En juin 2014, Laurent Lokoli se faisait connaître du grand public en s’extirpant des qualifications de Roland Garros, avant de faire le show lors de son premier tour. Depuis, le Corse enchaîne plus les blessures que les performances de choix. Relativement épargné depuis le début de l’année, il espère enfin pouvoir enchaîner à l’heure où démarre la saison sur terre battue.
En 2014, tu as été une des révélations des qualifications de Roland‐Garros avant de conquérir le public du court n°7 lors de ton match du premier tour perdu sur deux jours et en 5 sets face à l’Etats-uniens Steve Johnson. Avec le recul, comment as‐tu vécu cette période ?
« Aujourd’hui encore, je n’en retire que du positif. J’ai vécu des moments incroyables avec une grosse médiatisation à laquelle je n’étais pas habitué. En arrivant, j’avais le plus mauvais classement dans le tableau des qualifications, puis ensuite dans le tableau final. Je joue sur un court n°7 archi plein et qui n’est là que pour moi ou presque. Des gens de Corse avaient fait le déplacement ; il y avait des drapeaux, des maillots du Sporting de Bastia en tribune. C’était incroyable ! Je me rends compte encore plus maintenant de la chance que j’ai eue. Derrière, ça n’a pas été compliqué d’enchaîner, car je savais à quoi m’attendre : mon quotidien était fait de petits tournois avant, ce fut le cas après, malgré la parenthèse de l’Open d’Australie 2015 qui fut aussi une expérience enrichissante. Pour autant, je ne me disais pas que tout était arrivé. Je savais que la suite ne serait pas obligatoirement aussi simple. Et j’en ai eu la confirmation un peu plus tard. »
Tu es alors 329ème mondial, tout te réussit – ou presque – et tu vas même atteindre le 207e rang mondial un an plus tard. Comment s’explique cette chute jusqu’à la 985ème place ?
« Par une série de blessures qui m’inquiète forcément encore aujourd’hui. J’ai voulu mettre tous les atouts de mon côté pour préparer la saison 2015 sur terre battue. Mais après une grosse préparation physique de dix jours en avril à Marrakech, j’enchaîne difficilement un tournoi à Naples (Italie). Je passe à côté de mon match. Je suis sans jus, je vois que je manque de fraîcheur. Au retour à Paris, pendant une séance je sens mon poignet craquer sur un revers. Résultat, six semaines avec une attelle puis de la rééducation. C’est le début d’une longue série noire, car derrière, je vais souffrir d’une inflammation du tendon d’Achille début juillet, puis d’une inflammation du tendon sous‐rotulien et d’une lésion aux abdos au cœur de l’été, juste après mon quart de finale à Ajaccio. La douleur au genou est revenue fin septembre, sans que ce ne soit trop grave, mais je n’ai pas voulu forcer en me reposant une petite semaine. En novembre, je pars à Héraklion (Grèce) où je passe mon premier tour, avant que mes abdos ne me fassent de nouveau souffrir au second. Là, ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase… J’ai mis un terme à ma saison, car je sentais bien que je ne sortirais pas de cette spirale négative. »
Comme gère t‑on ces longues périodes d’inactivité alors qu’on en est au début de sa carrière et donc, peu habitué à vivre ça ?
« Il est vrai que ce n’est pas simple à vivre. On voit les autres jouer, son classement descendre et on est impuissant. J’ai alors puisé de l’énergie auprès de ma famille. Je suis retourné en Corse pour profiter de ma copine, de mes proches, de mes amis. Et pour prendre une bonne bouffée d’oxygène. L’Île de Beauté, c’est ma terre, c’est ma vie. Je retrouve une grande quiétude lorsque j’y retourne. Aujourd’hui (ndlr : entretien réalisé le 3 avril dernier), j’étais au stade de Furiani pour assister à Bastia – Marseille. J’aime cette passion, cette ferveur qui se dégage des habitants. J’ai pu recharger les batteries. J’ai pris le temps de reposer mon corps avant de retourner à l’entraînement au début du mois de janvier dernier. Entre temps, j’ai changé de coach, car je sentais bien qu’il fallait apporter des modifications à mon quotidien. A l’heure actuelle, je travaille avec Jérôme Potier, l’entraîneur de Roland Garros. »
Comment les médecins expliquent cette fragilité physique qui te gâche la vie depuis un an ?
« Ils ne savent pas vraiment. Quand on prend une, deux, puis trois blessures dans un temps aussi court, on s’interroge et on se remet inévitablement en question. On m’a logiquement parlé de mon hygiène de vie, mais je ne faisais pas n’importe quoi avant. J’essaye juste aujourd’hui d’être encore plus méticuleux et vigilant sur l’alimentation. Nous n’avons pas encore toutes les solutions à mes problèmes. Je fais en sorte d’être le plus professionnel possible en espérant que 2016 se passe beaucoup mieux. »
Du coup, où en es tu à l’heure où débute la saison sur terre battue ?
« Mes abdos ont encore fait des siennes début février en Israël ce qui m’a arrêté cinq semaines. Là, sur mon tournoi de rentrée je perds au premier tour, mais je gagne le double avec Fabien Reboul. Lors du tournoi suivant, j’ai dû enchaîner simple et double dans la journée et mes abdos ne l’ont pas supporté avec une lésion de grade 1. À l’heure où l’on parle, ça va très bien. Je m’entraîne ici en Corse avec mon équipe qui m’a rejoint pour une semaine. On peut travailler dans d’excellentes conditions et le physique a l’air de tenir. Dans la logique des choses, je devrais partir en Sardaigne la semaine prochaine pour une série de trois tournois. Je ne me projette pas plus loin que ça. Maintenant, avec l’année que je viens de vivre je reste encore très prudent. J’espère que les changements dans mon quotidien vont bientôt porter leurs fruits et que tout le travail des dernières semaines va payer. J’ai besoin de jouer, d’enchaîner les matchs et de retrouver le plaisir qui est le mien sur un court. »
Publié le vendredi 8 avril 2016 à 19:30