Qualifié dans le tableau final du Masters de Shanghai en compagnie de son pote Tsonga, le Niçois veut jouer sa chance à fond. Et pourquoi pas ne pas faire un coup ? Une finale face à Tsonga par exemple.
Il se disait gêné il y a quelques jours de devoir aller au Masters et jouer, alors qu’il n’avait pas fini dans les 8. Au cours d’une conférence de presse accordée à Roland Garros, avant de s’envoler pour Shanghai, et que nous vous retranscrivons en intégralité, Gilles estime toutefois qu’il « méritait autant qu’un autre d’y aller ».
Gilles, comment avez‐vous vécu cette attente, entre le moment où vous n’étiez que remplaçant et celui où on vous a annoncé que vous alliez disputer cette Masters Cup ?
Ce n’était vraiment pas une situation agréable. En tennis, on est rarement dépendant des résultats des autres, on est plutôt centré sur ce qu’on a à faire. Là, dans un premier temps, il y a eu l’attente des résultats du BNP Paribas Masters ; puis l’attente d’un éventuel retrait. J’étais juste content hier… Enfin, je vais avoir des mots mesurés, car je ne voudrais pas que ce soit mal interprété. Quand Rafa (Rafael Nadal) s’est retiré, je n’étais pas content qu’il se retire, mais juste content d’entrer dans la compétition et de pouvoir enfin me concentrer à fond sur ce que j’ai à faire.
Comment l’avez-vous appris ?
Par un coup de fil de l’ATP.
Que représente la Masters Cup pour vous ?
Je ne sais pas encore exactement, dans le sens où ce n’était pas un objectif pendant les 9/10e de la saison. C’en est devenu un seulement à la fin. J’avais trouvé prématuré de parler de Masters Cup dès l’US Open, parce que j’avais alors beaucoup de retard. Ensuite, j’ai gagné un titre à Bucarest, j’ai disputé une finale en Masters Series à Madrid, j’ai disputé une demi‐finale à Lyon. Et pourtant, je n’ai même pas fini parmi les huit meilleurs ! Malgré tout, c’est devenu vraiment quelque chose de possible pour moi après ma finale à Madrid. Aujourd’hui, je suis vraiment content d’y aller, j’ai vraiment envie de vivre cette expérience là. Avec Thierry (Tulasne, son entraîneur), on n’a pas eu le temps d’en parler, mais on va essayer de se remobiliser. Mais la portée que cela a, je ne me rends pas encore très bien compte. C’est encore trop nouveau pour moi !
Cela concrétise‐t‐il des années de travail et était‐ce un objectif ?
Je voyais plus les choses en terme de classement. C’est plus facile de se dire : « Moi, j’ai envie de rentrer dans le Top 10 » que « J’ai envie de jouer le Masters ». C’est quelque chose qui parle moins.
Qu’avez-vous fait depuis Bercy ? Vous êtes‐vous entraîné ou reposé ?
Je ne me suis pas entraîné ! Je me suis reposé, parce que j’en avais besoin, surtout mentalement. J’ai essayé d’avoir un peu la tête à autre chose. J’ai donc pris du temps pour moi, ce qui m’a fait du bien. Maintenant, je vais avoir le temps de me remobiliser, de m’entraîner et d’être au top pour Shanghai. Et quoi qu’il arrive là‐bas, même si ce n’était que quatre jours, c’était important pour moi de passer quatre jours à ne rien faire.
Avez‐vous eu le temps de parler avec Jo‐Wilfried Tsonga ces derniers jours ?
Non. Il m’a laissé un message après sa victoire au BNP Paribas Masters. Il savait que de toute façon, j’allais y aller, même en temps que neuvième. Il m’a donc laissé un message en me disant qu’il était super content qu’on y aille tous les deux. Depuis, j’ai essayé de le rappeler mais, ce que je comprends très bien, il ne m’a pas répondu !
Le fait d’être repêché vous met‐il moins de pression sur les épaules ?
Non, pas du tout. J’aurais vraiment préféré être qualifié directement en étant huitième. Là, il fallait qu’un joueur se retire et ce n’est pas du tout dans ma nature de souhaiter qu’un joueur ne puisse pas jouer. Certains m’ont demandé si ce ne serait pas une bonne chose que Del Potro se retire à cause de son pied. Mais non ! Que ce soit Rafa ou Del Potro, ce sont des joueurs contre lesquels j’ai fait des supers matches, pour lesquels j’ai vraiment du respect, et on ne peut pas souhaiter du mal à de tels joueurs ! Un joueur en devenir comme Del Potro, qui va jouer son premier Masters, sa première finale de Coupe Davis, on ne peut pas lui souhaiter d’avoir tellement mal au pied qu’il ne puisse pas jouer ! C’est pour ça que je trouvais ma situation vraiment difficile. Et c’est pour ça que j’aurais préféré être huitième. Comme ça, il n’y aurait rien eu à redire.
Comment se remobilise‐t‐on psychologiquement, en passant du statut de remplaçant à celui de titulaire ?
Finalement, c’est assez facile parce que je l’ai su dès hier. Ça me laisse donc une semaine pour me remobiliser et cela va être beaucoup plus simple pour moi. En fin de compte, cela va être une préparation normale. Une de mes plus grandes craintes était d’entrer en cours de compétition ou bien qu’on me dise samedi soir « Ça y est, tu y vas ». Là, ça n’aurait pas été facile, parce que j’ai besoin de bien me conditionner mentalement pour préparer les matches importants. A Shanghai, je ne vais jouer que contre des joueurs très, très forts. Il faut avoir toute sa tête pour gagner ces matches‐là. Ce n’est pas en étant simplement content d’être sur le terrain qu’on arrive à battre des joueurs comme Federer ou Murray. Le fait d’avoir su que j’entrais parmi les huit dès lundi m’aide donc énormément.
Comment se conditionne‐t‐on pour de tels matches ?
C’est tout simple, ça vient naturellement en reprenant l’entraînement. Il y a une espèce de pression, mais c’est une bonne pression, avec de la tension qui stimule, et surtout avec l’idée de se projeter dans le match en sentant les coups sur lesquels on peut s’appuyer. C’est plus facile quand on sait qu’on va les refaire en match que quand on se dit : « Là, je joue bien, mais si ça se trouve, je ne vais pas jouer » ou à l’inverse « Je ne joue pas bien, mais ce n’est pas grave, parce que si ça se trouve je ne vais même pas rentrer sur le terrain ». C’est beaucoup plus facile de faire tous les efforts qu’il y a à faire en étant sûr et certain de jouer.
Vous allez disputer cette compétition avec Jo‐Wilfried Tsonga… Qu’est ce que cela représente pour vous ?
Je pense que ca va être plus facile pour nous. L’air de rien, cela va aussi dépendre un peu des poules. Ce serait beaucoup plus facile pour nous deux de nous stimuler, de nous motiver et de nous encourager mutuellement en étant chacun dans une poule différente. Mais ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas un joueur comme les autres pour moi, parce qu’on se connaît depuis très, très longtemps. Autant pour moi, l’attente a été difficile au moment du BNP Paribas Masters, quand il a fallu savoir si j’allais être huitième ou neuvième. Autant quand j’ai su que j’allais être neuvième, qu’un joueur allait forcément me dépasser, j’espérais bien qu’il allait faire un peu le ménage et que je serai dépassé par lui plutôt qu’un autre ! Je pense qu’on est super contents. J’aime beaucoup la relation qu’on a, sans s’appeler tous les matins, sans passer tout notre temps ensemble. Mais souvent dans notre vie, depuis près d’une dizaine d’années, il y a eu des moments difficiles où on était là l’un pour l’autre. Notamment quand on était à Roland‐Garros, qu’on s’entraînait là, qu’on était, avec Gaël Monfils, les trois seuls joueurs à dormir au CNE… Forcément, il s’est passé des choses ! Donc forcément, je suis super content que ce soit Jo, comme j’aurais été aussi super content que ce soit Gaël. On a partagé des choses avec ces mecs là que je n’ai pas partagées avec les autres mecs du circuit.
Pouviez‐vous imaginer que Jo‐Wilfried Tsonga allait devenir si fort ?
Je ne suis pas étonné. Moi, Jo, je l’ai eu sous les yeux pendant très longtemps. Je pense que Thierry (Tulasne) sera d’accord avec moi pour dire que, même s’il était souvent blessé, il a toujours continué à travailler. Quand il était blessé au genou, il faisait de la musculation du haut. Il se renforçait toujours dans un sens par rapport à ses blessures du moment. Il a toujours essayé de compenser et, sans jouer de matches, il a continué de progresser dans l’ombre, sur les courts couverts du CNE. Dès qu’il a pu reprendre, on a tout de suite su qu’il allait être dangereux. D’ailleurs, je l’appelais « l’invincible » : il reprenait, il disputait trois Challengers, il gagnait les trois. Puis, il se reblessait plusieurs mois, il redisputait trois Challengers et regagnait les trois. Il ne perdait jamais ! C’était vraiment déjà du très haut niveau. Après, il avait juste besoin de pouvoir rejouer un maximum de matches. Ses blessures ont été dures mentalement. Cela a dû être difficile pour lui de se remotiver à chaque fois et de continuer à travailler. Mais je ne pense pas que cela l’a freiné pour arriver au plus haut niveau. La seule chose qui aurait pu lui arriver, c’est de se décourager au niveau de la tête mais il est très solide. Au final, il a toujours bossé tout ce qu’il pouvait. Et petit à petit, il a continué sa progression.
Publié le mercredi 5 novembre 2008 à 16:52