Une biographie de Rafael Nadal sort ce vendredi, chez nos voisins espagnols : « Rafa. Mi historia », rédigée par John Carlin. Un ouvrage dans lequel Nadal ne cache rien. Comme vous nous l’aviez demandé, voici, traduites, quelques interventions du Majorquin. A travers les lignes qui suivent, Rafa raconte, minutieusement, sa préparation avant la mythique finale de Wimbledon, face à Federer, en 2008. « Il n’y a pas beaucoup de différences entre le talent de Federer et le mien » ; « dans la dernière heure qui précède le match, il y tellement de nervosité et d’adrénaline chez moi que je vais aux toilettes cinq ou six fois » ; « Federer donne l’impression d’être né pour jouer au tennis »… Morceaux choisis. (Traduction de l’Espagnol de Ruth Prieto Cabello)
Federer, une relation particulière
« A 13h00, soit une heure avant le match, je vais dans le vestiaire. Pour moi, ce moment est toujours un peu bizarre, car même lors des grands tournois, on partage le vestiaire avec l’adversaire. Après le déjeuner, Roger était déjà dans le vestiaire, assis sur le banc en bois, comme à son habitude. On s’habitue à ces particularités et je n’ai aucun problème avec ça. Plus tard sur le terrain, on fera, chacun, notre possible pour battre l’autre dans le match le plus important de l’année. Mais nous sommes amis avant d’être rivaux. Dans d’autres sports, les adversaires peuvent se haïr les uns les autres, sur et en dehors du terrain. Quand le match commence, je laisse l’amitié au vestiaire. Il n’y a rien de personnel, c’est juste que lorsque le match démarre, je suis une autre personne. Je réagis ainsi avec tout le monde, même avec ma famille. »
« Il n’y a pas beaucoup de différences entre le talent de Federer et le mien. Nous sommes très proches. Même si je sais qu’il est excellent sur herbe, sa surface favorite, je dois cacher mes craintes et mes doutes que j’ai dans la tête pour pouvoir le battre. Vous devez vous fabriquer une armure, devenir un guerrier, cacher vos émotions. Aucune faiblesse ne doit transparaître devant l’adversaire. Dans le vestiaire, on se sert la main avec Federer, il y un dernier sourire et ensuite, chacun retourne dans sa bulle. A partir de là, pratiquement tous mes gestes sont déjà programmés. Cela devient automatique. »
Son rituel, avant la finale
« 45 minutes avant le début du match, je prends une douche froide. Une douche glacée. Je fais cela avant chaque match. Sous la douche, je rentre dans une autre atmosphère, je sens ma détermination et ma résistance grandir en moi. Quand je finis ma douche, je me sens super bien, je bouge tout le temps et je suis dans une concentration optimale. Je n’attends qu’une chose : rentrer sur le terrain pour commencer la bataille. A ce moment‐là, je ne tiens plus en place. Heureusement, d’ailleurs, car je dois passer voir mon médecin, Angel Ruiz Cotorro, ce que je ne supporterais pas si j’étais calme. Depuis le troisième tour, j’ai des ampoules au pied gauche. Du coup, mon médecin me fait une injection pour endormir la douleur. Sans quoi je ne peux pas jouer. »
« Puis je retourne dans le vestiaire et j’écoute de la musique pour m’isoler encore plus. On me met un bandage sur le pied gauche. Ensuite, je m’occupe de mes grips. Je les enroule autour du manche de mes raquettes, sur les six que j’emmène sur le court. A ce moment‐là, je ne pense plus à ce que je fais, je le fais et c’est tout. Ensuite, je m’allonge sur la table de massage. Après les soins, je m’habille et je me mouille les cheveux. De là, j’attache mon bandeau. Ce que je fais doucement avec beaucoup de précision. Je dois l’attacher très fort pour bien retenir mes cheveux. Puis, on me pose des petits bandages autour de la main gauche, celle dont je me sers pour tenir la raquette. »
Rafael Nadal, lors de son titre à Wimbledon, 2010
« C’est pratiquement l’heure d’aller sur le terrain. Juste avant, je fais des petites exercices pour faire travailler l’explosivité. Toni me regarde sans dire un mot. Je ne sais pas si Federer me regarde, en tout cas je sais qu’il n’est pas aussi occupé que moi avant le match. Je fais des mini sprints dans le vestiaire, je fais des bonds. Je m’arrête. Je chauffe mes poignets, mes épaules. Je fléchis les jambes, plie mes genoux… J’ai l’impression d’être dans une salle de gym privée. Mes écouteurs sont toujours sur mes oreilles, la musique est très forte. Puis j’échauffe mes bras. Dans la dernière heure qui précède le match, il y tellement de nervosité et d’adrénaline chez moi que je vais aux toilettes cinq ou six fois… »
La gestion de la douleur
« Faire du sport, c’est bon pour la santé de la majeure partie des gens. Mais, faire du sport à un niveau professionnel, ce n’est pas bon pour vous. Cela amène votre corps au‐delà de ses limites, des limites qu’il n’est pas prêt à franchir naturellement, qu’il n’est même pas fait pour franchir. C’est la raison pour laquelle les sportifs de haut niveau contractent des blessures qui, parfois, mettent fin à leur carrière. Moi, il y a eu un moment, une fois, où je me suis demandé si j’allais être capable de continuer à jouer au haut niveau. La majeure partie du temps, je souffre en jouant. Mais, je suppose que c’est le cas de tout ceux qui pratiquent le sport en professionnels. De tous, sauf de Federer. Moi, j’ai besoin de travailler très dur pour m’habituer à la douleur, pour m’émanciper de la tension musculaire… Mais, Federer, lui, il donne l’impression d’être né pour jouer au tennis. Son anatomie, sa physiologie… Tout chez lui semble être complètement adapté à ce sport, le préservant des blessures qu’ont à endurer les autres. Quelqu’un m’a dit qu’il ne s’entraînait pas aussi dur que moi. Je ne sais pas si c’est vrai, mais ça ne me surprendrait pas. Dans d’autres sports, il existe de tels phénomènes de la nature, comme Roger. Mais nous, nous avons besoin d’apprendre à gérer la douleur et les périodes de blessures durant lesquelles nous ne pouvons pas jouer, parce qu’un pied, une épaule ou une jambe a tiré la sonnette d’alarme. »
Pour le plaisir, le dernier jeu de la finale de Wimbledon 2008, conclue par Rafael Nadal à 21h16, 6–4 6–4 6–7(5) 6–7(8) 9–7.
Les highlights complets du match, à retrouver ici.
Reproposé le 21/10/2011, à 17h40.
La tenue de Rafael Nadal est sur Tennis Warehouse
Publié le vendredi 21 octobre 2011 à 17:40