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Tennis et perfor­mance… par O’live

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Des inter­nautes nous ont envoyé deux textes inté­res­sants sur le tennis et l’évo­lu­tion qu’ils constatent. Adeptes d’un certain jeu, ils refusent l’uni­for­mité des styles, des surfaces et le stéréo­type d’une manière géné­rale. Et prônent une variété, sous l’égide de l’ins­pi­ra­tion, une inspi­ra­tion quasi‐artistique… Avec, en toile de fond, l’éloge d’un Roger Federer, face au masto­donte Novak Djokovic. 

Ils nous ont proposé de publier leurs réflexions. A la Rédaction, nous les avons trou­vées inté­res­santes. D’autant qu’elles s’in­sèrent dans un débat général, après une finale Murray‐Djokovic, à Melbourne, que beau­coup ont trouvé sopo­ri­fique. On vous laisse en débattre, même si le sujet à déjà été énor­mé­ment balayé. Quoi qu’il en soit, l’ini­tia­tive mérite d’être saluée. Bravo !

Le tennis à l’épreuve de la perfor­mance… par O’live

J’en entends de‐ci de‐là se piquer de l’évo­lu­tion actuelle de notre sport, le tennis, toute entière guidée par la quête de l’op­ti­mi­sa­tion ratio­na­lisée des perfor­mances. Pris pour coupables, dénoncés comme chevilles ouvrières de cette mue, les proues du haut‐niveau que sont les Djokovic, Murray, Nadal, Ferrer et autres Del Potro sont voués aux gémo­nies. Donnons la parole aux colé­reux. Car ils n’aspirent à rien d’autre qu’à rendre au tennis ce qu’on lui sait menacée : sa voca­tion artistique.

Et le propos n’est nulle­ment empha­tique. Car c’est bien la dimen­sion irra­tion­nelle, poétique et fina­le­ment humaine de ce sport qui est mise à mal par ces fers de lance du rigo­risme tactique, ces adeptes de l’athlétisme scien­ti­fi­que­ment calibré. Aussi l’avènement de ces joueurs n’est-elle rien d’autre que le signe de l’emprise de la raison spor­tive sur la passion du Sport. 

On objec­tera que l’Art possède lui aussi ses règles propres, ses outils construits dans et par la raison. Et on aura raison. Qui repro­chera à Bach et à Mendelssohn d’avoir fait usage de la portée et de la gamme tonale, ou à Michel‐Ange et Godin de s’être appuyés sur les lois de la pers­pec­tive et de la propor­tion­na­lité ? Personne. Mais ces arti­fices ne doivent être compris que comme des jalons tout entier voués à favo­riser la quête humaine et la catharsis des âmes. Les plus grands esthètes ne sont‐ils pas juste­ment ceux qui savent se nourrir des règles pour mieux s’en affran­chir ? Federer est beau car il est cet heureux mélange, déli­cate dialec­tique de la rigueur et de l’in­ven­ti­vité, du labeur et du laisser‐aller, du réglage et de l’im­pro­vi­sa­tion, de l’obs­ti­na­tion et de la dissipation.

Osons espérer n’être que les témoins d’une ère d’évo­lu­tions parti­cu­liè­re­ment tangibles du tennis. On pourra digresser à l’in­fini sur les vertus du progrès tech­nique, tactique et athlé­tique. Il reste que chaque pallier franchi par la funeste méca­nique inéxo­ra­ble­ment incré­men­tale du sport est une gerbe d’eau supplé­men­taire jetée sur la flamme de la passion, de la folie humaine. Quand Djokovic éteint Federer, la machine fait un pied‐de‐nez au danseur étoile. Quant aux tant décriées stag­na­tions de certains trico­lores, elles ne sont que l’ex­pres­sion d’une forme de darwi­nisme tennis­tique qui interdit à ceux qui osent ou, mieux, à ceux qui jouent, l’accès au Panthéon – quand elle ne les réduit pas au rang de faire‐valoir des susmen­tionnés monstres du circuit. Et au risque d’opérer une simpli­fi­ca­tion quelque peu réduc­trice, on pourra sans vergogne pointer du doigt les lois de la concur­rence qui hantent de plus en plus struc­tu­rel­le­ment l’uni­vers du tennis de haut‐niveau.

Mais n’enterrons pas trop vite ceux qui font tres­saillir nos sens. Car ce sont encore à eux que l’on doit nos émois, les Federer, Wawrinka, Dolgopolov et, rendons à la France ce qui lui appar­tient, les Tsonga, Gasquet, Chardy et Paire ! Réjouissons‐nous, la coupe n’est pas la forme absolue et unique de recon­nais­sance légi­time en notre planète tennis. Soyons heureux, du dernier Paris Bercy l’on aura bien plus retenu les danses polo­naises de Janowicz et les montées embar­dées de Llodra que la victoire labo­rieuse, érein­tante et éreintée du rigou­reux David Ferrer. Louons Federer, chan­tons le nom de celui qui est encore capable de noyer les algo­rithmes serbes et écos­sais dans les tour­billons incon­trô­lables de la vie. Oui, la vie, faite fouet liquide, demi‐volées inso­lentes et folies tactiques. Supporter Roger, c’est résister au culte de la perfor­mance, à l’avancée de la raison sur la passion. Supporter Roger, c’est dire oui au tennis. Supporter Roger, c’est faire acte de militantisme.

Que l’au­teur soit taxé de conser­va­tisme, il s’en accom­mo­dera volon­tiers ! Qu’on l’accuse d’obscurantisme, il signera ! Faire de passion guidon n’est point parjure. Ensemble, commu­nauté de fous, soyons fiers de notre sport, arbo­rons ports altiers et tonnons notre désarroi. Quand le tennis devient l’apa­nage de la raison, on en écarte une compo­sante essen­tielle et, partant, salva­trice : l’Homme, matière d’af­fects, celui qui doit jouer, lutter, se dépasser, douter, s’aban­donner dans l’ivresse infinie du jeu.

O’live

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