Justine Henin a accordé une très longue conférence de presse après sa victoire ce matin. Voici un long extrait de cet entretien emprunt d’émotion.
Justine, à la fin de ton match, tu avais l’air très heureuse. Tu dois être très heureuse d’être revenue à ce niveau‐là ?
J’étais simplement très heureuse d’être sur le Central, je ne m’attendais pas à revivre cela, c’était fantastique. Avant d’aller sur le court, quand je me suis réveillée, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, comment j’allais gérer mes émotions. C’est comme si je n’avais jamais joué sur ce court alors que j’y ai joué tellement de fois. Dès que j’y suis entrée, j’ai senti que les sensations revenaient ; c’était tout simplement fantastique de partager ce moment avec le public qui, encore une fois, a été là pour me soutenir. C’était très sympa de la part des organisateurs de me programmer sur le Chatrier.
Quand vous êtes entrée, il n’y avait pas forcément beaucoup de fans dans les gradins et après, ils vous ont fait une standing ovation. Qu’en avez‐vous pensé ?
C’était très fort. Quand je repense à il y a deux ans, à l’an dernier, jamais je n’aurais pensé revenir sur ce court. Les derniers jours, je jouais pas mal mais j’étais quand même nerveuse. Je me disais : « Comment vais‐je entrer dans ce tournoi ? » Evidemment, j’étais très motivée mais aussi très nerveuse. C’est tout à fait normal, c’est mon tournoi. Je ne savais pas exactement comment j’allais pouvoir gérer mes émotions. Cela a été un moment très agréable, surtout à la fin, après ma victoire.
Comment vous comparez‐vous aujourd’hui en tant que joueuse et en tant que personne à au moment où vous avez quitté le circuit, il y a 2 ans ?
Je suis sans doute moins régulière, il reste encore beaucoup de choses à faire pour progresser. Je suis sans doute moins régulière que je ne l’étais en tant que joueuse. C’est ce sur quoi je travaille actuellement et cela ne fait pas longtemps seulement quelques mois que je suis revenue. On ne peut pas revenir comme cela aussi rapidement. Cela étant, j’ai beaucoup d’expérience et cela me permet de maintenir ma concentration et d’essayer d’être aussi régulière que d’habitude. Et puis, j’ai pris de l’âge, ce qui est un avantage sur certains points, mais je ne peux pas avoir la même intensité à tous les moments. Il faut aussi que je travaille cela. Maintenant, en tant que personne, je ne dirai pas que j’ai changé, mais j’ai compris beaucoup de choses sur moi‐même. C’est très riche que de revenir avec toutes ces choses que j’ai comprises, que j’ai apprises et que je ne connaissais pas il y a deux ans. Prendre ce temps hors des courts m’a permis d’apprendre à me connaître sans raquette entre les mains. Cela, c’est très important. J’avais vécu 20 ans de ma vie uniquement pour cela. Oui, je suis très heureuse d’avoir pris la décision de revenir, mais maintenant, il faut que je me batte. C’est certain.
Ce qui est le plus intéressant c’est sans doute de voir comment vous vous développez au cours des années en tant que personne. Vous avez vécu des moments qui vous ont transformée pendant ces deux ans. Qu’avez‐vous le plus appris ?
Beaucoup de choses. Simplement sortir de la bulle, connaître le monde réel. J’ai vécu dans ce monde du tennis pendant toute ma vie, j’ai tout donné pour cela. A un moment, vous finissez par croire que vous ne vivez que pour cela et, tout à coup, j’ai appris que j’étais quelqu’un d’autre quand je n’étais pas sur les courts. C’était une superbe expérience. Mes voyages avec l’UNICEF ont été très forts. Cela m’a beaucoup apporté. J’ai sans doute commencé à m’accepter comme je suis hors des courts. C’était très important. Je suis sans doute plus tolérante aujourd’hui que par le passé. C’était très intéressant. Revenir comme cela, c’est également tout à fait passionnant. J’ai l’impression d’avoir grandi en tant que joueuse, car je veux de nouveau être dans les premières mondiales, je sais qu’il faut que je travaille, que le chemin est long, et même si vous avez était numéro 1 mondiale et que vous voulez réintégrer le top 100, vous savez qu’il va falloir travailler, être très professionnelle, être à 100 % à tout moment. C’est ce que j’essaie de faire.
Ce break vous a‑t‐il permis d’être une meilleure joueuse et, si oui, comment ?
Meilleure joueuse, je ne sais pas, en tout cas plus heureuse et c’est sans doute le plus important. J’ai appris des choses qui vont m’aider à être meilleure dans l’avenir, mais il est encore trop tôt pour dire des choses définitives. Je pense que cette année est une année de transition. Je me suis éloignée des courts pendant deux ans, je reviens sur le circuit, c’est beaucoup de sacrifices, beaucoup de choses et il faut y être à fond à 200 %. Mais cela va prendre du temps. On ne peut pas être au top en 2 mois ou 3 mois. J’aurais signé tout de suite pour une saison telle que celle que j’ai vécue jusqu’à présent. Je pense qu’il est plus réaliste de dire que j’atteindrai mon meilleur niveau dans les mois à venir.
Comment se fait‐il que l’on n’ait pas vu percer plus de jeunes talents ?
Car cette génération était très forte. Kim, Serena, Venus, Dementieva, Kuznetsova, ont l’expérience. Il y a une nouvelle génération qui est en train de grimper, de monter, mais il va falloir qu’elles prennent le temps, comme nous avons pris le temps par le passé. Elles sont jeunes, elles ont beaucoup de choses à apprendre, cela ne veut pas dire qu’elles ne peuvent pas gagner un Grand Chelem, mais il n’y a pas grand‐chose qui ait changé entre le moment où je suis partie et celui où je reviens. Pratiquement les mêmes joueuses et quelques jeunes joueuses très, très solides en plus. J’aime bien quand un tableau est aussi ouvert que cette année.
Ton côté intense vient d’où ? D’autres joueuses vont peut‐être s’ouvrir sur le court mais toi, tu es tellement dans ta bulle. C’est depuis l’enfance ? Tu l’expliques comment ?
J’ai toujours été comme cela. Parfois, j’ai pensé que c’étaient les épreuves de la vie, qu’en grandissant j’étais devenue ainsi. Et puis, il y a 2 ou 3 ans, j’ai revenu des vidéos de moi quand j’avais 4, 5, 6 ans. J’étais déjà comme cela. Je ne suis pas une solitaire, mais il y a des moments où j’ai besoin de me recentrer totalement sur moi. J’avais déjà vu cela en tant qu’enfant. C’est quelque chose que j’ai toujours eu je pense. J’ai eu la chance de grandir avec 2 grands frères qui m’ont fait faire énormément de sport avec eux, qui m’ont toujours tiré vers le haut quelque part. J’ai grandi avec des garçons, cela m’a donné une mentalité de battante et j’ai toujours eu cette intensité. Je suis comme cela dans tous ce que je vis, comme cela dans mon métier, dans mon relationnel. J’ai besoin que les choses soient fortes, qu’elles aient un sens particulier, mais c’est l’image que l’on a de moi, forte sur le terrain et d’être dans ma bulle. A côté de cela, j’ai besoin de parler tout le temps. C’est marrant parce que je suis totalement opposée à cela quand je suis détendue, que je sors de cette « bulle tennistique ». Les gens autour de moi, mes proches rigolent car je ne me tais jamais, je parle énormément, à vous aussi d’ailleurs ! Enfin, quand j’ai envie car parfois, c’est moins gai ! C’est vrai, j’ai besoin tout le temps de tout partager. Je ne suis pas du tout une solitaire mais par rapport à mon tennis, j’ai besoin par moments de me mettre dans cette bulle, cela m’aide à faire mon métier du mieux possible.
Kim est venue faire un passage ici. Elle t’a saluée ?
On s’est croisé, mais juste en sortant de mon match. Elle discutait et on a échangé quelques mots. J’espère qu’on aura l’occasion de se croiser un peu plus tard.
Que peux‐tu dire de tes adversaires, notamment celle du deuxième tour ? Tu penses que ce sera plus facile à gérer qu’aujourd’hui ?
Je ne sais pas qui je vais jouer. Qui a gagné ? Srebotnik ? Je ne la connais pas du tout. Non, c’est Zakopalova ? Bref ! Je ne peux pas dire, je n’ai pas beaucoup plus d’informations, voilà, je ne peux pas en dire grand‐chose si ce n’est qu’il faut continuer à travailler, à mettre des choses en place. J’aurai sûrement des infos de mon fidèle dans quelques heures.
Que pensez‐vous d’une joueuse comme Aravane Rezaï ? A‑t‐elle ses chances sur le tournoi ?
C’est toujours difficile à dire, tout peut arriver dans un tel tournoi, surtout avec la confiance qu’elle a acquise à Madrid, mais de là à gagner un Grand Chelem, c’est long, c’est dur, il faut être très complet. C’est difficile à dire. Elle a un potentiel, une grosse frappe, c’est clair, c’est une fille qui peut déstabiliser, c’est évident, sinon, elle n’aurait pas gagné un tournoi comme Madrid. Elle a indéniablement des qualités, de là à gagner un Grand Chelem, c’est une possibilité mais un Grand Chelem, c’est dur, il faut être très consistant du début à la fin et ne rien laisser passer. Elle a ses capacités, comme beaucoup d’autres.
Publié le mardi 25 mai 2010 à 14:59