Dans le cadre du numéro 73 de Welovetennis Magazine, nous sommes partis interroger Jean‐René Lisnard, fondateur de l’Elite Tennis Center de Cannes où s’entraîne Daniil Medvedev. Une interview que vous retrouverez en trois parties.
Si l’on compare ta période à celle d’aujourd’hui, quels sont les grands changements que tu as constatés sur le circuit ?
Attention, je vais être dur. Pour moi, la génération actuelle n’est pas assez passionnée, elle n’est pas totalement amoureuse de ce qu’elle fait. Elle n’est pas dans le détail. Il y a aussi l’appât du gain, ils veulent gagner vite. C’est vrai que ce sont de meilleurs athlètes, qu’ils sont plus fort qu’à notre époque, mais ce n’est pas que grâce à eux. Tout a beaucoup évolué en termes d’entraînement physique, de matériel. Je me souviens qu’à mon époque, juste avant sa finale d’Adélaïde, Patrick Rafter s’entraînait sur un court face à deux joueurs, à l’ancienne, sans chichis, en donnant le meilleur de lui-même. On ne voit plus cela maintenant. Quelquefois, ils sont même plus d’une dizaine sur un entraînement, c’est de la pure folie. Personne ne va faire un footing, sauf si on le leur dit ; moi, j’en faisais tous les matins.
Il y a donc un manque d’autonomie ?
On ne crée plus l’envie. Mais cela ne concerne pas que le tennis, c’est sociétal. J’ai fait un test l’autre jour : personne ne connaissait Marcelo Ríos ; et pour Nalbandian, c’était pire, je suis sûr qu’ils pensent que c’est un peintre arménien [rires].
Tu sembles nostalgique d’une époque. À tel point que cela doit être difficile d’aller sur les tournois du Grand Chelem, non ?
Ça me casse les pieds. J’y vais avec mes joueurs parce que je dois le faire, mais dès que c’est fini, je rentre vite chez moi. Je ne suis pas attiré par le circuit et ses frasques. Je l’ai vécu en tant que joueur, cela ne m’apporte rien. Je préfère bosser ici, à Cannes, dix heures par jour. Si je dois aller à Wimbledon, je ne fais pas la gueule, mais ce n’est pas pour manger des fraises à la cafétéria à côté de Roger Federer.
Publié le jeudi 5 décembre 2019 à 10:16