Dans notre dossier consacré au tennis russe dans le numéro 73 de Welovetennis Magazine, Rodolphe Gilbert se confie sur Andrei Chesnokov qu’il a côtoyé sur le circuit. Entretien.
Te souviens‐tu de la première fois où tu as croisé Andrei Chesnokov ?
Bien évidemment, c’était lors de mon Roland‐Garros junior en 1986. Je l’ai croisé dans le stade. Il avait deux raquettes et des chaussettes en nylon noir. Tout le monde se demandait ce qu’il faisait là. C’était une vraie curiosité pour tout le monde : les joueurs, les spectateurs, les arbitres, etc. Et puis une fois qu’Andrei a eu des résultats, on a bien compris pourquoi il était venu [rires].
On sent dans ta voix que tu le connais bien…
J’ai toujours eu beaucoup d’affection pour lui, sur le circuit mais aussi par la suite quand on se croisait à Paris, notamment quand il était au Tennis Club de Paris. Selon moi, et je ne pense pas me tromper, c’est lui qui a lancé le tennis russe, qui l’a libéré, notamment par le combat qu’il a mené pour pouvoir enfin vivre de son tennis et ne pas donner ses gains au gouvernement. Il faut bien comprendre que quand ils sont arrivés, lui et Cherkasov [Andrei, ndlr] n’étaient pas vraiment libres : une délégation les entourait en permanence.
Aujourd’hui, vous vous voyez encore ?
Dès que l’on peut, et souvent à Roland‐Garros. On a notre petit jeu de surnoms : lui c’est Batman et moi Mohamed, allez savoir pourquoi… C’est assez caractéristique d’Andrei, qui a un humour spécial. Je dirais qu’il est un peu marginal au bon sens du terme. Il a une forte personnalité qui peut quelquefois sembler étrange. Il y a en lui un peu de folie, et aussi beaucoup de sensibilité.
Et sur le court à l’époque ?
Un guerrier, comme son acolyte Cherkasov : très peu de fautes et un vrai sens tactique, un physique incroyable, du tennis total. Andrei a quand même fait une demi‐finale à Roland‐Garros en 1989 et atteint la 9e place mondiale, ce n’est pas rien. D’ailleurs, je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il aurait pu faire une autre carrière s’il n’avait pas été Russe. Au contraire, cela a été une force tout au long de sa vie sur le circuit.
D’ailleurs, Cherkasov et Chesnokov étaient même entraînés par une femme, une vraie première sur le circuit…
Ils avaient compris avant nous tous que la femme est l’avenir de l’homme. Plus sérieusement, ce fut une vraie nouveauté. En fin de compte, Andrei Chesnokov a été un pionnier et la Russie est aujourd’hui devenue une grande nation du tennis, même si le système a changé puisque les jeunes espoirs russes filent rapidement à l’étranger pour progresser au sein des structures capables de les faire grimper dans la hiérarchie du tennis mondial en perdant sûrement une part de leur esprit russe…
Publié le dimanche 8 décembre 2019 à 13:18