Roger Federer est longuement revenu sur sa défaite en finale de l’US Open face à Juan Martin Del Potro 6⁄3 6⁄7 6⁄4 7⁄6 6⁄2. Il a également évoqué son état d’esprit au lendemain de cette déception, mais également ses objectifs de fin de saison.
Cela faisait longtemps que vous n’étiez pas venu dans cette salle d’interview en tant que finaliste malheureux. Parlez‐nous de votre expérience d’hier soir et la manière dont Juan Martin a joué.
ROGER FEDERER : Je pense que c’était un match difficile, et ce dès les tout premiers échanges. Même le premier set était très serré. On devait aussi tout les deux s’habituer aux conditions. Ce n’était pas évident de commencer vers les 16 heures parce l’ombre tombait, la lumière changeait…etc.
J’ai très bien commencé cette finale, et je pense que je contrôlais les choses, aussi bien dans le premier que dans le deuxième set. Je crois d’ailleurs que c’est cette deuxième manche qui m’a coûté le match. Mais bon, j’ai aussi eu plein d’occasions de faire la différence avant…
Je pense aussi que Juan Martin a très bien joué. Il s’est accroché tout le long et s’est donné des chances. Et à la fin il était meilleur que moi.
Est‐ce vraiment une énorme déception de ne pas remporter ce sixième titre d’affilée ?
Cinq titres, c’était déjà génial, quatre aussi. Six, ça aurait été un rêve. On ne peut pas tous les réaliser. J’ai eu un été extraordinaire, et ici j’ai fait un bon parcours. Je ne suis pas trop déçu parce que je considère que j’ai à nouveau disputé un magnifique tournoi. J’ai eu des chances de gagner aujourd’hui, mais je n’ai pas su les saisir. C’est dommage.
Que s’est‐il passé dans ce cinquième set ? Les trois premiers jeux notamment ?
Il a servi deux fois, et gagné ses deux jeux de service. Je me suis fait breaker. Ca fait 3–0 pour lui. C’est aussi simple que cela.
Est‐ce qu’il vous a proposé quelque chose de complètement différent aujourd’hui par rapport à vos précédents affrontements ?
Il n’a pas tout changé, mais un certain nombre de choses. Je pense simplement qu’il a été plus constant sur l’ensemble du match. Mais sinon, il a en gros joué de la même manière que précédemment.
Est‐ce que vous pouvez vous replonger cinq ans en arrière et essayer de nous dire ce qu’il a ressenti quand il s’est effondré sur le court après la balle de match ?
Et bien, je vais comparer cela à mon premier Wimbledon. Je crois que le premier Grand Chelem que vous gagnez, c’est toujours quelque chose de grand, d’énorme même. La meilleure sensation de la terre après tout le travail que vous avez effectué pour en arriver là. Encore plus génial, quand cela vous arrive alors que vous êtes très jeune parce que c’est encore plus inattendu. C’est ce qui lui est arrivé aujourd’hui. Il s’était mis dans les meilleures dispositions pour l’emporter. Mais c’est génial pour lui. C’était sympa de le voir si heureux et ému de réaliser ce qu’il venait d’accomplir. Je pense qu’il doit l’apprécier là son titre. Il l’a mérité. C’était un grand match pour lui.
Quel regard portez vous désormais sur vos résultats en Grand Chelem cette année ? Vous avez décroché deux titres pour quatre finales disputées.
Incroyable, incroyable parcours. Participer à toutes les finales de Grand Chelem de l’année et en gagner deux, en sachant que celles que je ne remporte pas, je les perds en cinq sets. Bien sûr que j’aurais adorer gagner ces deux autres finales. Etre si près… Je crois que j’étais à deux points du match aujourd’hui. Mais c’est comme ça que ça se termine parfois.
Mais cette année a quand même été géniale, et ce n’est pas encore fini. Je me suis marié, j’ai eu des enfants. Je ne sais pas ce que je pourrais demander de plus.
Tous les heureux évènements que vous avez vécus cette année vont‐ils vous aider à digérer, relativiser ce genre de défaites ?
Oui, je crois que cette défaite est assez facile à effacer parce que j’ai vécu l’été le plus extraordinaire qui soit. Et puis j’ai tout essayé aujourd’hui. Cela n’a pas marché. J’ai manqué des occasions. Il a bien joué, et à la fin ça devenait dur, dans le cinquième set. C’est quand même acceptable comme défaite. Ce sont des choses qui arrivent. Mais la vie continue. Pas de problème.
Vous étiez en contrôle au début et puis le match a commencé à tourner. Y a‑t‐il eu un moment où vous vous êtes dit :”uh‑oh, je dois être un peu plus sérieux là, sinon les choses risquent de ne pas tourner en ma faveur” ?
Pas vraiment. Je pense que je le maîtrisais dans les deux premiers sets. Je n’aurais jamais dû manquer autant d’occasions. C’est juste super dommage. Je pense que si je gagne ce deuxième set, je suis en excellente position pour aller au bout. Malheureusement, je n’ai pas su le faire.
Diriez‐vous que cette défaite ressemble un peu à celle que vous avez encaissée en Australie contre Nadal ?
Je ne me rappelle plus très bien du match en Australie. J’ai mené deux sets à un ou c’est l’inverse ?
Vous étiez mené deux sets à un.
J’ai eu le sentiment qu’aujourd’hui, j’étais vraiment plus en contrôle. Vous savez, j’ai eu beaucoup plus d’occasions dans cette finale là. C’est le genre de finales où j’ai le plus de regrets quand j’y repense quelques temps après. Mais bon, vous ne pouvez pas toutes les gagner, et tout le temps jouer votre meilleur tennis non plus. Il s’est très bien battu et accroché. A la fin, il était vraiment très fort.
Avez‐vous été surpris qu’il parvienne à garder son calme et qu’il ne soit pas submergé par l’émotion pour sa première finale en Grand Chelem ?
Oui, un petit peu. C’est toujours une performance extraordinaire de gagner son premier majeur pour sa première finale. Je voudrais souligner tout son mérite. Parce que ce n’est franchement pas facile de gagner sa première finale de Grand Chelem, surtout contre quelqu’un comme moi qui a autant d’expérience. Sa performance est fantastique. Je pensais qu’il aurait plus de hauts et de bas. C’est une donnée que j’aurais dû utiliser pour faire la différence, mais je n’ai pas pu. A la fin, il était vraiment bon.
Pourriez‐vous nous parler de son coup droit, le comparer aux autres coups droits sur le circuit ?
Et bien, il est différent. Je pense qu’il le frappe bien, notamment dans la diagonale coup droit. Son coup droit décroisé est performant également, mais je pense qu’il y en a de meilleurs que le sien. Définitivement, il a un bon rythme et une bonne marge de sécurité en coup droit. Par moments il en tente des assez dingues. Il a aussi une très bonne technique en revers. Non, il est vraiment solide.
Et les autres bons coups droits du circuit ? Vous avez beaucoup parlé de celui de Gonzalez. Quels sont les autres très gros coups droits du circuit ?
Le sien est différent. Je ne sais pas si je pourrais le mettre dans la même catégorie que ceux de Gonzalez, Blake et Nadal. Il a un très bon coup droit, mais je ne sais pas si c’est le meilleur du monde. Je ne le pense pas. Mais ça ne change rien. Il a gagné le match non ? Ca ne change rien, que vous ayez un bon coup droit ou un bon revers.
Jusque là, Rafa était le seul à vous avoir battu en finale de Grand Chelem. Que pensez‐vous de ce nouveau nom qui entre dans cette liste ?
Il n’y a pas de problèmes là‐dessus. Il l’a mérité. Il a très bien joué. Je ne sais pas quoi rajouter. Avec Rafa, nous avons fait de belles finales, assez épiques même, depuis quelques années. Qui sait, peut‐être que Del Potro multipliera ce genre de performances à l’avenir. Je lui souhaite le meilleur pour le futur.
C’est vraiment dur de perdre une finale de Grand Chelem, mais aujourd’hui vous n’avez pas trop montré vos sentiments. Les dernières défaites en finale, c’était en Australie et à Wimbledon, et vous étiez apparu extrêmement déçu.
Et bien parfois vous êtes très déçu, et parfois moins. Je ne peux pas appuyer sur un bouton. Je ne le veux pas d’ailleurs. Aujourd’hui ça va. Je suis fatigué, j’étais fatigué lors des autres finales aussi. Parfois elles vous marquent plus que d’autres.Je veux que ça reste naturel.
Peut‐être qu’ici, avec toute la musique, le show, c’est différent. Ca ne m’a pas fait aussi mal qu’en Australie ou à Wimbledon. Quand ça devient super silencieux à la fin des grande finales, vous avez plein de choses qui vous traversent l’esprit. Ici il y a de la musique, et donc vos pensées vont également vers la musique. Elles ne sont plus uniquement fixées sur le match. Ce qui est une bonne chose, je pense.
Quand vous prenez un peu de recul sur cette finale, est‐ce que vous pensez que cela va vous motiver encore plus, pour aller par exemple gagner en Australie en janvier ?
Il y a encore beaucoup de semaines entre l’US Open et l’Open d’Australie. Nous avons encore de gros tournoi à jouer d’ici là. Donc j’espère que je pourrais garder ce niveau parce que je joue vraiment bien au tennis en ce moment. J’ai accumulé beaucoup de confiance et je sens que je frappe bien la balle. Cette défaite n’enlève rien à ce que j’ai accompli cette année. J’ai eu une magnifique saison, en termes de résultats en Grand Chelem. A côté de ça, je suis aussi redevenu numéro 1 mondial. J’espère que je pourrais défendre et garder cette place jusqu’à la fin de l’année, et avec un peu de chance gagner la Masters Cup de Londres. D’ici là, j’espère aussi que je pourrais décrocher d’autres titres, comme par exemple mon tournoi à domicile à Bâle. Nous verrons bien ce que ça donne.
Publié le mardi 15 septembre 2009 à 13:26