Dans le rétro, quelques balles le long des lignes. Quelques joueurs ayant fait l’Histoire. Des anecdotes, des matchs, des lieux : le tennis écrit depuis longtemps sa légende. Parce qu’aujourd’hui ne se comprend qu’à travers hier, parce que les histoires sont belles, WLT vous propose de revivre, les lundis et jeudis soir, certains grands moments de tennis. Aujourd’hui, l’étrange match nul entre Denis Naegelen et Nicolas Kelaidis à Roland Garros, en 1973.
Il y a des matchs anodins, comme ça, qui marquent l’histoire. Pas de grands joueurs, ni de trophées. Pas de finale, ni même de demie ou de quart, juste deux joueurs moyens qui se disputent une qualification. Mais en ce 22 mai 1973, à la veille du début du tournoi, un concours de circonstances complètement dingue fait basculer ce match dans un autre monde. Sur le court central, Denis Naegelen et Nicolas Kelaidis jouent le deuxième et dernier tour des qualifications de Roland Garros, et le résultat est… inhabituel. Match nul, pas de vainqueurs. Ou plutôt deux…
Le Français Denis Naegelen a 21 ans. Et tout comme son adversaire grec, il n’a jamais joué sur le circuit professionnel. C’est dire si l’enjeu qui entoure la rencontre est important. Premières émotions, premières reconnaissances et surtout, premiers espoirs. Ce jour‐là, chaque joueur domine un set. Le Français l’emporte 6–2 dans la première manche mais s’incline 6–3 dans la deuxième : le dernier set sera donc décisif. Et c’est là que tout s’emballe. Denis Naegelen prend rapidement les devants : 4–0. Mais la pluie fait son apparition et les discussions commencent : Kelaidis, qui porte des verres de contact, demande l’arrêt du match. Le Grec a bien conscience que la dynamique ne lui est pas favorable, et verrait cette interruption d’un bon œil. Mais la veille du premier tour, le match ne peut pas être reporté… les deux joueurs reprennent.
Le hasard s’en mêle
Kelaidis, bien décidé à ne pas laisser filer, parvient miraculeusement à recoller à 4–4. Mais trop, c’est trop : le court est détrempé et l’arbitre Jacques Dorfman arrête le match, en espérant reprendre dans la soirée. Le reste, c’est lui qui le raconte : « La pluie a duré comme ça pendant des heures et comme il n’y avait rien de mieux à faire que de la regarder tomber, on s’est occupé en procédant au tirage au sort du « lucky loser » pendant l’orage. » Vous la voyez venir… ? Le hasard s’en mêle et désigne le perdant du match Naegelen / Kelaidis ! « Autrement dit, quoi qu’il arrive, ils allaient tous les deux intégrer le tableau final ! A quoi bon continuer le match après la pluie alors ? » Les deux joueurs, qui se voient offrir sur un plateau leur qualification, décident d’en rester là. Le match reste donc figé à 6–2 3–6 4–4, pour l’éternité…
L’aventure sera malgré tout de courte durée pour ces deux chanceux, puisqu’ils s’inclineront tous les deux dès le premier tour. Si ce match nul est fou, ce n’est pourtant pas le seul. En 1984, la finale à Rotterdam entre Ivan Lendl et Jimmy Connors a dû être arrêtée à 6–1 1–0. La raison ? Un militant du front anticapitaliste avait déclenché une alerte à la bombe qui a conduit la police à évacuer les lieux. Et les joueurs avec. Mais officiellement, les deux joueur ont perdu ce jour là… Naegelen / Kelaidis reste donc le seul match nul connu ayant eu – officieusement – deux vainqueurs. Inhabituel, vraiment.
Retrouvez les premiers numéros de cette série Histoire :
« Dans le rétro n°1 : Bruguera / Champion, 1993″
« Dans le rétro n°2 : Frank Hadow, l’inventeur du lob »
« Dans le rétro n°3 : Chang / Lendl, 1989″
« Dans le rétro n°4 : Vilas, Nastase, et des spaghettis… »
Publié le lundi 29 juillet 2013 à 21:18