C’était il y a quelques temps dans un Equipe Mag spécialement consacré à Yannick Noah. Amené à parler des joueurs qui l’avaient le plus impressionné du temps où il officiait sur les courts, le bon Yann avait répondu : « Borg, McEnroe bien sûr, mais aussi un gars comme Vitas Gerulaitis. Une vraie personnalité. Une attitude, un caractère, un humour ».
Et si c’était ça la naissance du tennis professionnel, ce mix d’american dream et de folklore lituanien qui avait fait de Vitas Gerulaitis un phare pour toute une génération de joueurs bien décidée à jouir du tennis et de ses avantages en nature. Et si le blond Vitas avait été ce premier officier tennisman à établir le pont qui relie aujourd’hui les ors du sport et ceux du show‐business ? Dans sa biographie « You can’t be serious », John McEnroe a rappelé l’aura fantastique de l’homme à la crinière lionne, aussi connu pour son jeu de volée flamboyant que pour ses conquêtes féminines : « Même quand on était en junior, on entendait de ces légendes : Vitas avait été avec telle actrice, il avait joué tel tournoi sous l’influence de telle drogue. Je me demandais comment diable faisait‐il pour brûler la vie par tous les bouts. […] Il avait une suite à King’s Point et une vie si glamour à Manhattan. Moi, je revenais de mes voyages avec du linge sale pour ma mère et j’allais me rentrer dans ma vieille chambre de Douglaston. Vitas conduisait une Rolls‐Royce jaune crème de la couleur de ses cheveux avec une plaque marquée VITAS G. Moi j’en étais encore à manoeuvrer une pauvre Pinto orange flamme ».
Quand ils viennent jouer l’US Open ou le Masters, les Borg, McEnroe, Noah et Vilas suivent le maître des fluides dans un New‐York by night en pleine ébullition disco. Studio 54, Xenon, Heartbreak, c’est la tournée des grands ducs et Guillermo l’Argentin savoure le spectacle en direct du dance floor : « On s’amusait comme des petits fous tous ensemble. Moi j’aimais la musique. Mac était le plus excité et avait toujours de grandes idées genre « Allons ici ! Partons là ! ». Et Vitas faisait « C’est pas le bon jour. Le meilleur moment pour aller au Studio 54, c’est le jeudi soir ». McEnroe avait toujours les bonnes idées et Vitas savait toujours quand il fallait y aller. […] Vous savez, quand on était ensemble, c’était vraiment marrant, c’était le meilleur moment. Et Borg était toujours avec nous. Il était plus calme mais tout ce qui se passait, il ne voulait en rater aucune miette ». Mais à force de mixer balle jaune, boule noire et petites pépés, on en oublie que Vitas Gerulaitis fut d’abord et avant tout un fantastique joueur de tennis. Fils d’immigrés lithuaniens exilés après la 2ème guerre mondiale, il compta d’abord avec son père un mentor pointilleux pour lui transmettre tous les rudiments du tennis. Adepte du service‐volée, Gerulaitis va alors se construire un beau palmarès de 24 titres en simple dont le point culminant sera atteint en décembre 1977 avec une victoire en finale de l’Open d’Australie contre John Lloyd. Mais longtemps troisième mondial, Gerulatis se casse les dents sur les deux monstres de l’époque : son compatriote Jimmy Connors et surtout Bjorn Borg qu’il considérera comme sa bête noire. Et pour cause, pas une seule fois le Suédois ne lui aura laissé la victoire en 16 rencontres. A une exception près.
Quand il se retire du circuit en 1985, l’enfant de Brooklyn ne sait pas qu’il ne lui reste plus qu’une dizaine d’années à vivre. Il meurt en septembre 1994 dans des circonstances qui font bruisser le tennis de rumeurs infondées sur son penchant pour les paradis artificiels. La vérité, c’est que Gerulaitis est décédé dans son sommeil alors qu’il passait la nuit dans la maison d’un ami à Long Island, le système de conditionnement de l’air défectueux laissant échapper une dose trop élévée de ce monoxyde de carbone qu’on lui retrouvera dans le corps après autopsie. Il n’avait pas encore 40 ans…
Publié le jeudi 15 mai 2008 à 04:41