Très ému et déçu, Richard Gasquet s’est confié en toute sincérité à l’issue de sa défaite en huitièmes de finale à Roland Garros. Après son homérique combat perdu, le Français, enfin libéré, a peut‐être donné sa meilleure conférence de presse en carrière. Là‐voici retranscrite en intégralité.
Qu’as‐tu as ressenti à la fin du match ?
C’est difficile. Tu perds après 4h15 de jeu… J’ai eu plein d’occasions, ça ne m’a pas souri, il a sorti des coups incroyables. A 5–5 au 5e je joue le passing croisé, alors que 9 fois sur 10 je le mets long de ligne. Voilà, ça n’a m’a pas souri, j’ai fait tout ce que j’ai pu, je ne peux pas faire plus honnêtement. Ce match n’était pas pour moi.
Est‐ce que tu te considères maudit ?
Il y a des mecs plus maudits que moi, j’ai quand même une belle vie, je joue un sport que j’adore. J’aurais préféré gagner c’est sûr, c’était un match énorme. Je suis souvent sorti avec les honneurs en Grand Chelem, ici encore, avec tout le public derrière moi, perdre 8–6 au 5e set, c’est vraiment dur…
Quelle était ta gêne physique au 5e set ?
La fatigue tout simplement. Après 3h30 de jeu, il était plus frais que moi. Malgré cela, j’étais proche de le breaker à 5–5 au 5e, ça se joue à rien du tout, avec ce passing qui est l’un de mes meilleurs coups… Je vais y repenser longtemps… Ca s’est joué à un détail.
Qu’as tu pensé de l’attitude de Wawrinka au 3e set avec l’arbitre ?
C’était difficile pour lui d’avoir à rejouer le point à cause de la mauvaise annonce du juge de ligne. Mais bon le point d’avant, l’arbitre avait refusé de faire rejouer le point alors qu’il y avait 0–30 pour moi. Cela faisait donc un partout. Il n’y avait pas de quoi crier au scandale non plus. Ce n’est pas ce qui m’a fait perdre le match en tout cas.
Est‐ce que c’est un match qui te fait grandir ?
Là tout de suite, je ressens une énorme tristesse. Mais c’est le tennis, il faut rebondir. J’étais vraiment fatigué au 5e, mais le public a joué son rôle, je le sentais à fond derrière moi et c’était fabuleux. Je ne peux pas donner plus que ce que j’ai donné aujourd’hui. Il faut toujours trouver le bon dosage entre attaquer et reculer dans ces points qui comptent. Je me remémore ce passing, qui me fait mal… Je fais le maximum de ce que je peux pour m’entraîner physiquement, je fais tout ce que je peux. Mais lui a un des meilleurs physiques du circuit, et au 5e set après 4h de jeu, il servait encore à plus de 215 km/h, alors bravo à lui. Je suis allé au bout de moi‐même, j’ai joué deux supers premiers sets, j’ai tout donné. Je ne peux pas me flageller plus que ça. Ce match n’était tout simplement pas pour moi.
Est‐ce que ce match va laisser des traces ?
Franchement, j’ai eu des traces beaucoup plus dures que de perdre un match 8–6 au 5e. Mais bon… (Ses yeux rougissent) Je suis immensément déçu ce soir, même si j’ai vécu des sensations énormes sur le terrain, le public a été fabuleux et je le remercie beaucoup. Je ne vais pas faire pleurer dans les chaumières. Qu’est ce que je peux faire de plus ? Je peux être un peu plus fort physiquement. Mais bon… C’est dur parce que j’aurais pu aller en quarts. C’est le sport. Ca laisse des traces, mais ca en laisse moins que de prendre 3 petits sets.
A ton avis, pourquoi ce match tourne du mauvais côté ?
A chaud comme ça, c’est compliqué… C’est un match en 3 sets gagnants sur terre battue, c’est très difficile physiquement. Je suis le premier à reconnaître quand je fais des erreurs, quand je joue trop court par exemple. Mais là, j’ai fait mon match. Donc je ne vois pas. Je n’ai pas eu de réussite, simplement.
Est‐ce que tu as le sentiment de découvrir quelque chose de nouveau avec le public ?
J’ai déjà vécu des grands matches dans des ambiances extraordinaires : en Coupe Davis, à l’US Open contre Hewitt, à Melbourne contre Gonzalez… J’en ai fait des grands matches. Mais à Roland Garros, c’est certainement le plus dramatique.
Ton père dit que si tu as perdu, c’est certainement parce que tu n’as pas conclu au 3e set.
Je me souviens plus trop parce que ça fait déjà quelques heures qu’on a joué ce 3e set (Sourire). Ce n’est pas impossible… Sur Jo il y a deux ans, Wawrinka avait déjà été mené deux sets zéro, et avait gagné derrière. Je pense que ça se joue aux 4e et 5e aussi, car ce n’est pas comme si j’avais pris des branlées. Je suis pas trop d’accord avec cette analyse. Ce n’est pas la première fois que je suis pas d’accord avec mon père, ca arrive très souvent (Sourire). Quand j’étais jeune, c’était un peu chaud mais il est calme maintenant (Rires). Non franchement, c’est très dur de perdre 8–6 au 5e.
Est‐ce que c’est la défaite en 5 sets la plus dure à vivre de ta carrière ?
Murray à Wimbledon, c’était dur à vivre aussi. Sincèrement ce soir, je me suis vu gagnant maintes fois. Mais ça n’a pas souri. Je ne peux pas plus donner, j’ai tout essayé. Il faut aussi reconnaitre que les adversaires sont coriaces, et lui il l’est. Il me manque un gros match comme celui‐là à mon palmarès, lui c’en était un gros. Je sentais le public derrière moi, j’en avais besoin et il était présent.
De votre envoyée spéciale à Roland Garros
Publié le lundi 3 juin 2013 à 20:51