Le responsable des opérations de modernisation du stade Roland‐Garros a bien voulu faire le point sur le chantier pharaonique dont le nouveau court central est l’un des piliers.
Concrètement, que va‐t‐il rester du court central originel ?
Il est vrai que nous avons dû d’abord démolir pour reconstruire. C’était d’ailleurs la seule façon de respecter les délais. Sinon, nous n’aurions pas pu jouer cette édition. En termes de tribunes, il ne reste pas grand‐chose. En revanche, les sous‐sols ont été conservés. Si l’on devait établir un pourcentage, je dirais que 80 % du stade sera totalement neuf. Nous avons donc réellement livré un nouveau Central, et pas un court relifté, ça c’est une certitude !
Va‐t‐il conserver le même esprit ?
Nous avons décidé de rappeler des éléments fondateurs comme la croix de Saint‐André, le béton brut sur la partie basse, mais comme nous avons utilisé des charpentes métalliques sur le haut, la vue d’ensemble sera forcément différente.
Sa hauteur aussi ?
C’est vrai. On passe de 18 mètres de haut à 31 mètres. Ce court central prendra donc plus de place visuellement, il sera plus massif, en somme le vaisseau amiral du nouveau stade.
C’est un vrai changement !
Il faut vivre avec son temps. Il sera proche du court central de Melbourne en termes de volume global. La pente des tribunes est plus abrupte que l’ancienne, mais on a veillé à ce que de chaque coin du stade on puisse suivre correctement ce qu’il se passe sur le court. Cela a été une idée fixe lors de la conception.
Réaliser tout cela en si peu de temps, c’est une véritable prouesse technologique…
Nous n’avions pas beaucoup de marge, c’est certain. Nous avons été aussi un peu épargnés par les surprises liées à un chantier de cette dimension. Tout cela a été possible grâce à notre méthode de construction. Tous les éléments ont été fabriqués à l’avance puis assemblés sur le site, l’inverse n’aurait pas été viable. Mais il est clair que cela a été une course contre la montre et que nous avons dû remettre d’autres ouvrages à plus tard, comme le centre de presse par exemple.
Pour vous, cela a dû être un stress incroyable !
Quand on sait ce que Roland‐Garros représente, il est évident que c’est une lourde tâche, notamment si cela ne se passe pas bien. Il y a aussi la volonté de confirmer que notre choix de rester à Paris est le bon, que ce nouveau stade sera un écrin qui ne ressemblera à aucun autre.
En 2020, ce sera l’arrivée du toit. Là encore, il était impossible de faire sans…
Ceux qui expliquent que le toit va dénaturer le jeu sur terre battue n’ont pas pris conscience que notre couverture sera un « parapluie » et que le vent pourra s’engouffrer dans le stade. Ce n’est pas un toit fermé comme sur les autres tournois du Grand Chelem, cela n’a vraiment rien à voir. D’un point de vue sportif, il fallait là aussi prendre en compte l’idée que les droits TV sont une des clés du modèle économique et que priver les ayants droit de tennis à cause de la pluie, c’est un risque que l’on ne pouvait plus prendre, et ce même si seules deux finales en 40 ans se sont jouées le lundi.
L’autre actualité, c’est le court Simonne‐Mathieu, on est presque là sur l’idée d’une œuvre d’art.
C’est vous qui le dites. Étant donné les contraintes qui étaient les nôtres, on est arrivé à un beau compromis. On m’a par exemple posé la question des bancs sur la tribune supérieure, on m’a expliqué que ce n’était pas confortable et un peu désuet. En fait, la raison est architecturale, cela a été construit ainsi pour garder cette idée de transparence des serres. Ceci dit, il est clair que ce court est complètement atypique, unique. Je suis certain que ce sera une belle arène et qu’il remplacera avantageusement dans les cœurs le court numéro 1 qui sera détruit cette année.
On constate aujourd’hui une course au gigantisme. Le Masters 1000 de Miami, qui s’est joué dans un stade de football américain, en est un exemple. Est‐ce une nécessité pour accueillir les champions de tennis et les fans à l’avenir ?
Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que l’idée de proposer des sièges VIP avec des écrans, etc., ce n’est pas très moderne [rires], car aujourd’hui notre écran de tous les jours, c’est notre téléphone. Nous travaillons dans ce sens pour qu’à l’intérieur du stade nos spectateurs puissent partager, se connecter en toute fluidité. Personnellement, je ne sais pas vraiment comment vont évoluer les choses en termes de spectacle, tout cela va tellement vite.
Que voulez‐vous dire par là ?
Nous sommes encore dans un modèle classique de sponsoring et de diffusion à la télévision. Demain, rien ne nous dit qu’un fan ne pourra pas juste payer pour voir évoluer son joueur favori sur un court annexe. On est au début d’une nouvelle ère, dont il va être intéressant de suivre l’évolution.
Publié le mardi 21 mai 2019 à 10:30