On a beau dire que Caroline Garcia a un talent de fou, force est de constater que les années se suivent et se ressemblent notamment en tournoi du GrandChelem où lorsque le moment décisif arrive, les jambes et le bras tremblent. Faut‐il y voir une limite du coaching à la papa ? Ou faut‐il s’entêter et croire au théorème Bartoli, vaste question, souvent omniprésente sur le circuit du tennis féminin.
Tuer ou pas le père, l’oublier, ne plus le regarder, faire sa vie, ou aller avec lui soulever le trophée. Les histoires dans le tennis féminin sont nombreuses et elles se répètent où la championne est guidée par un père autodidacte du tennis, technicien en devenir, et préparateur physique, mental, confident, etc. Et la recette marche, il n’y a qu’à se souvenir de la formidable première partie de carrière de Serena Williams ou encore celle de Steffi Graf. Il suffit d’ailleurs de relire la première biographie de Serena pour comprendre l’emprise, mais aussi le mode de fonctionnement qui peut s’installer quand le papa est devenu un mentor, un guide, presque un gourou.
On ne dira pas cela de Pierre Louis Garcia, le papa de Caroline, car au départ il n’y a aucune similitude entre les deux projets. Car si Pierre Louis a de l’ambition, qui n’en n’a pas, au début, sa fille respecte un parcours classique loin de l’idée d’une cellule privée. Elle se forme donc au sein de son club à Villeurbanne, puis de sa ligue et se forge un beau tennis d’autant qu’elle a depuis toujours des qualités d’explosivité assez exceptionnelles. Qualités qui vont exploser le temps d’un set et demi en 2012 face à Maria Sharapova sur le central de Roland Garros devenu un cratère en ébullition. Ce début de match parfait faisant de cette adolescente la future grande championne tricolore digne descendante de Mary Pierre ou encore d’Amélie Maursmo. A ce sujet, l’anecdote du fameux tweet d’Andy Murray la voyant comme future numéro 1 mondiale n’arrangera pas la situation. Tout est en place pour un emballement non maitrisé.
Et c’est là que la machine s’enraye, que le projet change de nature et que le père au fur et à mesure des collaborations techniques diverses et variées avec certains techniciens chevronnés se prend à rêver d’une carrière d’entraîneur. Audidtacte, il travaille encore et encore, jours après jours, et personne ne peut contredire son envie, et sa connaissance du milieu maintenant qu’il bourlingue depuis quelques années sur le circuit ne lâchant pas d’une semelle sa protégée.
Mais est‐ce vraiment suffisant pour atteindre les sommets, mieux s’épanouir… Si Caroline possède des qualités techniques et physiques incroyables, son mental, lui, ne joue pas dans la même catégorie. Si l’envie de bien faire existe, ce mode de fonctionnement semble avoir aussi atteint ses limites.
Son premier tour à Roland Garros cette année, l’atteste, et celui de l’US Open face à Petkovic le confirme, si Caroline reste dans cette dynamique, elle risque continuellement de se prendre le mur en pleine face alors même que tennistiquement elle possède toutes les armes pour titiller de façon régulière et constante les plus grandes championnes.
Que dire aussi de son jeu qui n’a pas évolué d’un centimètre depuis des années, basé certes sur de la puissance mais où la prise de risque est quelque fois inutile, voire puérile. Alors certes, on ne se fait pas de soucis majeurs pour elle, et elle pourra sans grande difficulté naviguer tranquillement pendant des années dans le top 30, mais la vraie question est de savoir si elle se donnera la chance un jour de tenter l’impossible en s’ouvrant vers le monde extérieur.
Elle a beau déclaré à l’issue de cette défaite : « J’étais pas si loin » cette méthode coué ne satisfait personne, et surtout par cette jeune fille à fort caractère. Oui coacher sa fille n’est pas un travail anodin, être autodidacte est un travail de longue haleine, mais ne faut‐il pas aussi avoir la capacité de connaître ses limites et s’adjoindre le savoir‐faire qui peut créer une différence.
« Dès que son père sent que l’on a peu d’emprise sur elle, cela ne passe pas très bien » nous a confié un entraîneur qui souhaite garder l’anonymat. On comprend aisément tout cela, sauf quand le temps presse et que la gamine, qui n’en n’est plus une, semble passer à côté d’une carrière plus jouissive.
Publié le mercredi 2 septembre 2015 à 17:34