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Forget : « Gagner une semaine »

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Le nouveau direc­teur du tournoi a dressé le bilan de cette édition 2012, et comme il est un bon client, les réponses sont parti­cu­liè­re­ment étayées et intéressantes.

Tu as été gâté pour un premier tournoi.
J’ai tendance à voir la bouteille à moitié pleine. J’ai vu des matchs excep­tion­nels. J’ai vu, pour certains, de belles histoires qui étaient en train de s’écrire. L’avenir nous dira si on est en train d’as­sister à quelque chose de fabu­leux. Il y a aussi des choses qui nous amènent à réflé­chir sur l’avenir du tournoi, nous en avons déjà parlé ensemble. Je n’ai pas été déçu parce que je ne me suis pas ennuyé et je suis rentré dans le vif du sujet très vite. C’est pour cela que je suis là. Quand tu as le privi­lège et la chance de gérer un tournoi comme ce BNP Paribas Masters, comme dans un match, tu es prêt à tout.

Pour un direc­teur de tournoi, c’est une bonne surprise cette finale ou c’est la tuile ? 
Quand tu vois le parcours de certains joueurs tout au long de leur carrière… La première fois que Kuerten est arrivé en finale à Roland Garros, il avait sa chemise jaune et bleu, son bandeau, sa tête ébou­riffée, il faisait des tech­niques parti­cu­lières, tout le monde se disait : « C’est quoi ce Brésilien ? ». Il y a eu, tout au long de l’his­toire, des choses éton­nantes. Janowicz m’a bluffé. Après avoir gagné son deuxième tour, quel­qu’un m’a demandé ce que j’en pensais. Je ne l’avais même pas vu jouer, je ne savais pas même pas quelle tête il avait. Puis, je l’ai vu jouer, ce garçon était bluf­fant du début à la fin. Aujourd’hui, on peut penser que s’il joue comme il l’a fait contre tous les joueurs qu’il a battus, Ferrer ne doit pas être serein. Ferrer, c’est une réfé­rence aujourd’hui. Ferrer, après le Top 4, c’est le gars qui est le plus régu­lier, qui ne perd quasi­ment jamais contre un gars qui est moins bien classé que lui et qui est bon sur terre, en indoor. Il a gagné la Coupe Davis deux fois ou plus. Le parcours des Français a été une nouvelle fois super chouette. Les absents ont souvent tort. Il y a toujours des gars oppor­tu­nistes. On se souvient du parcours de Quevilly en Coupe de France l’an dernier. Ils n’ont pas volé leur place en finale. Jusqu’au bout, on s’est dit : « C’est incroyable ce qui se passe ! ». Ils ont battu des grosses équipes qui les ont peut‐être pris à la légère à un moment donné, tant pis pour elles. Cette équipe a écrit une belle histoire. Quand je vois ce géant tomber à genoux et avoir des larmes, j’ai la chair de poule. Cela me procure quelque chose. C’est beau de voir des gars qui se disent : « Qu’est‐ce qui m’ar­rive ? Je réalise un rêve de gosse ». On peut parler du forfait de certains qui étaient blessés, tant pis pour eux. J’ai envie de penser que ce n’est pas anodin ce qui se passe là. Mika nous a fait rêver, ça s’est arrêté en demi‐finale. Dommage, il a été battu par plus fort que lui. Pendant un set hier, c’était le tennis que tout le monde aime, une oppo­si­tion de style avec un atta­quant, un super défen­seur. On a battu le record cette année en termes de billet­terie. Les gens, dans la salle, ont vu des choses formi­dables. C’est ce que j’ai envie de retenir. Certes, des garçons ont mal joué. Je pense que j’ai eu un peu de malchance en tant que direc­teur de tournoi, avec les troubles gastriques de Roger Federer, peut‐être le manque de vigi­lance d’Andy Murray et le forfait de Roger. Tant pis pour eux. Et malgré tout, dans cette salle, il s’est passé des choses très chouettes. Voilà que comment je vois les choses aujourd’hui.

Tu n’as pas flippé en début de semaine, honnê­te­ment, avec Federer, puis Djokovic ?
Forcément. En général, je suis un peu inquiet. Il m’ar­rive de me ronger les ongles. En Coupe Davis, quand j’ai hésité entre Gilles, Jo, Richard et Gaël, j’ai passé quelques nuits blanches. Quand des gars ne sont pas bien, ne peuvent pas s’en­traîner, voient le médecin plusieurs fois, on se dit : « Non, il ne va pas lui aussi déclarer forfait ! ». Quand tu es direc­teur de tournoi, cela fait partie du jeu. J’ai parlé avec Jean‐François Caujolle il y a quelques jours, je lui ai dit : « Je ne sais pas si je vais avoir la même finale que toi l’an dernier ». Il m’a répondu : « J’ai mis 5 ans à l’avoir, la mienne ». On n’a pas toujours la finale que l’on imagine au début. Ceux qui sont sur le court aujourd’hui, leur place en finale, ils l’ont bien méritée.

Cette héca­tombe des cadors cette semaine va être consi­dérée comme un coup de malchance ou des choses struc­tu­relles vont se mettre en place pour 2014 ? C’est possible de faire quelque chose ou vous allez juste vous dire : « Ce n’était pas de chance cette année, on va la tenter la prochaine fois ? ».

On a eu un peu de malchance, on ne va pas le nier. Pour autant, je vais à Londres la semaine prochaine pour conti­nuer de discuter avec les diri­geants de l’ATP, les joueurs aussi. Les joueurs ont souhaité avancer le Masters pour avoir une fin de saison plus longue et pour parler de l’avenir. Je sais que certains sont conscients que ce qui s’est passé cette année, ce n’est pas ce qu’ils avaient imaginé, même au niveau des joueurs. Je sais que Brad Drewett et les diri­geants de l’ATP en sont aussi conscients. Il faut préparer l’avenir.
La bonne nouvelle, cela a été la billet­terie qui a été très bonne. Tant que les gens montrent un réel intérêt malgré les défec­tions de certains et les défaites d’autres, cela prouve que ce BNP Paribas Masters a les reins solides et que le tournoi tourne bien. Nous allons conti­nuer de défendre les inté­rêts de notre tournoi et d’es­sayer de trouver la meilleure place. Vous avez entendu parler du futur calen­drier de 2014, peut‐être même de 2015. Il semble­rait que ce futur calen­drier risque d’être repoussé, ce sont des rumeurs. Nous suivons cela de très près. Ce sont les joueurs et l’ATP qui sont maîtres de ce calendrier.

La saison a été raccourcie, on peut dire que c’est légi­time à cause de la fatigue mais dans le même temps, ces joueurs orga­nisent des tour­nées exhi­bi­tion au Brésil ou autre en novembre ou décembre. N’y a‑t‐il pas un risque que Bercy finisse par être le dindon de la farce ?

C’est un des argu­ments dont on va parler avec les diri­geants de l’ATP. Que les joueurs jouent des exhi­bi­tions, cela ne me dérange pas. Mais il ne faudrait pas qu’à l’avenir, le tournoi puisse être péna­lisé alors que paral­lè­le­ment, des joueurs font des exhi­bi­tions. Ils en font toujours mais une exhi­bi­tion n’a pas la même inten­sité, ce n’est pas aussi diffi­cile psycho­lo­gi­que­ment. On peut imaginer que les gars s’amusent, jouent des matchs de manière très tran­quille. Quand Federer vient ici, c’est pour gagner le tournoi. S’il ne va pas en finale, il consi­dère que c’est une contre‐performance. Cela demande une prépa­ra­tion, une fraî­cheur physique, un combat de chaque instant. On se souvient d’ailleurs qu’il avait perdu contre Julien Benneteau il y a deux ou trois ans. Il n’y a pas de match facile dans un tournoi comme celui‐là. Dans un Grand Chelem, sur 15 jours, Nadal ou Federer ont parfois, pendant deux ou trois tours, des matchs rela­ti­ve­ment simples et ils récu­pèrent un jour sur l’autre. Quand ils arrivent ici, il faut être très percu­tant tout de suite. C’est normal que l’on essuie ce genre de ques­tions et on va main­te­nant aborder ces problèmes et on va préparer l’avenir.

Tu es d’ac­cord qu’en­chaîner en deux semaines, Bercy et les Masters, c’est injouable pour Bercy ?

Je pense que ce n’est pas injouable.

Je parle des deux semaines collées.

Ce n’est pas injouable. Techniquement, c’est faisable. Quand Roger joue Bâle et qu’il a deux matches diffi­ciles, il est touché et en plus à 31 ans, c’est plus diffi­cile que quand on en a 22 pour enchaîner. Novak l’a fait lors­qu’il est arrivé le mercredi avant ce BNP Paribas Masters et à Roland Garros et qu’il s’était entraîné, il était frais et reposé dans son esprit, on voyait bien qu’il était venu ici pour aller loin. Tu voyais bien qu’il était venu ici pour aller loin. D’ailleurs, Londres a repoussé sa finale au lundi puisqu’eux aussi commen­çaient un jour plus tard.
Techniquement, c’est faisable. Quand tu vois les résul­tats ici de Novak, qui n’était pas très bien physi­que­ment pas pour des raisons tennis­tiques, et Murray  qui a fran­che­ment manqué de vigi­lance dans un moment crucial du match, tu ne peux pas empê­cher les gens de se dire : « est‐ce que pour autant ce n’est pas la proxi­mité de Londres qui fait qu’il n’a pas été vigi­lant ?». Je ne peux pas empê­cher les gens d’avoir cette réflexion. Une nouvelle fois, je pense que, physi­que­ment, c’est faisable, même si, paral­lè­le­ment avec l’ATP, je vais dire que des gens se posent cette ques­tion et  qu’il faudrait être vigi­lant par rapport à ce qu’il s’est passé là. Je devais défendre l’in­térêt de mon tournoi.

Vas‐tu te battre auprès de l’ATP pour rega­gner cette semaine entre les deux ?
Oui.

Cela veut dire que février, c’est oublié ?
Bien sûr que non. Dès que les joueurs et l’ATP ont suggéré l’éven­tua­lité de changer le calen­drier… Aujourd’hui, une vraie réforme impor­tante est entre­prise par l’ATP pour déplacer une tournée sud‐américaine, placer Bercy en février, faire une tournée en indoor après l’Open d’Australie, avec Rotterdam, Marseille et Montpellier. Beaucoup de joueurs sont très favo­rables à ce genre de choses, et notam­ment parmi les meilleurs. Des joueurs de terre battue s’y sont opposés et l’ATP souhaite avoir une majo­rité de joueurs d’ac­cord. Ils ne peuvent pas aller au clash avec les joueurs si plus de la moitié d’entre eux y sont opposés. Quand on nous a évoqué cette  éven­tua­lité, j’étais le premier ravi. Cela reste quelque chose  que l’on défend et soutient. Si cela ne devait pas  être le cas en 2014, on aime­rait retrouver cette semaine tampon  parce que je pense que ceux qui voudront jouer Bâle  ou  Valence, et je pense à David Ferrer qui a gagné à Valence et qui est ici en finale et jouera proba­ble­ment son meilleur niveau à Londres, s’il y a une semaine off entre nos deux événe­ments, je pense que ce sera un souci de moins pour moi et vous quand on verra des matches particuliers.

Tu préfères février et si cela ne peut pas se faire remettre la semaine entre les deux ? Sinon, quand saura‐t‐on quand l’ATP déci­dera de la date ?
Je ne peux pas répondre. Je pensais que ce serait annoncé main­te­nant. Cela n’a pas été le cas. Je suis comme vous. Je ne suis pas dans le secret des dieux. J’entends des rumeurs et elles arrivent à vos oreilles pas forcé­ment bien plus tard. Vous avez eu, comme moi, des échos selon lesquels ils allaient essayer de gagner du temps. Si tel était le cas, en prio­rité, je vais essayer de tout faire pour que l’on puisse récu­pérer cette semaine. Surtout, et je le répète, certains joueurs se sont rendu compte aujourd’hui que cela pouvait prêter,  à un moment donné, à confu­sion, ces résul­tats ici dans ce tournoi.

Quitte à avancer Bercy d’une semaine et rater la conco­mi­tance avec les vacances scolaires, tu es prêt à l’avancer, si possible, pour qu’il y ait la semaine tampon ?
Non, parce qu’a­près tu es obligé de déplacer tout le monde d’une semaine, Bâle et Valence, tu te rapproches de l’Asie. Après, Bâle  et Valence vont hurler. Bâle, Roger y sera peut‐être opposé aussi. Chacun essaie de tirer les marrons du feu.

Tu imagines plus Bercy rester là et gagner la semaine ?
Il me semble, et cela n’engage que moi, qu’il est moins compliqué de remettre l’ATP Tour Finals là où il était l’année dernière que de serrer tout le monde. On manque clai­re­ment de semaines.


Comment peux‐tu convaincre les joueurs de terre ? C’est peut‐être cela l’axe de travail ?

Ce n’est pas à moi de le faire.

Si eux ne  le font pas ?
C’est ce qu’ils essaient de faire. S’il y a aujourd’hui un peu d’hé­si­ta­tion de leur part, c’est parce qu’ils se disent que peut‐être, en amont, ils n’ont pas suffi­sam­ment discuté avec certains d’entre eux pour les convaincre. Souvent, tu dis aux joueurs un truc et ils te disent « pour­quoi pas » et quand ils se rendent compte que cela va se passer, ils ne sont plus d’accord. C’est un travail d’in­for­ma­tion à effec­tuer. Je crois savoir que les direc­teurs de ces tour­nois seraient plutôt favo­rables à l’idée d’aller en décembre. Après, c’est un problème avec certains joueurs. Ils seraient obligés de repartir en Amérique du sud en décembre parce que certains iraient faire des points là‐bas et même s’ils n’ont pas envie de jouer, les autres y allant, ils iraient aussi pour ne pas se faire distancer au clas­se­ment. Voilà les enjeux de cette réforme.


Par rapport aux travaux qui devraient être mis en route à Bercy, cela va peut‐être compli­quer la tâche ?

Certes, ces travaux sont un peu contrai­gnants en termes d’or­ga­ni­sa­tion. Mais le palais omni­sports de Paris Bercy est prêt à faire son possible pour qu’on ne soit pas péna­lisés dans ce calen­drier. On ne peut pas mettre des travaux en place tant qu’on ne sait pas où on va aller et si on va être déplacé et à quel moment de l’année il va l’être. Pour l’ins­tant, si on reste au mois de novembre, les travaux sont orga­nisés de telle sorte à ce que le tournoi puisse se dérouler tout le temps, à une semaine près, à cette époque de l’année. Ils l’avaient d’ailleurs fait dans cette optique. Si on doit changer, une fois que ce sera  arrêté, on verra avec eux. Ils feront le maximum pour nous arranger.


Toi qui as été joueur,  n’as‐tu pas l’im­pres­sion, main­te­nant que tu es de l’autre côté de la barrière, qu’ils se tirent parfois une balle dans le pied ?

Quand tu regardes l’en­semble des joueurs, certains ont un certain âge et de la bouteille, d’autres sont jeunes, un peu fous‐fous et ont parfois des compor­te­ments exces­sifs, mais c’est ce qui fait la richesse de ce tour. On ne veut pas des joueurs lisses et faire le reproche qu’on a pu faire à certains. J’ai été joueur aussi. J’ai pu, à certains moments de ma carrière, émettre des propos qui n’étaient pas forcé­ment très objec­tifs et lucides. Notre rôle, à nous direc­teurs de tournoi et diri­geants de l’ATP, est, par de multiples contacts et discus­sions avec eux, de s’as­surer que le message passe bien. Quand un joueur avance des argu­ments, on doit pouvoir lui dire : « je vois où tu veux en venir, mais si tu fais tel genre de chose, voilà ce que cela peut engen­drer comme problème ». C’est leur faire entendre que ce que l’on est en train de mettre en place, c’est ce qu’il y a de mieux pour le tour. D’ailleurs, Brad Drewett, qui est un ancien joueur, et Richard Krajicek sont des gens qui connaissent bien le circuit. Cela doit se faire de manière intel­li­gente pour que, avant tout, le tennis soit préservé. Les joueurs de terre, le mec qui est 100 ATP, le numéro 1 mondial, tous ces joueurs ont des inté­rêts diver­gents. Les diri­geants de l’ATP doivent s’as­surer aujourd’hui qu’ils font les bons choix pour le tennis dans les 5 à 10 prochaines années.

On n’en est pas encore là mais si jamais le tournoi était déplacé en février, que les travaux posent problème, dans quelle salle pourrait‐on éven­tuel­le­ment accueillir le tournoi ?

Aujourd’hui, j’ai­me­rais avoir ce problème. Certes, ce serait ennuyeux. On travaille­rait d’arrache‐pied avec la Mairie de Paris et le palais omni­sports de Paris pour voir comment aplacer les travaux. Seraient‐ils faits en deux temps ? Pourrait‐on quand même faire l’édi­tion même si la salle n’était pas complè­te­ment terminée, quitte à sacri­fier des places ? Je n’en sais rien, je dis n’importe quoi. On essaie­rait de trouver des solu­tions. Ce serait une bonne alter­na­tive. Je ne peux pas te dire oui et mettre la charrue avant les bœufs. S’il fallait envi­sager une année quitter ce palais des sports pour aller ailleurs, on le ferait. Je pense que le jeu en vaut la chan­delle. Peut‐être que dans un mois, on en saura plus.

Il faudrait que ce soit en région pari­sienne.
On n’en est pas encore là aujourd’hui.

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