Après quelques interviews accordées principalement à la télévision espagnole, Rafael Nadal est arrivé très décontracté à la traditionnelle conférence de presse d’avant‐finale. Sentiments sur le tournoi, sur la confrontation avec Federer, tout y est passé. Il est à noter que son adversaire suisse, lui, ne se prêtera pas à l’exercice…
Vous vous êtes déjà rencontré 24 fois avec Roger, y a‑til certains matches qui vous ont laissé des souvenirs inoubliables, ou pour lesquels vous avez de bons souvenirs ?
On a joué beaucoup de matchs fantastiques, la finale de Rome et celle de Miami en 2005, Rome c’était en 2006, la finale. Et puis, aussi bien sûr, la finale de Wimbledon, en Australie aussi. Il y a tellement de matchs importants pour lui et pour moi, pour notre carrière… Beaucoup d’émotions à la clé, lors de ce genre de match, et c’est pour cela que ces matchs sont toujours très particuliers. A chaque fois, nous jouions ces matchs lorsque nous étions soit respectivement numéro 1 ou numéro 2, ou le contraire, numéro 2 et numéro 1 ; c’est pourquoi ces matchs sont particulièrement spéciaux.
Ca vous a surpris de voir que c’était Roger à nouveau ? Et que pensez‐vous de son match d’hier, son niveau de jeu ?
Non je n’ai pas été surpris ; vous, vous êtes plus surpris que moi, j’imagine, c’est certain ! Nous savons que Roger joue bien. Selon moi, sa saison est bonne, il n’a perdu que contre Novak, en Australie, à Dubai, également Indian Well’s contre moi, puis Miami, Madrid contre moi, à Doha aussi. Son année est plutôt bonne. Il est impossible, toutes les semaines, de jouer son meilleur tennis. Ce que Roger a fait dans le monde du tennis est quelque chose que personne d’autre ne pourra refaire. Aucun autre joueur aujourd’hui n’est en mesure de faire ce qu’il a fait. C’est un joueur fantastique, ce n’est pas une surprise pour moi. Il joue tellement bien ! Et c’est toujours un honneur pour moi de jouer contre lui. Ce n’est pas une surprise de le voir à nouveau en finale d’un Grand Chelem.
Est‐ce‐que pour vous cela change la façon dont vous voyez la finale maintenant que c’est contre Roger, et non contre Novak ? La façon dont vous l’envisagiez ?
Eh bien c’est un match un tant soit peu différent, c’est vrai. Mais cependant, je sais que je dois trouver mon meilleur style tennistique contre lui, parce qu’il joue très bien, notamment hier, c’était fantastique. Ca lui a sans doute donné un peu plus de confiance. Il le sait, il a joué très bien pendant tout le tournoi, mais après la victoire d’hier, il doit se sentir particulièrement en confiance. C’était un match fabuleux hier qu’il a joué, fabuleux à voir également selon moi. Je me suis beaucoup amusé à regarder ce match. Donc, je connais très bien Roger, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, il va être à nouveau agressif. Je vais essayer de jouer des balles longues, je vais essayer d’être constant, et d’être agressif lorsque je pourrai saisir cette occasion.
Si vous comparez vos sentiments aujourd’hui par rapport à d’autres finales, les années passées, y a‑til des différences ou pas ?
Chaque année est différente, donc non, je ne peux pas faire ce genre de comparaison, je ne peux comparer toutes les années, puisque chaque année est différente. Mais en 2008, c’est là où je me suis vraiment senti en pleine confiance, parce qu’en 2008, je me sentais jouer vraiment au meilleur de ma forme. Et en ce qui concerne les autres finales, vous savez que vous jouez contre les meilleurs joueurs du monde. Chacun de ces adversaires est très bon, ça va être la quatrième fois que je fais ça contre Roger, et vous savez que quand vous jouez contre Roger, vous pouvez gagner, c’est vrai, mais vous avez beaucoup aussi de possibilités de perdre. Il faut accepter ces deux aspects, donc c’est là que vous essayez de sortir votre meilleur tennis. Et on va voir ce qui se passe !
Et qu’en est‐il des balles également ?
Les balles ? Tout le monde a beaucoup parlé des balles, c’est vrai, parce que c’est une nouvelle marque de balles. Mais ces balles, selon moi, ressemblent beaucoup à celles que nous avions l’année dernière. Ces balles sont bonnes, très bonnes, donc, non, ce n’est pas à cause des balles qu’un joueur va gagner ou va perdre, pas du tout !
Il va peut‐être pleuvoir demain, si c’est plutôt humide, pensez‐vous que c’est un avantage pour Roger ou pas ?
Je préfère toujours lorsque le soleil brille, et lorsque la balle rebondit très haut, lorsque les balles sont liftées. Pour moi, pour mon jeu, c’est mieux si la balle est rapide, et si les rebonds sont très hauts. Si par contre il pleut, s’il y a des nuages, dans ce cas‐là, en effet, les balles rebondissent moins. Ca peut en effet être peut‐être un avantage pour lui, c’est vrai. Mais bon, franchement, je ne peux pas contrôler le temps ! Si c’est de la pluie, je me dirai que c’est bon pour moi, et si c’est du soleil, je me dirai que c’est bon pour moi aussi. Ce qui compte pour moi, c’est penser positivement, je ne peux rien contrôler côté temps.
Vous avez vu le match d’hier, la plupart des gens disent que ce match est à la hauteur de celui que vous aviez joué à Wimbledon.
C’était un très beau match d’un point vue tennistique. Les deux ont joué un niveau très haut en faisant des points très spectaculaires, une qualité de balle extraordinaire. Quand on le voit à la télévision, cela change un peu, on n’a pas la même appréciation qu’en direct. Il a eu un jeu de balles excellent. Je ne pense pas que l’on puisse comparer une finale de Wimbledon à une demi‐finale. Nous parlons de qualité de tennis. Je ne sais pas si c’était mieux hier ou à Wimbledon. Je pense qu’il doit y avoir beaucoup plus d’éléments à prendre en compte qu’uniquement un Grand Chelem. À Wimbledon, il y avait bien d’autres choses en jeu. Après avoir été deux fois de suite en finale, j’avais perdu. Si je gagnais, on savait que c’était une grande occasion pour moi de revenir n°1 après avoir été pendant 3 ans le n°2, derrière lui. Tous les problèmes de la pluie, de l’obscurité à la finale du match. Hier, la question de l’obscurité est revenue sur le tapis mais au niveau tennistique, je pense que cela a été un excellent match. Si on prend dans sa globalité, je ne pense pas que l’on puisse arriver à cette condition mais c’est mon opinion.
Dans les cas où vous êtes mené au score parce qu’il y a du vent ou à cause des conditions climatiques ou parce que l’atmosphère est très lourde, pensez‐vous que Federer endure mieux la souffrance que toi ?
Très sincèrement, quelqu’un qui a 16 Grands Chelems, et cela fait 1 000 ans qu’il est n°1 ou 2, qui a été le meilleur joueur de l’histoire, qui a battu tous les records, penser qu’il n’a pas d’endurance, malgré tout son talent et malgré le jeu qu’il peut déployer, je pense que c’est une énorme erreur. Même si un joueur joue très bien, même si c’est un joueur excellent, et il est l’un de ces joueurs, il y a toujours des problèmes. Il a surmonté bien des problèmes, bien des conditions adverses. Affronter les problèmes et les surmonter, bien entendu, est à la portée d’un joueur de ce niveau. Moi, je suis un joueur qui a l’habitude d’endurer la souffrance, qui a supporté dans le passé des situations adverses très dures. Cela a toujours été le cas. Moi aussi, je suis un battant.
Vu les résultats entre les deux sur terre battue et les difficultés que lui donne ton jeu, pensez‐vous que c’est vous qui aurez l’avantage au niveau mental ?
Je ne le pense pas et je ne peux pas le penser, c’est idiot. Tu vas sur un court, tu sais que l’autre peut te déborder à n’importe quel moment parce qu’il a un service spectaculaire, il peut dominer, monter au filet, attaquer avec des coups très forts, peut avoir des coups gagnants exceptionnels. Je ne pense pas que je pourrais avoir un avantage. La seule chose que je pense, c’est que je dois réussir tous mes coups très bien, m’appliquer dans mon jeu, faire des coups parfaits à chaque fois, je multiplierai ainsi les chances de gagner pour lui faire sentir qu’il ne peut pas taper la balle en toute tranquillité.
De votre envoyée spéciale à Roland Garros.
Publié le samedi 4 juin 2011 à 16:49