Il a fait son petit bout de chemin, très discrètement, dans l’ombre des favoris, enquillant les sets sans coup férir, puis l’heure de vérté ayant sonné, il a battu le numéro 1 mondial et gagné son premier Grand Chelem face à Tsonga. Pourtant Djokovic n’aura jamais les faveurs passionnés des fans qui s’escriment sur la question esthétique Nadal ou Federer. Vraisemblablement parce que son tennis ne fait pas complètement rêver. C’est un fait. Pour le reste, on est quand même en droit d’écarquiller les yeux et d’applaudir à tout rompre devant le numéro que nous sert le Serbe depuis deux ans. GrandChelem s’exécute.
En préambule, disons et répétons tout de suite ce que nous avons déjà écrit il y a 5 mois lors du dernier US Open : le tennis introduit une notion d’identification esthétique fondamentale. De ce point de vue, GrandChelem est honnête, dans la grande majorité de sa richissime rédaction, elle ne craquera jamais pour Novak Djokovic : son coup droit il n’est pas laid mais il n’est pas beau, son revers il n’est pas laid mais il n’est pas beau, son service alouette, sa volée pirouette, son amortie de revers croisé cacahouette. Novak Djokovic a juste un avantage, c’est qu’au jeu des comparaisons qui vont immanquablement s’élaborer au fil de résultats de plus en plus brillants dans les tournois qui comptent, les petits lecteurs de GrandChelem vont enfin comprendre par défaut à quel point Federer c’est quand même très beau et Nadal c’est finalement pas mal non plus, une esthétique et une tenue du corps autrement plus subtile dans le petit jeu et dans l’approche putté.
Reste que c’est grâce à ces fameux résultats que Novak Djokovic peut engager cette nouvelle vision du tennis en tripartie et de ce côté‐là, il n’y a tout simplement rien à dire : le Serbe est impressionant et à plus d’un titre.
Il impressionne d’abord par ces progrès, réguliers. Quarts de finale dans les Grands Chelems, puis demi‐finales, puis finales et maintenant victoire. Guy Forget nous avait prévenu, il voyait Djoko gratter un Grand Chelem cette année, c’est déjà fait. Le plaisir pour tout jeune qui voit ça, c’est d’apprécier les temps de passage. Djokovic n’a grillé aucune étape, il s’est tapé tous les bizuthages. Une vraie école d’ingénieur avec prépa intégrée.
Il impressionne plus encore par le jeu qu’il a proposé tout au long de ces 15 jours. Djokovic n’a peut‐être pas l’oeil d’Agassi mais il est en train de développer des qualités semblables à l’Américain : une batterie de retours extraordinaires, la volonté farouche de ne pas décoller de sa ligne de fond et de ne pas lâcher un pouce de terrain dans l’échange, une franche capacité à imposer une cadence infernale du fond du court (voir la fin du 3ème set contre Tsonga où certaines séquences donnaient le vertige) et derrière tout ça quel défenseur ! Que ce soit face à Tsonga ou à Federer, il l’a gagné ici son tournoi. Djokovic va non seulement tout chercher mais remet la balle à une longueur que même Nadal ne parvient pas à atteindre sur surface rapide. On en profite d’ailleurs pour dire qu’avec une telle profondeur de feutre l’Espagnol n’aurait pas non plus passé le roc Novak.
Mais ce qui nous plait le plus à GrandChelem, c’est évidemment la personnalité et l’habillage avec lequel Djokovic nous a emballé tout ça. Nerveux et fébrile dans un 1er set qu’il perdit en conséquence, le Serbe s’est calmé et a tout repris depuis le début en entrée de 2nd set pour imposer son tennis, avant de se montrer hyper solide dans un tie‐break remporté séchement s’il vous plait, à un moment où tout le stade de Melbourne poussait son adversaire pour une 5ème manche. Et quitte à ne pas se faire d’amis, on aime que Djoko l’ai fait avec respect mais sans démagogie, prêt à se prendre le public dans le nez s’il le fallait, prêt à se faire siffler pour ses coups de menton et ses oeillades noires. On savait de toute façon son intelligence suffisament grande pour retourner ce petit monde lors du discours final. Oui, on aime vraiment et sans aucune restriction cette personnalité hors du commun et on a poussé pour son élection lors de notre concours Choisis Ta Star parce que Djokovic est un vrai souffle pour le tennis mondial.
Et puis il y a enfin l’imitateur, le clown, le mec qui tout en se prenant très au sérieux, reste un jeune avec ses conneries de jeune qui a envie de se marrer et de faire des blagues, et Dieu sait si le circuit a besoin de mecs qui décontractent l’assistance. Le Tour a un côté petit monde de fantômes et de couloirs vides dans des hôtels sans âme, un côté Shining à devenir légèrement psychopathe du manche. Avec Djoko, on se décontracte et on boit frais, on se marre en conférence de presse, on se marre sur le terrain, on se marre en off. Le Serbe nous rappelle que le tennis n’est qu’un jeu. Cette notion de jeu et d’amusement, on l’avait déjà un peu perdu ces derniers temps avec la focalisation Nadal‐Federer, pas deux gros figolus poil au cul quand même.
On attend juste qu’au jeu de l’arroseur arrosé, un jeune intrépide vienne faire une imitation de Djoko en train de faire rebondir 17 fois la balle et que le Novak se marre tout autant. On sera alors sûr qu’avec les personnalités qui se dessinent dans les vestiaires du top 10 de l’ATP, le tennis va vraiment redevenir le grand sport mondial des 10 ans à venir. Et on guette pour vous les images du retour du Serbe à Belgrade.
Belgrade, capitale mondiale du tennis, qui l’eut cru ?
Publié le jeudi 15 mai 2008 à 03:37