Marion Bartoli a donc décidé de tourner la page cette nuit après un dernier match à Cincinnati. C’est l’heure pour elle de se retirer du circuit, son corps l’obligeant à migrer vers d’autres cieux. A 28 ans, c’est une joueuse atypique, une bosseuse acharnée, une femme de caractère et une championne confirmée, qui arrête le tennis. Retour sur la carrière pleine et assumée d’une sportive qui a toujours cru en elle.
« Droit au but ! ». La devise de l’Olympique de Marseille – club dont Marion Bartoli est une fan invétérée – pourrait tout aussi bien s’appliquer à elle. Et coller parfaitement à son image et à son histoire sur les courts de tennis. Acharnée, combattante et guerrière, la Française a su construire sa vie de tenniswomen sur une abnégation récompensée par le Graal suprême il y a quelques semaines. Des courts de Retournac au Centre Court de Wimbledon, Bartoli a tout mis en œuvre pour réussir. Poussée par un père qui abandonnera sa profession de médecin pour se consacrer à elle, l’Auvergnate a su s’adapter dès son plus jeune âge aux conditions que le destin a mis sur sa route. Ainsi, son style de jeu sera vite impacté par son premier environnement de jeu. Sans réel fond de court, le premier court sur lequel elle s’entraine l’oblige à s’avancer sur le terrain, et donc à prendre la balle plus tôt, à entrer dans la balle sur ses coups de raquette et à rester solide sur ses appuis. Autant de forces qu’elle a développées et sur lesquelles elle s’est appuyée pour surprendre son adversaire et raccourcir l’échange. Autre particularité, et non pas des moindres, ses coups à deux mains en coup droit comme en revers. Là aussi, une contrainte est à l’origine de ce choix. D’ordre non pas technique mais physique. Son père Walter, en remarquant qu’elle manquait de force et d’endurance à une main, décida de s’inspirer du jeu à deux mains de Monica Seles. C’est ainsi que Marion Bartoli allait devenir l’une des joueuses les plus atypiques du circuit.
Une ascension régulière
Le circuit, Marion Bartoli l’aura parcouru avec réussite. Et ce dès les catégories jeunes. En 1999, elle atteint la finale des Championnats de France des 15⁄16 ans, avant de le remporter l’année d’après. Hormis ce titre national, elle est vice‐championne d’Europe en 2000 et remporte une épreuve référence : l’Orange Bowl. Sur sa lancée, elle remporte ses deux premiers tournois ITF à Hatfield et Torino en l’espace de deux semaines en mai 2001. Ce qui lui vaut d’être invitée à Roland‐Garros et d’y jouer son tout premier match dans le tableau principal d’un tournoi WTA – match perdu face à la Colombienne Castaño. Son année 2001 lui offrira également l’US Open juniors, une deuxième place mondiale dans cette catégorie et la 345e chez les grandes. Après deux nouveaux échecs à l’Open d’Australie et Roland où elle est invitée en 2002, elle gagne ses premiers matches sur le circuit WTA… en Grand Chelem à l’US Open ! Issue des qualifications, elle écarte Arantxa Sanchez, alors 28e mondiale, au premier tour pour ne se faire stopper qu’au troisième par Lindsay Davenport. A 18 ans, Bartoli est aux portes du Top 100. Dès lors, tout s’accélère.
Demi‐finaliste à Canberra début 2003, elle entre dans le Top 100. Cette année‐là, elle continue sa progression sur le circuit WTA et fait une incursion dans le Top 50. Avant de s’y installer définitivement dès 2004. Durant cette année, c’est pourtant en double qu’elle s’illustre. Elle empoche le premier de ses trois titres en double à Casablanca avec Émilie Loit. Dans la foulée, elle intègre l’équipe de France de Fed Cup et compose le double décisif qui échouera en finale face à la Russie. On ne la reverra que huit ans et demi plus tard vêtir de nouveau le maillot de l’équipe de France… C’est en 2006 qu’elle passe un vrai cap. Dans le Top 50 depuis deux ans, elle devient l’une des 20 meilleures joueuses au monde et ne quittera plus ce statut. De plus en plus régulière, elle remporte son premier titre à Auckland dès le début d’année. Deux suivront la même année. Dans le sillage de cette saison qui voit Amélie Mauresmo remporter deux Majeurs, elle prend le flambeau en 2007 et réalise sa meilleure année en Grand Chelem. Elle qui s’est révélée sur ces gros tournois, frappe un grand coup en juillet 2007 en atteignant la finale de Wimbledon face à Venus Williams. Si elle finit l’année dans le Top 10, elle peine à confirmer en 2008, 09 et 10. Mais elle reste solidement dans le haut de la hiérarchie mondiale et remporte deux autres titres en 2009. Deux ans après, elle fera vibrer tout un pays en atteignant les demi‐finales à Roland‐Garros, son meilleur parcours dans le tournoi. Deux nouveaux titres, trois finales, Marion Bartoli est de retour dans le Top 10 !
L’épilogue doré à Wimbledon
L’an dernier lui permettra d’atteindre pour la première fois le meilleur classement de sa carrière, la septième place. Elle poursuit difficilement, terminant tout de même l’année par un quart à l’US Open. 2013 sera finalement l’année la plus inattendue. Courageusement, elle coupe les ponts avec son coach de père, à qui elle doit beaucoup et avec qui elle a passé toute sa carrière. Elle fait alors son retour en équipe nationale de Fed Cup, poussée par Mauresmo, qui devient un maillon fort de son entourage. Mais, malgré un nouveau staff, la dynamique reste négative et elle redescend jusqu’en 15e position en juin 2013. C’est à ce moment là qu’elle réalisera l’œuvre de sa vie, la concrétisation de tant d’années de labeur, l’accomplissement d’une carrière : le titre à Wimbledon. Elle bénéficie certes d’un tableau favorable, mais réalise le tournoi parfait, tant tactiquement que techniquement et mentalement. Au sommet de son art, elle ne perd pas un set et rentre dans l’Histoire du sport français. C’est sur ce dernier chapitre, le plus savoureux, qu’elle referme son propre livre. Place désormais à l’écriture d’un nouvel ouvrage.
Publié le jeudi 15 août 2013 à 18:10