Les chaussures. Au quotidien, vous les mettez au pied sans réfléchir. Vous tirez sur la languette. Vous les lacez. Amusant, d’ailleurs, comme le laçage devient automatique, lors même qu’il demeure un apprentissage essentiel et unique dans la vie de l’enfant. Par la suite, vous marchez, sans cesse – sauf aux Etats‐Unis, bien sûr, là‐bas, c’est la voiture, la grosse, pour 100 mètres comme pour 100 kilomètres. Vous les usez… et vous en rachetez. Vous vivez, quoi, et à chaque jour suffit sa paire. Mais, aujourd’hui, les chaussures ne sont plus seulement cette semelle, cette toile, ce cuir qui protègent vos pieds de la dureté du sol. Non. Aujourd’hui, elles sont une extension. L’appendice de vous‐même. Et une continuité d’image. Vous les portez comme on brandit un étendard – le vôtre. Dans ce paysage à géographie multiple, une catégorie de chaussures a fait œuvre de prosélytisme : la tennis. Et oui, c’est bien elle qui a permis l’introduction de la chaussure de sport dans les habitudes, d’abord urbaines, du quotidien. Nous sommes partis explorer la genèse de ce phénomène. Stan Smith, Spring Court, Borg Elite, Pump… Autant de noms évocateurs qui se sont fait une place dans l’histoire de la chaussure. Cette histoire, nous vous la raconterons tout au long de la semaine.
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Spring Court. Plus que le nom d’une marque, une véritable mode. Cette célébrissime chaussure a marqué son époque et les mœurs : avec la Spring Court est née la tennis, une tennis qui a quitté les courts en terre pour coloniser le bitume des villes et les pratiques vestimentaires citadines. GrandChelem a interrogé Théodore Grimmeisen. Ce dernier, actuel Président de la société, n’est autre que le fils de Georges, fondateur et créateur de la fameuse chaussure en 1936. Rencontre d’un petit morceau d’histoire.
La Spring Court demeure la toute première chaussure de tennis… Vous pouvez nous raconter la manière dont elle a vu le jour ?
Oui, c’est une belle histoire ! Mon père, Georges Grimmeisen, était issu d’une famille de tonneliers, arrivée d’Alsace et installée à Paris en 1870. Passionné par la chaussure, il invente, en 1930, la botte Colibri, moulée d’une seule pièce de caoutchouc. C’est un succès immédiat et un grand service rendu au monde rural. Amateur de sport, il pratique le tennis, qui se joue, à l’époque, en espadrilles. C’est pour jouer sur terre battue qu’il crée, en 1936, une chaussure ventilée, faite de toile de coton et de caoutchouc vulcanisé. Ses amis la testent et commentent : « Avec cette chaussure, on est comme sur des ressorts ! » Le nom de la marque est trouvé : Spring, pour le « ressort », et Court, pour le « court ».
Le succès a été immédiat ? De grands joueurs se sont mis à porter des Spring Court…
En fait, en 1936, on était au tout début de la pratique du sport de loisir. A l’époque, Spring Court est donc l’une des toutes premières marques dédiées à la pratique d’une discipline sportive au haut niveau, comme au niveau amateur. Elle est immédiatement adoptée par les joueurs de tennis, qui remplacent leurs espadrilles par une paire de G2. Lew Hoad, Ilie Nastase, Rod Laver, Françoise Dürr, François Jauffret, Pierre Barthès… Ils ont tous commencé à jouer en Spring Court !
Cette chaussure, elle est encore efficace pour jouer sur terre, aujourd’hui ?
Il faut reconnaître qu’il existe maintenant de nombreuses marques qui proposent une tenue de pied et un amorti bien supérieurs. Cependant, certains joueurs continuent d’apprécier la G2 pour sa ventilation et sa semelle spécifique. Ces deux qualités procurent une sensation au sol assez inégalée – je joue, moi‐même, toujours en Spring Court. (Sourire)
Pourquoi Spring Court a délaissé les courts de tennis ? On pouvait imaginer que vous seriez devenu l’une des marques techniques de référence avec ce succès…
En fait, c’est justement ce succès qui a détourné la Spring Court. En premier lieu, la marque s’est maintenue sur les courts de tennis avec une grande réussite jusqu’à la fin des années 60. Puis, il s’est passé quelque chose d’assez incroyable : les gens ont commencé à porter leurs Spring Court en ville ! Des personnes ne pratiquant pas le tennis se sont appropriées le symbole et le confort de la chaussure de sport. Du coup, tout en conservant notre attachement au tennis, nous nous sommes tournés vers la grande mixité des amateurs de notre marque : des gens de tous les âges, de tous les milieux, porteurs d’un renouveau des coutumes urbaines. Et puis, dans le même temps, il faut dire que le nombre de courts en terre battue a franchement réduit, ce qui explique que notre présence dans le tennis ait progressivement diminué.
Justement, aujourd’hui, quel est votre engagement par rapport au tennis ?
Malgré le détournement citadin qu’elle a connu, Spring Court reste une marque ancrée dans l’esprit de la terre battue, berceau de toutes les valeurs qu’elle continue de véhiculer. Notre slogan demeure : « Fair‐play ». Désormais, notre présence sur les courts passe par l’accompagnement du plaisir de jouer et de pratiquer une activité qui épanouit et rassemble les gens et les générations. Nous sommes partenaires d’un tournoi ITF Senior de Grade 3, dans le club de Primrose, à Bordeaux, et nous soutenons activement l’Association pour le Développement de la Terre Battue.
Vous avez une anecdote liée à votre aventure un peu folle ?
(Sourire) La folle aventure, c’est d’être toujours là ! Nous étions présents en 1936, quand mon père, dans les vestiaires de Roland Garros, proposait des chaussures aux joueurs et qu’ils le remerciaient. Aujourd’hui, malgré les bouleversements qu’a connus le marché du tennis, la marque vit toujours. Et elle est restée dans la famille !
A l’heure où l’on parle de placement de produit, savez‐vous comment John Lennon ou encore Serge Gainsbourg ont été amenés à chausser des Spring Court ?
Lennon aimait probablement bien notre marque… Lorsqu’il portait une paire de G2, il ne voulait certainement pas être le porte‐étendard de Spring Court. Il était simplement acteur et vecteur de son propre message de simplicité, de pacifisme et d’audace. En choisissant ces tennis, il ne véhiculait pas une marque, mais une attitude. Il en allait de même pour Gainsbourg : il ne portait pas un logo, mais un style et un symbole. Il a, d’ailleurs, mis son talent à notre service en réalisant un clip pour nous, en 1984.
Et, aujourd’hui, Spring Court va bien ?
Oui, Spring Court se porte bien ! Nous avons récemment changé de partenaires et confié la licence chaussure de la marque au groupe Royer, qui partage notre vision d’avenir et avec qui nous travaillons en étroite collaboration. Nous venons de lancer une gamme textile, qui est le prolongement de l’esprit de la G2. Nous continuons aussi la gamme enfant, très appréciée. Fair‐play, mixité, équilibre… La maison Spring Court revendique ces valeurs plus que jamais. Notre rêve n’est pas de voir les amateurs de Spring Court arborer
notre logo, mais de véhiculer une attitude bien au‐delà de la marque.
Toutes les informations à propos de Spring Court sur le site www.springcourt.com, dans les boutiques ou chez les revendeurs, en France ou à l’étranger.
L’intégralité des collections est disponible à « La Maison Spring Court » – 5, passage Piver 75011 PARIS.
Publié le jeudi 25 avril 2013 à 11:25