Merci Marion !

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Elle nous a permis de vivre en direct un titre trico­lore en Grand Chelem. Après la frus­tra­tion née en 2008 à l’Open d’Australie, avec la défaite de Jo‐Wilfried Tsonga face à Novak Djokovic, puis celle, encore plus cruelle, à Belgrade, en finale de la Coupe Davis 2010, la Rédaction atten­dait avec impa­tience un titre, LE titre. A la surprise géné­rale – ou presque –, c’est Marion Bartoli qui nous a offert cette aven­ture à l’issue d’un voyage britan­nique remar­quable. Pour ce numéro 50, Marion s’est remé­morée ce moment si particulier.

Que penses‐tu du choix de notre titre pour le numéro que nous t’avions consacré, ce « RESPECT » en lettres capitales ?

Je l’ai bien aimé. Je trouve que le mot est fort et porte beau­coup de sens.

Tu aurais mis autre chose ?
Il y a telle­ment de choix possibles… Ce « Respect » me plaît bien. 
Parmi les Unes qui ont suivi ton exploit, laquelle a été la plus marquante à tes yeux ?
Celle de L’Équipe, car c’est un journal mythique en France. Et puis, j’ai trouvé l’édito et l’ar­ticle dans le journal à la fois telle­ment vrais et forts ! Surtout la fin du papier, où la jour­na­liste écrit : « Et, à ce moment‐là, on imagine la petite balle­rine dansant dans les trous et le froid du boulo­drome de Retournac. Aujourd’hui, elle est devenue danseuse étoile… » A chaque fois que je relis cette phrase, j’ai un frisson qui me traverse le corps.

Ton lien avec la presse a toujours été assez parti­cu­lier. Tu as une anec­dote amusante à nous raconter sur ta vie avec les journalistes ? 
Il y a souvent l’anec­dote au sujet de Pierce Brosnan qui revient, les jour­na­listes sont surpris et amusés de m’en­tendre raconter cette histoire…

Dans notre numéro 5, inti­tulé Outsiders, en septembre 2007, tu nous avais accordé une première inter­view où tu expli­quais : « Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours assumé d’être à l’écart des autres. » C’est aussi cela qui t’a permis d’aller aussi loin ? 

Je ne sais pas, mais, en tout cas, le fait de l’avoir toujours assumé m’a complè­te­ment aidée dans ma carrière. C’est le reflet de mon carac­tère, de ma person­na­lité. Le fait d’as­sumer ses choix, d’y croire à fond, ce sont des qualités qui me sont chères et que j’avais sur le terrain. Mais il ne faut pas oublier que, si mon papa n’avait pas été là, je n’au­rais jamais fait la carrière que j’ai réalisée. C’est une réus­site commune et je tiens vrai­ment à faire passer ce message.

Tu parlais aussi de la menta­lité améri­caine, qui consiste à ne pas se mettre de barrières. Est‐ce que tu t’es nourrie de livres ou de méthodes de déve­lop­pe­ment personnel pour réussir à avoir une telle confiance en toi ? 
Non, pas vrai­ment, même si j’ai grandi en admi­rant des cham­pions comme Michael Jordan et Pete Sampras. J’étais aussi une fan incon­di­tion­nelle de Monica (Seles), j’avais toutes ses tenues, la même raquette, des posters partout dans ma chambre… Bref, quand, main­te­nant, je dessine des bijoux pour elle, j’ai l’im­pres­sion que c’est irréel. Je me rappelle du jour où je l’ai vu jouer en finale de Roland Garros contre Steffi (Graf) comme si c’était hier. C’est après ce match que j’ai commencé à jouer à deux mains ! J’étais en admi­ra­tion totale devant sa hargne, son mental, son papa aussi, le regard qu’elle lui portait. C’est plutôt ce type de choses qui m’ont inspirée tout au long de ma carrière. 

Quelle est la place de ton père dans ta réus­site ? Si tu devais donner un pourcentage ?

99. 99%, et je le dis sans rire ! Sans lui, je n’au­rais jamais soulevé ce trophée. C’est juste incroyable. Quand j’y repense, aujourd’hui, je me dis : « Mais comment on a fait ? Mais comment on a continué à y croire ? » Du boulo­drome de Retournac, avec cette machine à balles infer­nale, où j’avais du mal à passer la balle au‐dessus du filet, au service, à Wimbledon, où je gagne le tournoi le plus pres­ti­gieux du monde… Je crois que, même à Hollywood, dans un scénario de conte de fée, on aurait dit : « Non, là, quand même, c’est too much ! » (Rires) Et, pour­tant, c’est mon histoire, notre histoire. Ce que je garde, comme image de la finale, ce n’est pas l’ace libé­ra­teur, ce n’est pas quand je suis sur le terrain, avec le trophée dans les mains, me deman­dant ce qu’il m’ar­rive. Ce que je garde dans mon cœur, c’est ce moment où j’es­ca­lade les gradins, où je vais dans la Player’s box, où je tombe dans les bras des personnes qui sont là pour moi et où j’ar­rive vers mon papa. Là, dans les 10 secondes du contact qu’on a eu par le regard, on s’est tout dit. C’était d’une inten­sité inouïe ! Ce moment, je ne l’ou­blierai jamais…

Maintenant que tu es de l’autre côté, que penses‐tu du métier de communicant ? 
J’interviens plus dans l’ana­lyse des matchs, les commen­taires, ce que j’adore, donc c’est plutôt agréable.

On a l’im­pres­sion que tu as toujours bien su contrôler ton image durant ta carrière. Je me trompe ? 
J’ai toujours fait cela natu­rel­le­ment, ce qui est le plus simple et, sûre­ment, le plus efficace.

Tu as égale­ment toujours expliqué que tu rêvais de jouer avec Roger Federer en double. Est‐ce que tu as eu l’oc­ca­sion de réaliser ce petit rêve ?

En match d’ex­hi­bi­tion, non, jamais ! Quelle décep­tion ! Cela pour­rait venir un peu plus tard (sourire)…

Vu la qualité de tes analyses, tu n’es pas tentée par le coaching ou le rôle de conseillère auprès de cham­pions ou de cham­pionnes, un peu comme Mauresmo ?

Ma vie, aujourd’hui, c’est d’être fashion desi­gner. J’ai travaillé telle­ment dur pour réussir Central Saint Martins (NDLR : célèbre forma­tion de l’uni­ver­sité des arts de Londres). Aujourd’hui, j’ai ma collec­tion de bijoux vendue chez Maty, en France, que j’es­père exporter à l’étranger. Demain, j’aurai la collec­tion sports­wear lifestyle/tennis que j’ai entiè­re­ment dessinée, pensée, construite pour Fila (NDLR : à partir de Roland Garros). C’est ça, ma vie, aujourd’hui. Je suis entiè­re­ment centrée sur ces objectifs. 

Dernièrement, tu as eu des mots assez durs sur Caroline Garcia. Tu les assumes ? 
Caroline, je crois en elle, elle a un poten­tiel énorme, je veux juste qu’elle arrive à l’ex­ploiter. Et je lui souhaite toute la réus­site du monde.

Vu de l’ex­té­rieur, on a du mal à comprendre comment tu parviens à gérer ton agenda ! Un secret ? Une assistante ?
Tu oublies aussi la perte de 25 kilos (rires) ! Beaucoup d’or­ga­ni­sa­tion, un bon télé­phone, un forfait effi­cace, mon père qui m’aide beau­coup égale­ment et, surtout, au moins douze heures de travail par jour.

Dernière ques­tion : toi qui n’es qu’une jeune tren­te­naire, passée de joueuse à direc­trice artis­tique d’une marque aussi mythique que Fila, tu as déjà eu plusieurs vies. C’est quoi la prochaine ?

Je ne sais pas. Pour l’ins­tant, je m’éclate dans ce que je fais. Je ne fais que des choses qui me passionnent – en tout cas, j’es­saie. On verra ce que l’avenir me réserve.

GrandChelem n°50, le numéro anni­ver­saire en télé­char­ge­ment gratuit

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