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Corinne Vanier : « Ma victoire contre Steffi Graf a long­temps été ma carte de visite »

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Une carrière avortée, une recon­ver­sion express. Retirée des courts à seule­ment 23 ans, Corinne Vanier oeuvre aujourd’hui dans le déve­lop­pe­ment d’évènements spor­tifs pour Lagardère Unlimited. Egalement impli­quée au sein de la FFT, la gauchère a su rebondir après une carrière aussi courte que mémo­rable. Numéro un fran­çaise en 1982 (54ème mondiale), « la McEnroe du tennis féminin » a aidé son sport à faire ses armes chez les dames. Elle essaie aujourd’hui de le relancer.

Corinne Vanier. Votre nom évoque immé­dia­te­ment votre victoire 7–5 7–6 contre Steffi Graf en seizièmes de finale de l’Open de Brisbane 1984. Vous avez long­temps été la seule Française à avoir battu l’Allemande. Si Mary Pierce (deux fois en 1994) et Julie Halard Decugis (en 1999) vous ont depuis imité, ce succès est‐il le meilleur souvenir de votre carrière ?

Il en fait partie mais en terme de tournoi je retiens plus ma demi‐finale à San Diego en 82 (tournoi équi­valent à l’Open Gaz de France, ndlr.) où je perds contre Kathy Rinaldi. Quand je bats Steffi, je crois qu’elle est déjà dans le Top 30 (25ème mondiale, ndlr.) mais elle n’avait pas encore gagné sur gazon. C’était une belle perfor­mance mais j’ai battu d’autres joueuses du Top 20. 

La légende autour de ce match fait état d’une petite apos­trophe que vous auriez eu avec Peter Graf, père de Steffi, à l’issue de ce match. Dites‐nous en plus…

Oui c’est vrai ! Quand je l’ai battu, son père n’était pas content qu’elle perde contre une joueuse fran­çaise aussi…mauvaise (rire). Quand elle est sortie du terrain, son père lui a mis une claque. Comme je connais­sais un peu le person­nage, je suis allée vers lui et je lui ai demandé : « c’est si honteux de perdre contre moi ? » Mais ça ne l’était pas tant que ça fina­le­ment et cette victoire a même long­temps été ma carte de visite dans ma vie après le tennis. 

Vous n’aviez donc pas la langue dans votre poche. C’est d’ailleurs pour ce trait de carac­tère qu’on vous a surnommé « la McEnroe du tennis féminin ». Comment preniez‐vous cette comparaison ?

Nous n’avions pas exac­te­ment le même palmarès quand même (rire). Après c’est vrai que j’étais une gauchère avec un jeu porté sur l’attaque et un très mauvais carac­tère sur le terrain. Un carac­tère qui m’a d’ailleurs valu pas mal d’amendes. 

Après des débuts précoces à 17 ans, vous avez décidé de mettre fin à votre carrière à l’âge de 23 ans et de reprendre vos études. Pourquoi avoir arrêté si tôt, vous êtes‐vous rendu compte que vous ne vouliez pas faire du tennis votre métier ? 

Je ne me suis jamais préparée à être joueuse de tennis profes­sion­nelle, je l’ai juste vécu. Et quand le doute a commencé à s’installer, je me suis alors mise à douter du fait que je puisse atteindre le Top 10 ou même le Top 20, ce qui était à l’époque mon aspi­ra­tion. Et j’ai fina­le­ment décidé d’arrêter et de me tourner vers la reprise d’études.

Vous vouliez côtoyer les sommets… Beaucoup souli­gnaient votre fragi­lité mentale, pensiez‐vous ne pas être capable de vous satis­faire d’une carrière de « second plan » ?

Quand j’ai intégré le Top 60, j’ai visé le très très haut niveau. Mais pour y parvenir, il faut y penser 24 heures sur 24 et ne jamais cesser d’y croire. Et ça n’était pas mon cas. Dès que vous commencez à douter, c’est diffi­cile. Si j’ai pris cette déci­sion, c’est peut‐être aussi que je n’avais pas tout ce qu’il fallait. Je pensais fran­che­ment que je n’avais pas les armes. J’étais déjà réputée très émotive sur le circuit et je n’ai pas su vaincre ma fragilité.

Une fois hors‐circuit et un diplôme de marke­ting et publi­cité en poche, vous avez enchaîné les sociétés (dont un passage chez IMG avec des respon­sa­bi­lités dans l’organisation de l’Open 13). Aujourd’hui, vous travaillez pour Lagardère Unlimited. Comment en êtes‐vous arrivée là ?

Je me suis long­temps épanouie dans le milieu de la commu­ni­ca­tion et du marke­ting avant de me rappro­cher du sport. L’histoire vous rattrape toujours et la mienne passe par le sport. J’ai toujours été épanouie avec les tâches qui m’ont été confiées. Aujourd’hui, ma mission chez Lagardère Unlimited est de déve­lopper de nouveaux évène­ments spor­tifs en France. C’est un chal­lenge très intéressant.

Vous coopérez en paral­lèle avec la FFT, quelle est la nature exacte de votre rôle ?

J’assiste aux réunions du comité direc­teur qui ont lieu une fois par mois. Je fais partie d’un groupe de travail axé sur la communication.

Les dernières années semblent confirmer une certaine perte d’intérêt pour le tennis féminin. Est‐ce pour inverser la tendance que vous travaillez ? 

En partie oui. Il y a deux aspects déci­sifs : ce qu’on propose en matière de produits tennis­tiques et les moteurs dont on dispose. Lorsqu’on a des numéros un fran­çaises très média­tiques comme on en a eu avec Amélie Mauresmo, ça aide énor­mé­ment. Les grosses loco­mo­tives jouent un rôle essen­tiel dans le déve­lop­pe­ment du sport. Il y a des diffi­cultés dans les clubs dues à une désaf­fec­tion du public féminin. Nous travaillons pour trouver une solu­tion à ce problème.

Vous parlez de loco­mo­tives. La numéro un fran­çaise actuelle, Alizé Cornet, en est‐elle une ? 

Oui, c’en est une. C’est sûr qu’elle n’a pas le même palmarès qu’une Amélie Mauresmo donc elle est un peu moins connue et moins présente média­ti­que­ment mais c’est une vraie locomotive. 

Sur un plan plus personnel, quels rapports entretenez‐vous avec le tennis dorénavant ?

Je joue toujours au Tennis Club de Paris, même si j’ai arrêté la compé­ti­tion. Pour moi, le tennis a été l’école de la vie et je pense que c’est un sport qui allie beau­coup de choses : ça forge, ça apprend à connaître son corps et ses limites. Le tennis a une dimen­sion très sophis­ti­quée en terme d’école de la vie. 

Lorsque vous vous retournez sur votre carrière un petit peu avortée, avez‐vous des regrets parti­cu­liers ou même des satisfactions ?

Non. Je n’ai ni de regrets ni de satis­fac­tions parti­cu­lières. C’est toujours flat­teur d’avoir un peu de recon­nais­sance mais mon carac­tère ne laisse pas de places aux regrets. J’ai toujours agi à l’instinct. Si j’ai arrêté à cause de mes doutes, j’ai du mal à croire que les choses auraient pu être diffé­rentes, c’était mon destin.