Après un début de saison en berne, les questions autour de Roger Federer sont légion. Remportera‐t‐il à nouveau un Grand Chelem ? Redeviendra t‑il numéro un mondial ? Arrivera t‑il à concilier vie professionnelle et vie de famille ?… Le Suisse a pris les devants en accordant une interview fleuve à la Gazzetta Dello Sport avant son entrée dans le tournoi de Rome.
Une défaite contre Kei Nishikori et c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Roger Federer plus au niveau ? Roger Federer trop vieux ? Après tout, il n’a rien gagné cette année et réalise son plus mauvais début de saison depuis 12 ans… Une triste 11ème place à la Race et des performances en dents‐de‐scie. Trouver l’équilibre, ça pourrait bien être le but du Suisse dans cette année 2013. Pour pouvoir s’inscrire dans la durée – il l’a toujours dit -, il faut prendre son mal en patience et ne pas faire d’excès. Que ce soit physiquement, ou pour arriver à gérer une carrière hors du commun avec quelque chose de bien plus important : la famille. Bien sûr le temps du rodage est souvent propice à la défaite. Mais Federer n’est pas mauvais joueur. Il sait que jouer implique de pouvoir perdre, chose qu’il rappelle au journal italien. « Tout ce que je peux faire, c’est essayer de donner le maximum. Si je sors du court en disant : « Je n’ai rien essayé, mais ce match n’était pas important », la seule chose qui prédominera, ce sera la frustration. Mais les gens et mes fans savent que je donne toujours tout. Je ne joue pas forcément comme je le voudrais, mais il n’y a pas besoin de paniquer. L’important, c’est d’accepter les défaites et en tirer des enseignements pour devenir plus fort. Des défaites, il y en a eu tellement, j’ai perdu plus de 200 matches dans ma carrière. A chaque fois, je me suis dit : « Je ne peux pas y croire. Comment ai‐je pu perdre ? Je suis abattu. » Mais dix minutes plus tard, je l’avais acceptée et j’avançais : dans le tennis, les occasions reviennent toujours. C’est beau ! »
Toujours est‐il que le Suisse sera scruté de près par ses détracteurs à Rome, ultime chance de convaincre avant le Grand Chelem parisien. Demi‐finaliste l’an passé, ce n’est pourtant pas le tournoi qui lui réussit le mieux. Au même titre que Monte‐Carlo, c’est le seul Master 1000 qu’il n’a jamais remporté. Mais l’enjeu est ailleurs pour Federer qui avait annoncé que l’année 2013 ne serait pas une course effrénée vers les titres et les records. Lorsqu’on lâche du lest sur les attentes de résultats, une nouvelle facette du tennis peut s’ouvrir à soi. C’est précisément ce qu’a connu Roger. C’était lors de la tournée sud‐américaine. « En Amérique du Sud, j’ai été étonné de ma popularité. Je suis vraiment heureux de voir comment je peux rendre des gens contents. C’est aussi pour ça que je joue encore au tennis. T’arrêter pendant un temps en pensant trop à tes victoires passées, ça peut te freiner. Il faut toujours repartir de zéro. Ce n’est pas parce que tu as gagné par le passé que tu vas toujours le faire. Avec le recul, c’est juste un bonus qui t’aide à être plus relaxé. Ici, à Rome, je ne suis pas déjà en demi‐finale ou en finale, j’ai d’abord un premier tour à jouer, comme tous les autres. Je dois être, dès le début, extrêmement affamé et motivé, autrement les résultats ne viennent pas. Je suis heureux d’avoir encore l’opportunité de jouer au tennis et de montrer mon talent, d’y faire participer le public,de voir le soutien que je reçois quoi qu’il arrive. Parce qu’il n’en a pas toujours été ainsi. J’ai joué sur le court numéro 15 par le passé. Désormais, je suis sur le Central. C’est un privilège. » Car Roger Federer n’est pas quelqu’un qui vit dans le passé. Mais il n’oublie pas non plus d’où il vient. D’où son attachement sans faille à participer au tournoi de Bâle, contre vents et marées. Et même face à son meilleur ennemi, Rafael Nadal.
Mais s’il ne vit pas dans le passé, c’est aussi car il a des projets pour l’avenir. Un peu paradoxal ; car pour quelqu’un qui a tout gagné, cela signifie revivre le passé… Une vraie complexité de l’espace‐temps du numéro trois mondial. « Je voudrais revivre les moments déjà vécus, redevenir numéro un mondial, gagner d’autres Grands Chelems et les tournois auxquels je tiens le plus : je n’en joue plus beaucoup, mais ils sont tous mes priorités. J’aime encore m’entraîner et m’améliorer, je veux encore beaucoup de choses du tennis, mais je dois trouver un équilibre avec ma famille. Je suis très impliqué et, quelques fois, je dois ralentir le rythme. Là, je suis dans un tunnel, tout va vite… Rome, Paris, Wimbledon, l’US Open. »
La famille. Ses priorités. Sinon SA priorité. D’une limpidité de cristal. Le Suisse ne le cache pas : c’est la famille avant tout. Un aspect crucial dans sa vie. Et ce n’est pas la naissance de ses jumelles qui va le contredire, car elle n’est pas étrangère à la baisse d’implication de Federer dans le tennis. Désormais presque aussi célèbres que leur papa, Charlene Riva et Mila Rose ont bientôt quatre ans et nécessitent une attention grandissante. Et Roger se voit surtout comme un père. Rôle qui l’enchante tout particulièrement : « Je pense à les éduquer d’une juste manière : avant, elles étaient seulement des enfants ; aujourd’hui, je leur explique ce qu’elles peuvent ou ne peuvent pas faire. C’est très prenant et très excitant. Et c’est super de se lever le matin et d’avoir une conversation avec elles. Les gens me disent qu’elles me ressemblent… J’espère que ce n’est pas le cas, sinon, cela veut dire qu’elles ne sont pas si mignonnes que ça (rires) ! Elles sont gentilles, curieuses, actives et ont plein de choses positives. »
Alors la vraie question qui reste à se poser après ça : Roger Federer, le meilleur joueur de tennis de tous les temps, l’homme de tous les records, peut‐il cohabiter avec Roger Federer, le père attentionné ?
Publié le lundi 13 mai 2013 à 17:10