GrandChelem se penche trop rarement sur des sujets de la pratique du tennis au quotidien. Alors, quand nous avons appris qu’une réforme prévoyait de faire baisser à 15⁄2 le classement requis pour devenir professeur de tennis, nous nous sommes dit qu’il y avait, là, matière à débattre. L’occasion de donner la parole à ces enseignants qui restent parmi les meilleurs témoins de la santé de notre discipline préférée. Notre volonté : prendre le pouls et comprendre les enjeux de cette réforme. Certains sont pour, d’autres contre, mais une chose est sûre : ces changements mettent un coup de projecteur sur une profession qui fait vivre le tennis chaque jour sur tous les courts du territoire. C’est peut‐être là l’essentiel.
Bernard Pestre, le directeur adjoint de la Fédération Française de Tennis, en charge de la formation et qui a conduit la réforme, a répondu à nos questions sans langue de bois. Cette mise au point permet de comprendre ce qui a motivé les changements.
Pouvez‐vous nous expliquer la genèse de cette décision qui a surpris beaucoup d’enseignants ?
« On a fait le constat qu’il y avait une réelle diminution du nombre de candidats aux tests de sélection. Cette baisse était d’environ 15%. Dans le même temps, on a aussi constaté qu’il y avait des zones blanches sur le territoire, des régions où il n’y avait pas d’enseignants, chose qui posait un problème pour le développement de la pratique. Naturellement, nous avons cherché à comprendre. Et nous avons ainsi mis en place des groupes de travail avec la Direction Technique Nationale, le Ministère de la Jeunesse et des Sports, les dirigeants élus de la FFT et l’ensemble de nos cadres techniques dans les Ligues. »
Quelles ont été vos conclusions ?
« Qu’il fallait permettre de postuler à un plus grand nombre de personnes. Logiquement, le plus efficace était de baisser les exigences de classement. Après avoir regardé les chiffres, nous sommes tombés d’accord sur le niveau 15⁄2. »
Avez‐vous subi une pression de la part du ministère pour arriver à cette décision ?
« Non, et c’est très important de le dire. C’est une décision de la Fédération et, d’ailleurs, c’est nous qui avions proposé au ministère de réfléchir à cette possibilité, pas l’inverse. C’est donc un choix stratégique de notre part. »
Cette décision en a étonné plus d’un. Tous les enseignants que nous avons interrogés nous ont confié qu’il y avait, dans un passé récent, une volonté fédérale de hausser les critères de classement. Ils évoquaient le cap de 4÷6…
« Là, c’est une vraie rumeur, car je peux vous assurer qu’il n’en n’a jamais été question. »
Que répondez‐vous à ceux qui affirment qu’atteindre le niveau 15⁄2 est, somme toute, assez facile ?
« Le niveau technique global a évolué. Être classé 15⁄2, ce n’est pas n’importe quoi, on sait jouer au tennis, même si le système, qui dépénalise la défaite, favorise la montée au classement par rapport à ce qui se faisait il y a vingt ans. »
Les enseignants ne disent pas qu’un 15⁄2 ne sait pas jouer au tennis, mais qu’on peut monter 15⁄2 en deux ans si on a certaines capacités. Ils estiment que cela fait court pour avoir le privilège de se présenter aux tests de sélection…
« Les joueurs qui grimpent à 15⁄2 en deux ans de tennis ne sont pas légion. Je comprends qu’on soit attaché au classement 15, le début de la seconde série, mais le changement n’est pas un sacrilège et il faut vivre avec son temps. Les pratiques et les besoins évoluent et ce n’est pas en ne changeant rien qu’on va pouvoir faire bouger les choses, créer une émulation, voire une concurrence. »
Le métier a évolué ?
« Exactement. L’enseignant n’a plus le même rôle. Certains clubs ne sont pas forcément dans une situation économique florissante et l’une des missions de l’enseignant, dans certains cas, c’est aussi d’être un développeur d’activité, un animateur. »
Mais alors pourquoi ne pas avoir créé un autre diplôme lié à cette activité ? Cela existe dans d’autres disciplines…
« C’était une possibilité que nous avons écartée, car nous ne voulions pas créer de Brevet Professionnel. On préfère intégrer cette dimension dans les fonctions du DE (Diplômé d’Etat). C’est un choix politique et stratégique. »
Cela laisse supposer que l’enseignant n’est plus uniquement un technicien…
« Oui, mais dans sa formation, la dimension technique est toujours présente, tout comme celle de chef de projet. Je tiens aussi à rappeler que la France est le seul pays où, pour enseigner le tennis, on doit obligatoirement être diplômé. C’est primordial. D’ailleurs, depuis un certain temps, on ne peut plus se présenter à l’examen en candidat libre. Il faut obligatoirement suivre une formation de 1200 heures minimum, avec 700 heures de cours et 500 heures en club. Comprenez qu’il ne s’agit pas de dévaloriser cette profession, bien au contraire. Nous voulons juste la rendre plus accessible, sachant que le classement n’est qu’un prérequis. Les sélections sont là pour faire le tri. »
Vous devez être conscient que cela va grogner ?
« On est là pour répondre aux interrogations. J’en veux pour preuve un certain nombre de CTR (Conseillers Techniques Régionaux) qui s’étaient opposés à cette réforme et qui, depuis les premiers tests de sélection, sont revenus vers nous et ont changé d’avis. »
Que vous ont‐il dit ?
« Que cela permettait de mettre en place des tests d’entrée plus sélectifs, qu’ils rencontraient plus de profils différents quant à l’approche du métier, des motivations variées… »
C’est donc la solution idéale, ce passage à 15⁄2 ?
« Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. On fera le point dans quelques années et, s’il le faut, on pourra rectifier le tir. »
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Publié le lundi 5 octobre 2015 à 14:45