Avant cette finale 2009, beaucoup d’incertitudes planent sur un duel plus que particulier entre celui qui peut devenir le plus grand joueur de tennis de tous les temps et un Suédois en pleine confiance qui n’a jamais respecté les protocoles.
« S’il n’y avait pas eu un miracle venu de Majorque, cela fait longtemps que Roger Federer l’aurait emporté ici » a expliqué ce matin André Agassi tout en rappelant avec une certaine solennité que le tennis avait rendez‐vous avec l’histoire ce dimanche. Et André Agassi sait de quoi il parle. Cela fait en effet dix ans qu’il est venu s’imposer ici sur l’ocre parisien lors d’une finale qui reste pour lui « le moment le plus émouvant de sa carrière et aussi de sa vie ». Il faut dire que le champion américain s’était présenté à Paris après un trou d’air dans sa carrière et que sa victoire face à Medvedev ponctuée par un scénario incroyable était chargée d’émotions. Une sorte de renaissance pour le Kid de Las Vegas devenu le temps d’une finale un homme, un vrai.
Roger Federer est lui aussi un homme. Sur ce point, inutile d’épiloguer, et demain lui aussi a un rendez‐vous avec l’histoire, son histoire. L’histoire, c’est égaliser le record de Pete Sampras, gagner sur la terre battue de Roland Garros et ainsi rajouter le trophée du joueur vainqueur dans les 4 tournois du Grand Chelem.
Son histoire, c’est lâcher prise lorsque justement André lui remettra la Coupe des Mousquetaires devant un public devenu hélvétique le temps d’un dimanche. Mais avant tout cela, il y a un match, un adversaire, une pression.
Un match qui devrait se dérouler dans des conditions largement différentes des jours précédents avec une terre battue plus lente et une température plus fraîche. L’adversaire est un Suédois prénommé Robin Soderling qui envoie du lourd et qui n’a peur de rien : « Je suis prêt à tout » affirme même ce matin ce grand gaillard.
Au final, la seule chose qui rejoint les deux adversaires, c’est peut‐être une certitude, celle d’avoir un talent suffisamment important pour dominer tous les joueurs de la planète. « Je savais que j’avais le potentiel pour battre n’importe qui » a expliqué Robin après son succès face à Fernando rajoutant avec une certaine ironie « donc je ne suis pas forcément surpris de mon parcours ici ».
Bref, le seul vainqueur à Roland Garros de Rafael Nadal semble être plus que fort dans sa tête, comme assoiffé de victoires mais malgré tout et c’est un vrai paradoxe, allergique à une certaine reconnaissance. « Quand j’ai battu Nadal je croyais que cela allait me perturber, mais au final ce n’est pas le cas, ce que j’aime c’est gagner ».
Gagner, Roger a conjugé ce verbe à tous les temps, par tous les temps, et chaque année. Une experience qui pourrait bien être une arme au moment de pénétrer sur le central. Cette experience, c’est aussi celle qui nous oblige à penser que les finalistes surprises passent souvent à côté du dernier rendez‐vous. On pense ici à Verkerk ou Pernfors. Seule différence et elle est de taille, Soderling semble s’inventer devant nos yeux à travers une image de mal aimé, de joueur solitaire.
Quand il dit qu’il se moque d’être soutenu par le public, ou plus exactement que ce n’est pas décisif, il se prépare déjà mentalement aux « Rodgeur, Rodgeur » qui vont raisonner dans ses tympans. Robin va donc assumer le rôle de grand méchant loup, pire il adore ça, il pourrait même être galvanisé par l’idée de faire bégayer l’histoire du tennis.
Dans ce contexte Roger Federer, favori logique, semble donc avoir plus à perdre que son adversaire même si Rodgeur a tenu à préciser hier : « Je suis assez relax, j’ai tellement joué de finales de Grand Chelem et de grands matches, de grands rendez‐vous… Je me suis déjà retrouvé dans cette situation plusieurs fois d’affilée, alors je ne vais pas trop m’exciter là‐dessus ni me dire : « Ah, si je ne gagne pas cette année, ça n’arrivera jamais… ». Et même si je ne gagne jamais Roland Garros, j’ai tout donné tous les ans ici, et j’aurai encore toutes mes chances dans le futur. ».
Finalement, on a beau chercher la solution, l’équation est insoluble. En revanche, il est évident que si Roger se présentait à Wimbledon, l’US Open, ou l’Open d’Australie pour signer un succès moins historique, toujours face au même Robin Soderling, toutes nos économies ou presque seraient placées sur ce pur sang magique nommé Rodgeur !
En direct de Roland Garros
Publié le samedi 6 juin 2009 à 18:45