Ne nous quitte pas, ne nous quitte pas… »

Rémi Cap‐Vert

Chapitre 1 : Roger, number one

Dès la fin de l’année 2010, Roger Federer affirme vouloir reprendre « sa » première place mondiale. Malgré cette confiance affi­chée, les semaines, les mois et les années passent sans que le Suisse se rapproche réel­le­ment de cet objectif. Et, lorsqu’en septembre 2011, Djokovic, qui cara­cole en tête, creuse un écart de plus de 6000 points avec lui, même les plus opti­mistes se mettent à douter. Or, juste­ment, ce mois de septembre 2011 est un véri­table point de passage dans la recon­quête fede­rienne du pouvoir. « Après cette demi‐finale perdue à New York, j’ai énor­mé­ment travaillé. Je n’ai pas baissé les bras et j’ai continué à me battre. Je jouais du bon tennis, mais je ne pouvais pas me contenter de ces demi‐finales et finales perdues. » Cet élan de moti­va­tion propulse le Suisse dans une saison autom­nale excep­tion­nelle. Titré à Bâle, Paris‐Bercy et au Masters de Londres, Federer empoche 3000 points en moins de deux mois. « A partir de Bâle, je suis reparti dans un cycle de victoires », analyse le Suisse. « Ensuite, ma confiance n’a fait qu’augmenter avec les titres à Paris et à Londres. C’est alors que j’ai réalisé que de grandes choses étaient possibles pour 2012. » Sur sa lancée, Federer gagne les tour­nois de Dubaï, Rotterdam, Indian Wells et Madrid. Les points de ses demi‐finales à Melbourne et Roland Garros le replacent dans la course à la première place, aux côtés des ogres Nadal et Djokovic. Fin juin 2012, une occa­sion se présente. Enfin. S’il gagne Wimbledon, Federer rede­viendra numéro un et battra le record de longé­vité de Sampras aux commandes du clas­se­ment ATP. Immense cham­pion qu’il est, Roger ne laisse pas passer sa chance. Le revoilà sur la plus haute marche du clas­se­ment, ambas­sa­deur numéro un du tennis mondial devant les jeunes loups aux dents longues. « Je n’ai jamais cessé d’y croire. C’est incroyable d’égaler Sampras. Il était mon héros… La place de numéro un ne vient jamais sur un plateau. J’ai beau­coup travaillé pour en arriver là. C’est un moment magique pour moi ! »
Pauline Dahlem

Chapitre 2 : Les 30 glorieux

En 2009, Roger Federer s’incline en finale de l’US Open. C’est un gosse de 20 ans qui lui inflige une défaite impro­bable, Juan Martin Del Potro. Roger, lui, vient d’avoir 28 ans, de remporter ses 14ème et 15ème titres en Grand Chelem – record battu – et, surtout… de devenir l’heureux papa de deux petites jumelles. Ce jour‐là, ce 14 septembre 2009, le Suisse perd parce qu’il est homme et parce qu’il est adulte. C’est la victoire d’un enfant, Juan Martin. Et la défaite d’un père. Un père serein, qui a déjà tout vu, tout vaincu. Un père qui peut désor­mais perdre. Dimanche 8 juillet 2012, Roger Federer, 30 ans, remporte Wimbledon pour la septième fois de sa carrière. Il succède à Arthur Ashe, dernier tren­te­naire titré à Londres, en 1975. Et rejoint Pete Sampras, Andre Agassi, Ivan Lendl, Jimmy Connors, Andres Gimeno, Rod Laver, Ken Rosewall ou encore John Newcombe dans le cercle des vain­queurs de majeurs à cet âge de matu­rité. Face à Andy Murray, en finale, il s’impose grâce à son expé­rience, un calme et une maîtrise, tant de soi, que des éléments exté­rieurs. Une capa­cité à savoir avec exac­ti­tude quand appuyer, là où ça fait mal, quand se sortir les tripes, quand gérer une avance par une concen­tra­tion sans failles et sans limites. Le 8 juillet dernier, trois ans après cette défaite du papa, le scénario est renversé : c’est parce qu’il est père qu’il soulève le trophée, devant ses deux enfants, présentes en tribune. Il semble porté par une force inté­rieure et toute la pléni­tude de son accom­plis­se­ment. Au moment où il sert et soulève les anses dorées de sa coupe, la sienne, comme on étreint sa bien aimée, comme on l’embrasse, comme on la fait voler, Roger Federer n’a plus 30 ans, ni d’âge ; durant quelques instants, il s’offre au monde et rejoint l’univers, devient intem­porel et devient absolu. Désormais, c’est sûr, cet homme est une légende. 
Rémi Cap‐Vert

Chapitre 3 : Un jardin à l’anglaise ?

C’est le temple du tennis, celui vierge de spon­sors, celui du trophée en or. « Vous voyez le trophée… et c’est trop beau. Doré. Vous ne gagnez pas souvent de trophées dorés. Le regarder, le toucher, le porter… C’est quelque chose dont vous avez toujours rêvé. » Voilà comment Roger Federer expri­mait sa joie à l’issue de son premier succès au All England Club, en 2003. Depuis, 16 autres titres sont venus compléter son palmarès, mais aucun n’a la saveur si parti­cu­lière de ceux remportés à Wimbledon. « L’atmosphère, le lieu chargé d’histoire, le fait de jouer en blanc, ce tournoi respire le tennis », commente encore celui pour qui la tradi­tion n’est pas un vain mot. Qu’il retrouve la place de numéro un mondial ici, dans son jardin, un petit exploit déjà réalisé en 2009 quand il terras­sait Andy Roddick au cours d’une bataille homé­rique, semble d’une logique impla­cable. Tous les grands cham­pions aspirent à l’emporter sur le gazon londo­nien. Rafael Nadal en avait fait un but, Novak Djokovic y pensait quand il avait quatre ans, Boris Becker y avait forgé sa légende et Ivan Lendl, le coach d’Andy Murray, avait tout essayé, en son temps, pour parvenir à décro­cher ce Graal… sans succès. Au final, c’est presque naturel de voir Roger au firma­ment là où il a commencé à écrire sa légende. On savait que ce 8 juillet 2012 allait être histo­rique, il est défi­ni­ti­ve­ment légen­daire. « Une finale de Grand Chelem à Wimbledon, tu ne t’y habi­tues jamais. Cette fois, il y avait Andy en face, et on a fini avec le match sous le toit. Ca faisait beau­coup d’événements. J’ai du mal réaliser ce qui s’est passé. Je crois que cette fois, c’est encore plus grand. »
Laurent Trupiano

Chapitre 4 : Et maintenant ?

Que lui manque‐t‐il ? Rien ou presque. Ah si, peut‐être, l’or olym­pique… Forcément, il se place comme l’un des favoris à Londres, même si, comme il le précise, cette épreuve reste un peu parti­cu­lière. « En deux sets, sur gazon, tout peut très vite s’envoler, il suffit d’un break dans chaque manche et le rêve de médaille part en fumée. Donc, je suis confiant, mais je sais aussi ce qu’implique cette compé­ti­tion en termes de risques. Autant sur un tournoi du Grand Chelem, on peut avoir un petit passage à vide et se dire qu’on parviendra à revenir, autant là, à Londres, le moindre faux pas sera fatal. » Beau résumé des enjeux d’une compé­ti­tion, qui n’aura jamais été aussi relevée depuis le retour de la petite balle jaune dans le concert olym­pique, en 1988. D’abord, il y aura Rafa, remonté comme une pendule, après sa roso­lite aiguë. Mais aussi Nole, qui est toujours plus fort quand il s’agit de hisser au plus haut les couleurs de sa Serbie natale. Ce sera aussi le cas pour Andy, qui a, pendant cette quin­zaine, vu la pres­sion de tout un peuple se trans­former en une vague d’énergie et de bonheur, tout juste stoppée par une défaite en finale. Le chal­lenge paraît relevé pour le Suisse, éliminé, à Sydney, par Arnaud Di Pasquale, par Tomas Berdych, à Athènes, et James Blake, à Pékin. On se souvient tous de sa joie et de son émotion avec son pote Stanislas Wawrinka quand il avait décroché l’or en double… On imagine donc la liesse si, d’aventure, cela se produi­sait en simple… Toujours dans son jardin, seule­ment un mois après son triomphe légen­daire. En revanche, inutile de penser que Roger, auréolé d’un nouveau titre suprême, stop­pera sa carrière dans la foulée. Cette éven­tua­lité n’est pas inscrite dans son programme. Il l’a dit, il veut aller à Rio en 2016… Personne ne s’en plaindra !
Laurent Trupiano