AccueilBartoli : "Il faut que je me serve de cette défaite"

Bartoli : « Il faut que je me serve de cette défaite »

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Marion Bartoli n’a pas semblé extrê­me­ment triste de sa défaite en demi‐finale devant les jour­na­listes. Quelque peu déçue oui, mais elle souhaite surtout tirer du positif de ce parcours presque inattendu :

Marion, vous aviez beau­coup de pres­sion en étant une Française, en demi‐finale, ici. Vous avez semblé gérer cette pres­sion extrê­me­ment bien. Que s’est‐il passé pour vous et quelle a été la diffé­rence entre vous et votre adver­saire ?

« Je pense que j’ai bien géré la pres­sion, mais elle a extrê­me­ment bien joué aujourd’hui. Vu les condi­tions, il y avait énor­mé­ment de vent. Je pense qu’elle a su utiliser ces condi­tions à son avan­tage extrê­me­ment bien. Elle a joué un tennis très intel­li­gent. À la fin, c’était trop dur pour moi. Je pense que si j’avais gagné ce jeu à 4 partout, si j’avais pu tenir mon service alors que j’étais menée 15–40, cela aurait pu renverser la situa­tion. Mais quand elle a mené 5–3, elle a joué beau­coup mieux, à partir de là, c’est devenu très diffi­cile. Je ne pense pas avoir joué un mauvais match, mais je pense qu’elle a trop bien joué.

On a eu l’im­pres­sion que les varia­tions perma­nentes qu’elle t’im­po­sait avec son grand lift, ses slices, plus que le vent t’ont empêché d’ex­primer tota­le­ment ton jeu.
Oui, abso­lu­ment, il y avait énor­mé­ment de vent aujourd’hui, je ne sais pas si on le sentait à l’ex­té­rieur du court, mais sur le terrain, c’était vrai­ment diffi­cile car cela enlève beau­coup de terre battue au fur et à mesure, et du coup, les effets prennent encore plus. Ses slices deve­naient de plus en plus bas et accé­lérés au rebond, et son lift prenait de plus en plus d’im­pact. Même si j’ai essayé de coller à la balle le plus possible et de la prendre tôt, cela m’a vrai­ment gênée, j’étais obligée de m’ajuster beau­coup sur les balles pour avoir un bon timing et un plan de frappe juste, car je ne pouvais pas jouer unique­ment au milieu du court, il fallait que je dirige le jeu et donc que je m’ajuste très bien. Physiquement, j’ai fourni beau­coup plus d’ef­forts que les matches précé­dents. Je pense qu’en effet, ce jeu à 4–3 où je sers contre le vent, mais où j’ar­rive à mener 40–15, quand je le perds et quand elle sert à 5–3 avec le vent pour elle et pour finir le set, elle avait un gros avan­tage. Si j’avais pu recoller à 4 partout, cela aurait été diffé­rent, mais elle a extrê­me­ment bien utilisé les condi­tions et elle a un jeu qui la dérange moins quand il y a du vent que moi, qui ai un jeu beau­coup plus à plat ».

Ta gestion de l’ap­proche du match a‑t‐elle été diffé­rente des autres ? As‐tu ressenti plus de tension à un moment, étais‐tu plus nerveuse ou pas ?

« Non vrai­ment, je pense vrai­ment ne pas avoir mal géré la situa­tion ou senti une pres­sion supplé­men­taire. Honnêtement, je ne pense pas que c’est cela qui m’a fait perde le match aujourd’hui. Jusqu’à 3 partout, le jeu était accroché, je jouais bien. Généralement, quand on est tendu, on commence très mal le match, mais là, cela n’a pas été le cas. Jusqu’à 3 partout, il y avait des beaux échanges, je jouais bien. Mais comme je vous l’ai dit, j’ai dépensé nette­ment plus d’énergie que d’ha­bi­tude pour produire du jeu. Je pense que cela m’a coûté à certains moments, et elle, elle a très, très bien joué égale­ment. Il faut le saluer, cela n’en­lève abso­lu­ment rien à son mérite. Si j’ai perdu, c’est aussi parce qu’elle a fait un très bon match.
Sur la finale, même si je comprends que cela ne t’in­té­resse pas vrai­ment, et qu’il y ait du vent ou pas, penses‐tu que Francesca est la favorite ?
Je pense que Francesca, vrai­ment, se sent très bien ici. Elle est très à l’aise sur ce type de terre battue, car c’est une terre battue qui prend les effets et surtout les balles. Vraiment, sa balle est gênante par son top spin quand elle joue en coup droit, et son slice qui vrai­ment accé­lère. Elle a vrai­ment le jeu pour déranger Li qui aime jouer sur des cadences à plat. Elle a déjà gagné ici, Li n’a pas encore gagné de Grand Chelem. Je donnerai un petit avan­tage à Francesca, même si ce sera un match très accroché. À mon avis, en effet, elle part un peu favorite ».

À quoi attribues‐tu l’es­sen­tiel de ces progrès ? C’est physique, tech­nique, ce sont les condi­tions de cette année ? À quoi ?

« Je pense un peu des trois, mais d’abord, des progrès physiques, ensuite une confiance en moi nette­ment supé­rieure à d’ha­bi­tude. Ici, j’ar­ri­vais beau­coup plus dans « le doute », dans le flou, je ne savais pas si j’avais le jeu pour bien jouer sur terre battue. Cette année, j’ai pris le défi à bras le corps et je pense que, même si c’était un tournoi de moindre impor­tance, avoir fait finale à Strasbourg la semaine précé­dente m’a vrai­ment aidée menta­le­ment sur des matches durs ici à passer le cap. Après, les auto­ma­tismes viennent petit à petit. Avoir passé sur terre battue 2 mois et joué énor­mé­ment sur cette surface m’a aidée à prendre des points de repère. Même si je pense que la terre battue reste la moins bonne surface pour moi, main­te­nant que j’ai fait demi‐finale à Roland Garros, je ne pourrai pas dire que je ne peux pas jouer sur terre battue, mais quand même, cela me demande plus d’ef­forts que sur des surfaces où je me sens plus à l’aise. Il a fallu que je fasse un gros travail mental et physique pour arriver à passer le cap, car j’avais un blocage mental à produire mon meilleur niveau. Après, il y avait des problèmes physiques. Cette année, avoir passé ce cap est une satisfaction ».

C’est un peu tout, mais que retiendrez‐vous de ce tournoi et que vous aura‐t‐il apporté ?

« Ce que je retiens, c’est d’abord une grande satis­fac­tion d’être arrivée en demi finale. Je ne pensais vrai­ment pas y arriver, très honnê­te­ment. De très grandes émotions que j’ai vécues sur le court, que j’ai pu partager avec mes proches. D’habitude, ces grandes émotions, je les partage plus avec mon père qui est plus souvent là, avec moi. Avoir pu le partager avec mon frère, ma mère, mes grands parents, mon oncle, les gens que j’aime, c’est aussi leur apporter du bonheur, c’est aussi une grande satis­fac­tion. Et puis, le fait qu’ici, en France, je puisse arriver à jouer bien et à être soutenue par le public et ressentir tout cet amour derrière moi, c’est la plus belle satis­fac­tion et ce qui restera le plus ici ».

Marion, tu n’as jamais autant été média­tisée depuis le début de ta carrière. Tu donnes l’im­pres­sion de vouloir vivre dans le secret, que l’on te laisse tran­quille et faire ton tennis de ton côté. Vas‐tu accepter ce genre de chose pour être une cham­pionne aimée et admirée de tout le monde, surtout en France, où il y a encore un chouya de réti­cence à ton égard ?


« Je ne pense pas que l’amour ou l’af­fec­tion vienne du fait que j’ex­pose ma vie au grand jour. Les gens ont plus apprécié mon atti­tude sur le court que de savoir ce que je mange au petit‐déjeuner ou à quelle heure je me lève. Après, si je fais de grands résul­tats, la média­ti­sa­tion vient forcé­ment avec, mais je ne fais pas ce sport pour cela. C’est très agréable d’avoir de l’at­ten­tion et d’être aussi soutenue par le public, c’est plus ce que je retiens que le nombre d’ar­ticles que j’ai dans les jour­naux. Je le prends posi­ti­ve­ment, il n’y a pas de méfiance de ma part, simple­ment, on est exposé toute l’année et quand les tour­nois se finissent, on a envie au moins de récu­pérer et d’avoir une certaine tran­quillité, ne pas être suivi ou épié toute la journée. Mais je n’ai pas de méfiance parti­cu­lière envers la presse ».

Penses‐tu que c’est la meilleure prépa­ra­tion pour Wimbledon ce qui t’ar­rive ?

« Je pense que la meilleure prépa­ra­tion, cela va être de récu­pérer comme il faut ! Comme vous l’ima­ginez, après un Grand Chelem, surtout en France, il y a un certain influx qui est laissé, il faut recharger les batte­ries et je n’ai pas beau­coup de temps, car Wimbledon, c’est dans 2 semaines seule­ment. Il y a un chan­ge­ment de surface, beau­coup d’adap­ta­tions à faire. Mais c’est vrai, quand j’avais très bien joué, en 2005, cela avait commencé en jouant mieux ici. J’espère que cela va conti­nuer ainsi, mais je sais que cela va repasser par de l’en­traî­ne­ment et de l’hu­mi­lité, et pas unique­ment en pensant que parce que j’ai bien joué ici, cela ira forcé­ment tout seul à Wimbledon ».

Marion, la prochaine étape dans tout cela, n’est‐ce pas un déblo­cage au niveau fédéral, des rela­tions au‐dessus, pour te permettre de jouer les jeux olym­piques l’année prochaine ?

« Nos rela­tions sont vrai­ment excel­lentes. Il n’y a pas d’ani­mo­sité, de conflit ouvert ou de guerre ouverte. Je pense que chacun comprend les posi­tions de l’autre. Après, j’ai un discours cohé­rent. Je n’ai jamais changé de ligne de conduite, j’ai toujours eu le même discours. Et puis, j’ai déjà parti­cipé à la Fed Cup, il ne faut pas l’ou­blier. Voilà. Encore une fois, Jean Gachassin était là et m’a soutenue du premier au dernier point. Il n’y a pas de conflit, mais il y a des règles en équipe de France qui, pour l’ins­tant, ne sont pas compa­tibles avec mon projet. Je ne vais pas changer de ligne de conduite main­te­nant. Je ne suis pas du genre à faire la girouette ».

De votre envoyée spéciale à Roland Garros.