Si certains anciens joueurs ont du mal à couper avec leur sport, d’autres, eux, coupent le cordon dans le vif. C’est le cas de Pascal Portes, ex‐numéro deux français, derrière Yannick Noah, dans les années 80, et deux fois finaliste sur le circuit ATP. Aujourd’hui, les raquettes et les balles de Pascal prennent la poussière dans un obscur placard. Le tennis n’est plus son compagnon de route, remplacé par le monde non moins passionnant de l’entreprise et du business…
- Pascal Portes, 54 ans
- Carrière pro : 1977–1985
- Meilleur classement : 44ème
- 2 finales ATP
- 6 sélections en Coupe Davis
Cela n’a pas été très simple de vous retrouver ! Que faites‐vous, aujourd’hui ?
(Rires) C’est étonnant, car je ne me cache pas vraiment. En fait, je suis le Directeur Général de la société Match‐Hospitality. Nous gérons les droits de l’hospitalité (ventes de billets VIP) pour la Coupe du Monde du Brésil. Nous sommes d’ailleurs la seule société agrémentée par la FIFA, ce qui sera aussi le cas en 2018 et en 2022. On propose la même prestation pour Roland Garros à l’international, sauf pour les Etats‐Unis. Mais cela n’a rien de comparable car la demande et l’offre ne sont pas de la même dimension. En ce moment, vous imaginez que je suis plutôt occupé… Le coup d’envoi de Brésil 2012, c’est demain !
Vous parlez de Roland Garros, cela veut donc dire que vous êtes encore un petit peu dans le tennis…
Oui, mais de très loin et vraiment un tout petit peu. Bien sûr, je ne renie pas cette partie de ma vie, mais je dois avouer qu’aujourd’hui, le tennis n’est plus mon compagnon de tous les jours. Je ne suis même pas son actualité de façon assidue.
Donc vous ne jouez plus ?
Non. En dix ans, j’ai dû me trouver une seule fois sur un court et presque par hasard. En revanche, je fais encore beaucoup de sport pour garder la forme. Ca, c’est essentiel !
C’est plutôt étonnant, non ?
Je ne trouve pas, bien au contraire. Quand on a joué à un certain niveau, c’est difficile de prendre du plaisir alors qu’on se sent très loin de ce qu’on était capable de faire, physiquement et techniquement. En fait, je n’aurais jamais dû arrêter (rires), car, malgré tout, on perd certains automatismes.
Lorsqu’on regarde votre après‐carrière, on se dit que vous êtes très vite passé du monde du tennis professionnel à celui de l’entreprise…
En effet. Avec Dominique Bedel, il se trouve qu’on a créé une société d’événementiel qui a très vite bien fonctionné. On a organisé le tournoi de Nice qui était au calendrier de l’ATP, par exemple. On a aussi été les premiers à créer un circuit senior. Puis, en 2000, BPO a été vendue à Havas. Par la suite, on a chacun suivi des voies différentes. D’ailleurs, si vous trouvez que je suis difficilement joignable, c’est que vous n’avez pas essayé d’avoir Dominique… C’est un vrai sport que d’essayer del joindre (rires) !
Avec le recul, dire que le tennis est une école de la vie permettant d’être plus performant que les autres, c’est une image d’Epinal ?
Bien sûr. Le tennis ne m’a pas permis d’être là où j’en suis aujourd’hui. Il ne faut surtout pas se tromper. En revanche, cela m’a permis d’obtenir des rendez‐vous plus facilement quand j’ai commencé à développer du business, ça, c’est une certitude. Et, quelques fois, le plus dur, c’est bien de décrocher le bon rendez‐vous avec la bonne personne. Mais, dans mon métier, le fait que j’ai été joueur de tennis ne change, ni ne facilite absolument rien. D’ailleurs, je ne le revendique jamais.
Cela veut dire que personne ne connaît votre passé de joueur ?
Oui et non. A vrai dire, je n’en sais rien et ce n’est pas très important. Et puis, ce n’est pas comme si j’avais gagné un tournoi du Grand Chelem. J’ai eu une carrière, mais ce sont plutôt les spécialistes qui s’en souviennent un peu.
Certes, mais vous avez vécu une période formidable, l’âge d’or de la fin des années 70…
Ah ça, c’est sûr, c’était le vrai début du professionnalisme, du circuit et, avec lui, la naissance de champions qui ont marqué l’histoire de ce sport. Avec le recul, même si j’ai peu de souvenirs précis, je me souviens d’une superbe atmosphère, d’un mouvement général, d’un engouement. Et, surtout, j’ai assisté à l’avènement d’une star planétaire qui a fait exploser le tout : Björn Borg. Ca n’a pas de prix, j’ai vécu un moment historique.
Pour vous, Björn Borg, c’est le point de départ…
Selon moi, le tennis est né avec Borg, c’est clair. Je me souviens de l’atmosphère qu’il y avait à Wimbledon. Quand il arrivait, c’était pire que les Beatles. Une vraie rock star, quelque chose d’irrationnel. De toute façon, j’ai toujours été fasciné par le personnage. Il avait tout. Et je crois sincèrement qu’il est le père fondateur du tennis actuel. Sur le court, en‐dehors, dans son attitude, son look… Je resterai marqué à vie par Björn Borg et je pense que je ne suis pas le seul.
Vous l’avez joué ?
Oui, et c’est le seul grand joueur de cette époque que je ne suis pas parvenu à maîtriser. J’ai d’ailleurs pris une belle fessée à Roland Garros, en 1980. En revanche, je me souviens un peu – mais vaguement – de mes succès face à Vilas, Connors et Noah. C’est déjà beau, non (rires) ?
On a récupéré des photos de vous… Vous aviez un look Borg à l’époque !
Là, vous déconnez ! C’est une période où l’on avait tous les cheveux longs et un bandeau. Ca ne veut rien dire (rires) ! De plus, je n’ai jamais eu d’idole dans ma vie. Ce look, c’était juste celui du moment. Rien d’autre. Il ne faut pas y voir une volonté d’imiter Borg ou Vilas…
Le tennis des années 80 était aussi celui des tenues vintages qui reviennent à la mode. Vous faisiez attention à votre look ?
Forcément, oui, mais c’est drôle, parce qu’avec le temps, j’ai l’impression que l’on imagine que nous portions toujours des tenues esthétiques et bien coupées, mais c’est totalement faux. Il y avait aussi des choses affreuses. Moi, j’étais plutôt bien loti avec Sergio Tacchini.
Vous aviez quoi aux pieds ?
D’abord des Spring Court. Puis, à la fin de ma carrière, je suis passé chez Nike. Mais c’était leurs débuts dans le tennis, donc ce n’était pas vraiment le top.
Pour ce qui est de votre raquette, vous étiez passé très vite à une raquette en graphite alors que celles en bois régnaient encore sur le circuit…
Très vite, je ne sais pas, mais c’est vrai qu’on vivait le début de cette révolution, même si on n’en était qu’aux balbutiements.
Pas pour la Lacoste métallique…
C’est vrai, mais la Lacoste, c’est encore autre chose, c’est un objet à part. Elle n’a pas de temporalité. Il fallait savoir l’apprivoiser pour qu’elle soit efficace, ce n’était pas donné à tout le monde.
Vous voyez encore des amis de cette époque ?
Je vis au Brésil, donc ce n’est pas évident, mais j’ai gardé des contacts, oui. J’entretiens un lien particulier avec Yannick Noah, car on est de la même génération. On s’est tiré la bourre ensemble quand on était espoirs, on a joué en double… En plus, j’ai vécu son exploit de 1983 en direct, donc je reste marqué par tout ça. Mais c’était il y a plus de 30 ans déjà… Reste que j’ai du mal à être nostalgique. Ce n’est pas dans ma nature. J’ai d’ailleurs gardé peu d’objets de cette époque. Je regarde devant.
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Publié le lundi 21 avril 2014 à 19:00