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Jeanpierre : « Federer est un sacré déconneur »

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On pour­suit notre série de témoi­gnages pour bien préparer le lance­ment de notre livre « Roger, mon amour », le 1er novembre prochain. Après Thierry Ascione, découpé à Roland Garros, en 2007, c’est Julien Jeanpierre, grand rival du Suisse sur le circuit junior, qui nous dévoile son rapport parti­cu­lier avec Roger Federer. Confidences. Un entre­tien à retrouver dans la maga­zine GrandChelem, numéro 29 – sortie la semaine prochaine.

Quelle était la nature de tes rapports avec Roger Federer ?

Mes premiers souve­nirs avec lui, c’est en cadet. J’étais en cadet 2 et lui en cadet 1. On voyait qu’il avait déjà une vraie main, un timing très précis. En revanche, tout le monde voulait le jouer à cette époque, car, menta­le­ment, il était plutôt friable (rires). En fait, il s’éner­vait très rapi­de­ment et ça lui coûtait souvent le match. Si on parve­nait à résister et à le titiller, le duel pouvait tourner court (rires)… Puis, en Juniors, il a commencé à se calmer. Et, là, on s’est vrai­ment tiré la bourre.

Plus que ca, même !

N’essaie pas de me rappeler ce mauvais souvenir…

C’est‐à‐dire…

Concrètement, je suis numéro un mondial durant 51 semaines et, la 52ème, il me passe devant. J’étais vert…

Aujourd’hui, vous entre­tenez des rapports réguliers ?

Pas telle­ment non. Je ne suis pas en contact direct avec lui. Je n’ai pas son numéro de télé­phone, même si je pour­rais l’ob­tenir. En fait, je passe soit par son coach, soit par Yves Allegro qui est très proche de lui, quand j’ai quelque chose à lui dire. Et puis, je le croise assez souvent main­te­nant que je suis revenu sur le circuit. J’ai souvent été sparring‐partner avec lui depuis deux ans, à Roland Garros. 

Ah oui ?

Oui et c’est assez drôle. Comme j’aime le jeu, je me propose toujours auprès de l’or­ga­ni­sa­tion pour être spar­ring durant la quin­zaine. Un matin, on me demande natu­rel­le­ment si je suis libre pour taper la balle. Une fois que je reçois des préci­sions et que j’ap­prends que ce sera sur le Central, je me suis dit qu’il y avait la possi­bi­lité, voire la certi­tude, que je tape avec un top player. Quand je suis entré sur le court, Roger a crié : « Non, c’est pas possible ! Julien ! » Un super moment !

Tu te rappelles de toutes tes confron­ta­tions avec Roger, en Juniors ?

En fait, on s’est joué deux fois, deux semaines de suite, en finale des deux tour­nois de prépa­ra­tion à l’Open d’Australie. Il m’a battu la première fois et j’ai gagné la deuxième. Avant, j’étais quasi‐numéro un chez les cadets et lui n’était pas très fort. Il possé­dait une super tech­nique, mais il manquait de force. Je me souviens qu’il ne faisait que des chops, en revers. Il avait une bonne qualité de balle, mais il était très irré­gu­lier et, comme je l’ai dit précé­dem­ment, il pétait vite les plombs. Il était capable de casser trois raquettes en quatre jeux assez régu­liè­re­ment… Il faisait partie des plus nerveux. C’est drôle, parce que, à l’époque, il n’était pas capable de me dominer. Il n’y arri­vait pas. Mais, un jour, en 1996, il m’a mis 6–3 6–0. Et, là, c’était bon. Il avait compris. A la sortie du court, je lui ai dit : « C’est simple pour toi, le tennis : une première balle de service effi­cace, suivie d’un coup droit. Il a ri. 

Aujourd’hui, il donne une image d’inaccessibilité. Mais, en Juniors, c’était un bon camarade ?

Attention, il l’est encore ! Peut‐être même plus ! Il est très bien entouré, surtout par sa femme, qui, au départ, n’était pas très appré­ciée. Mais, en fait, c’est l’une des meilleures choses qui lui soient arri­vées dans sa carrière, après son premier entraî­neur. Elle gère formi­da­ble­ment bien tout ce qui entoure cette icône mondiale – car c’est une icône. On ne se rend pas compte de toutes les solli­ci­ta­tions que Federer suscite. C’est un truc de fou ! S’il paraît inac­ces­sible, c’est parce qu’elle a tout verrouillé et qu’il est obligé de dire non à beau­coup de monde. Mais, fran­che­ment, heureu­se­ment ! Autrement, il ne s’en sorti­rait pas. Pour le reste, c’est bien calé et milli­métré. D’où cette image dont tu parles quand on ne le connaît pas. Mais, dans la réalité et le quoti­dien, au contact, c’est tout le contraire. C’est un gars qui discute avec tout le monde dans les vestiaires. Avec Yves Allegro, ils ne font que plai­santer en perma­nence ! Roger est vache­ment décon­neur. C’est un peu le roi de la blague… (Rires)

Tu as une anec­dote inso­lite à son sujet ?

Oui, j’en ai une qui remonte à 2008. Je l’ai croisé dans les vestiaires, à Roland Garros, avant sa finale contre Rafael Nadal. Il me dit : « Il est chiant l’Espagnol, il ne va pas me refaire le même coup tous les ans ! Je vais essayer de le battre, je vais faire comme tu m’as dit en 96 : une première balle effi­cace et un coup droit… et ça va marcher. » Je lui avais fait cette réflexion 12 ans aupa­ra­vant lorsqu’il m’avait mis une raclée et il s’en rappe­lait. C’est quand même dingue. En fait, Roger a une mémoire d’élé­phant. Là‐dessus, il est incroyable, il se rappelle de tout. Le fait de nous battre pour la première place toute l’année en Juniors, ça nous a forcé­ment rappro­chés. Par exemple, quand on a disputé l’Orange Bowl, j’étais tête de série numéro deux et, lui, numéro un parce qu’il était devant moi à l’ATP. Au premier tour, je joue Feliciano Lopez, qui était déjà 300ème au clas­se­ment ATP, mais qui n’avait pas été désigné tête de série par les orga­ni­sa­teurs. Ca avait fait un scan­dale chez les Espagnols qui voulaient boycotter le match. J’ai perdu 7–5 au troi­sième et lui a fait demi‐finale derrière. Ces demi‐finales, si je les attei­gnais, j’étais sûr d’être Champion du Monde Juniors. Mais, avec cette défaite, il fallait que Roger perde au premier tour pour que je reste numéro un… Il a sauvé trois balles de match contre un Letton… et il a gagné le tournoi. 

Pour en revenir à toi : tu as été coach d’Arnaud Clément durant sa fin de carrière, tu veux percer là‐dedans ?

Je suis un jeune coach, mais avec déjà pas mal d’ex­pé­rience. Quand j’ai arrêté de jouer, il y a deux ans, je me suis aperçu que la vie du circuit me manquait. J’aime l’idée de partir, de faire mon sac, de suivre mon joueur… J’aime cette ambiance. Aujourd’hui, je profite de tout ce qui m’ar­rive. Alors pourvu que ça dure !

Quelle forma­tion as‐tu pour te dire « coach » ?

J’ai d’abord passé mon DE, l’an dernier, puis j’ai enchaîné avec la forma­tion haut niveau à Roland Garros. Ensuite, j’ai eu la chance de vivre une aven­ture très instruc­tive avec le team de Sam Sumyk et Victoria Azarenka. Tout ça me permet d’aller plus vite dans ma forma­tion. L’autre point impor­tant, c’est que je suis encore en bonne forme physique (rires). Je peux taper la balle avec mon joueur. En termes de logis­tique et d’or­ga­ni­sa­tion, ainsi que de perfor­mance, ça peut‐être décisif !

« Roger, mon amour » :
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