À la vue de la photo d’illustration vous vous direz peut‐être la même chose que nous : la question d’un éventuel dixième titre de Rafael Nadal à Roland Garros relève de la prise de tête. Cependant, nous avons essayé d’y répondre dans le numéro 46 de notre magazine Grand Chelem venant tout juste de sortir, tout frais tout beau. Alors, entre pro‐Nadal anti‐Nadal et étrangers à ce débat, accrochez vos ceintures, car les arguments sont contraires mais finalement tous recevables…
OUI
Un format de jeu favorable
Si Rafael Nadal a autant de succès à Roland Garros depuis dix ans, c’est, notamment, grâce au format de jeu du tournoi. Un format qui lui sied parfaitement, à commencer par le tableau. Comme dans chaque levée du Grand Chelem, ce dernier est très progressif pour les meilleures têtes de série, dont Nadal fait évidemment partie. A ce titre, l’Espagnol est assuré de ne pas affronter de joueur du Top 15 avant le quatrième tour et de ne pas croiser de membre du Top 8 avant les quarts de finale. Clairement, si le tirage au sort lui est favorable, le préservant des quelques coupeurs de têtes qu’il faut toujours éviter dans les premiers tours, le Majorquin pourra tranquillement monter en puissance. On l’a déjà vu connaître des débuts poussifs dans le tournoi – souvenez‐vous des cinq sets face à John Isner en 2012 – et finir en trombe, retrouvant ses qualités de patron de la terre en demie, puis en finale. Tout indique que le scénario sera identique cette année, d’autant plus qu’en trois sets gagnants, Rafael Nadal aura le temps de réagir et d’installer un combat physique si besoin est. Combat où, on le sait, il excelle toujours.
La confiance accumulée
En 10 ans, Rafael Nadal à Roland Garros, c’est 66 victoires pour une seule défaite. Une seule, face à Robin Söderling, lors de ce mémorable huitième de finale du 30 mai 2009. Sur les 10 éditions qu’il a disputées, l’Espagnol n’a donc vécu qu’une fois la douloureuse sensation de la déroute, affichant ainsi un ébouriffant taux de 98,5% de matchs gagnés Porte d’Auteuil. Comment, dans ces conditions, ne pas arriver confiant sur les courts de Roland Garros ? Comment ne pas ressentir ces incroyables ondes positives, cette impression qu’il ne peut rien vous arriver sur ce court Philippe Chatrier qui vous a si souvent souri par le passé ? Rafael Nadal est un garçon émotif, bourré de doutes, mais ô combien superstitieux. Le fait d’avoir tant réussi à Roland Garros le rassurera forcément, même si sa saison sur terre n’a pas été aussi fructueuse qu’il l’aurait souhaité.
Une mauvaise saison sur terre ? Et alors !
Cet avis, c’est également celui de Roger Federer, qui connaît mieux que personne son meilleur ennemi. « Pour moi, Rafa reste le favori à Roland Garros, avec Djokovic. Même s’il ne semble pas aussi en forme que les années précédentes, je suis persuadé qu’il sera très difficile à battre. » Et pour cause ! Il y a tout juste un an, Rafael Nadal s’était déjà présenté à Paris après une saison sur terre mitigée. On le disait hésitant, timide, craintif.… Pour quel résultat ? Une magistrale victoire sur Novak Djokovic en finale. Certes, ce n’est plus le temps des fabuleuses saisons de 2006, 2007 et 2008 où, invaincu, l’Espagnol enfilait le costume de grandissime favori. Aujourd’hui, Rafa est sans doute un peu moins fort, moins serein et moins confiant qu’à l’époque. Ses points faibles sont plus connus, plus exploitables, sans doute plus exploités. Mais l’Espagnol demeure, à ce jour, le meilleur joueur de l’histoire sur terre battue.
NON
Parce que Novak Djokovic est l’ogre du circuit
L’inquiétude n’a jamais semblé aussi grande pour Rafael Nadal… Même si Roger Federer affirme que Rafa « est favori », on serait presque tenté de le contredire et, ce, pour plusieurs raisons. Et la première porte le nom du patron actuel du tennis mondial : Novak Djokovic. Le Serbe a remporté tous les titres importants depuis l’ouverture de la saison, à l’heure où nous écrivons ces lignes : Open d’Australie, Indian Wells, Miami, Monte‐Carlo… Une première dans l’histoire. Manifestement, son jeu s’est déjà parfaitement adapté à la terre battue. Le numéro un mondial est, sans aucun doute, le seul joueur capable de rivaliser et de vaincre Rafael Nadal sur un match au meilleur des cinq manches sur l’ocre parisien. Le rapport de force s’inverse et la position de favori penche très clairement en faveur du natif de Belgrade. Son succès en demi‐finale de Monte‐Carlo en est l’illustration parfaite. Mais le principal problème de Rafael Nadal ne s’appelle pas Novak Djokovic. Non, bien au contraire. Le problème se trouve de son propre côté et se résume en deux mots : le doute.
Une fébrilité inhabituelle
Bien que dépassé par Novak Djokovic en Principauté, Rafael Nadal a semblé y reprendre un peu confiance. Mais, face à Fabio Fognini, en huitièmes de finale, à Barcelone, tout s’est écroulé. Rafa est retombé dans sa fébrilité mentale qui le suit depuis le début de la saison. Le fantasque Fabio n’a cessé de l’agresser et de prendre la balle tôt, ne lui laissant aucune marge de manœuvre. Et, quand l’Espagnol a eu trois fois un break d’avance dans le deuxième set, il n’est pas parvenu à le conserver. La conférence de presse qui suivit ce revers fut révélatrice de ses inquiétudes, puisque le nonuple vainqueur de Roland Garros a tenu des propos qu’on n’a pas l’habitude d’entendre dans sa bouche : « La semaine à Monte‐Carlo avait été ma meilleure de l’année, mais, celle‐ci, c’est tout l’inverse. Une semaine très négative. C’est un désastre. Tant que je n’améliorerai pas mon jeu, beaucoup trop en dents de scie pour le moment, je resterai vulnérable. Je suis déçu, car c’est un nouveau coup d’arrêt dans ma saison. »
Un jeu moins percutant
Des doutes qui proviennent également d’un niveau de jeu préoccupant. Depuis le début de la saison, il faut être franc, Rafa ne séduit pas. Ce qui faisait sa force auparavant est devenu inoffensif : son coup droit. Sa fameuse gifle fait moins mal à ses adversaires, la balle tourne moins et manque cruellement de longueur. Lui‐même le reconnaît. « Dans le combat, mes coups qui faisaient mal avant ne font plus la différence. Le revers, bien sûr, mais surtout le coup droit. Dans les secteurs où j’étais fort, je n’arrive plus à faire la différence. »
=> Grand Chelem n°46 en téléchargement gratuit
Retrouvez gratuitement et en intégralité le numéro 46 « Spécial Roland Garros » de notre magazine GrandChelem.. Bonne lecture !
Publié le lundi 18 mai 2015 à 16:24