Gaël Monfils‐Janko Tipsarevic. Si la France doit gagner un point, c’est bien celui‐là. On n’ose imaginer un scénario contraire, ce serait catastrophe… Alors, dans nos salles de ciné, la Monf’ passe en trois sets et laisse l’exploit bonus à son copain Gillou.
Une chose est vraie et pour nous rassurer : l’affrontement semble inégal entre deux joueurs aux dynamiques opposées. Depuis la demi‐finale de la Serbie contre les Tchèques, Janko Tipsarevic n’a pas vraiment brillé : cinq défaites pour seulement quatre victoires, en près d’un mois et demi. On a vu de meilleurs ratios. Gaël Monfils, de son côté, après des quarts et un US surprises – où, pourtant, il avait mal joué –, a explosé contre l’Argentine, sous le maillot bleu, avec une superbe victoire sur David Nalbandian. Les suites de ce succès, c’est une trajectoire et une forme ascendantes : finale à Tokyo, titre à Montpellier, finale à Bercy… 20 victoires, cinq défaites, rien que ça. Quand Tipsa perdait contre Zeballos ou Kukushkin, Gaël dominait Roddick, Tsonga, Isner et le triptyque Verdasco‐Murray‐Federer.
Ca donne envie d’être optimiste, ça ! Un Monfils libéré qui a, d’ailleurs, battu ce même Tipsa, cette année, à l’US Open, 7–6(4) 6–7(4) 6–2 6–4. Les deux joueurs se sont affrontés quatre fois sur le circuit. Deux victoires partout, balle au centre ? Pas tout à fait ; deux victoires partout, oui, mais une nouvelle solidité côté Monfils, une insouciance, teintée de travail soutenu. « Gaël mûrit les situations dans sa tête et dans son coin et attend d’être sur le terrain pour tout lâcher. » Ce constat de Guy Forget, dans le numéro 20 de GrandChelem, montre le travail effectué au quotidien par le Français, avec son coach, Roger Rasheed. « Il comprend chaque jour un peu plus l’importance et la nécessité de bien se structurer et de bien s’entraîner. Ca fait partie d’une recherche d’efficacité qui lui est, désormais, devenue essentielle. » Vous me direz : « Il était temps ! » Oui, mais « tout vient à point qui sait attendre », comme le disait Marot, et « mieux vaut tard que jamais ». La daube provençale doit mariner longtemps, les chefs niçois – Gillou, nous entends‐tu ? – vous le confirmeront ; pour Monfils, c’est pareil : un travail culinaire intense et exigeant pour un résultat savoureux et même surprenant.
« Gaël, la recherche d’efficacité lui est désormais devenue essentielle »
Mais, si les matches étaient gagnés d’avance… La Coupe Davis est une compétition à part, qui laisse une belle place aux perf’ étonnantes. Mieux, une finale, « c’est la chance d’une vie », explique Novak Djokovic. « C’est quelque chose d’énormissime pour nous, parce que nous sommes un petit pays qui a connu beaucoup de problèmes par le passé », renchérit Tipsa. Une situation à la dramaturgie consommée pouvant tout à fait accoucher d’une surprise et, ce, dès le premier match, malheureusement pour nous. Foin de vos derniers résultats, fi de vos ultimes statistiques, les dynamiques n’entrent plus en jeu. Porté par 15 000 de ses compatriotes, dans un match où il n’a rien à perdre – qui lui en voudra d’une défaite contre Monfils, 12ème à l’ATP ? –, Janko a toutes les cartes en main. C’est justement le genre de mise en scène qui lui convient ! Le Serbe l’a souvent dit, s’il pêche à trouver de la motivation dans les rencontres du quotidien, où il est attendu – « je joue depuis toujours comme une merde quand je défends des points [en tournoi]. Pfff… No comment », confiait‐il, sur Twitter, il y a peu –, il se transcende quand il est dos au mur, donné vaincu, face aux cadors. En témoignent ses victoires contre Andy Murray, Andy Roddick, Tomas Berdych ou Sam Querrey cette saison. Pas mal, pour un type classé 49ème. Alors, Janko Tipsarevic, jivaro coupeur de tête ? C’est bien ce que l’on peut craindre.
Tipsarevic, jivaro coupeur de tête
Et Monfils ne s’y trompe pas. « Le maillot pèse lourd, demain, il pèsera encore plus lourd après la Marseillaise. […] C’est très dur mentalement. […] Je suis en panique, […] je me pose beaucoup de questions. » Tout comme Gaël, nous faut‐il paniquer ? Son état émotionnel doit‐il nous inquiéter ? Doit‐on se lamenter, pisser dans nos culottes ou brailler à la mort ? Non. Rangeons nos kleenex, retour mi‐septembre, après sa victoire sur David Nalbandian : « Avant le match, j’étais hyper stressé. Dans les vestiaires, avec le Doc’, j’avais mal de partout, j’étais dans mon gouffre, super tendu… » Bis repetita. Or, contre Nalby, « dès les premières balles d’échauffement, [il s’était] relâché. » « Je sais quand même jouer au tennis, c’est ce que je fais de mieux dans ma vie. Je me suis dit que j’étais dans mon jardin, dans mon domaine. Même si le maillot est lourd, le court est là et c’est là que je peux m’exprimer. »
Cette pression qu’il se met, elle est saine. Elle relève de sa capacité à entendre réellement la nature de sa situation. Ce qu’on appelle la conscience. Et c’est nouveau : il y a plus d’un an, à Maastricht, l’inconscience primait encore, avec le résultat qu’on sait : « Contre les Pays‐Bas, je n’avais encore jamais joué en Coupe Davis. Je n’avais pas paniqué et je ne m’étais probablement pas mis assez de pression. J’étais entré sur le court en me disant : « Ca va aller. » » Ce bât blessait auparavant ; aujourd’hui, le garçon a mûri. Ce stress, qu’il ne ressentait pas, qu’il ressent maintenant, c’est un stress moteur et non pas destructeur. Comme l’acteur, sensible au trac, prêt à monter sur scène. Une chose à espérer : pas de black out. Il n’y aura pas de souffleur.
Les cotes de notre partenaires Sajoo : 1,45 pour Monfils ; 2,30 pour Tipsarevic.
Une victoire de Monfils en quatre sets ?
Publié le jeudi 2 décembre 2010 à 20:30