Au cours d’une chronique écrite pour le Corriere dello Sport, l’ancien 12e joueur mondial, Paolo Bertolucci, invité à réagir au sacre de Jannik Sinner à l’US Open, n’a pas hésité à comparer son jeune compatriote à chaque membre du Big 4 incarné par Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic et Andy Murray.
Une longue chronique que nous avons décidé de vous partager en intégralité.
« Peut‐être que dans vingt ans, lorsque sa carrière sera terminée et, espérons‐le, avec de nombreux trophées du Grand Chelem dans son armoire à trophées, lorsque nous parlerons de Jannik Sinner, nous nous référerons à lui comme aux « Fab Five », en soulignant sa proximité, à la fois technique et en termes de valeurs, avec Federer, Nadal, Djokovic et Murray, les phénomènes d’une génération dorée et, à certains égards, irréprochable. La juxtaposition peut sembler hasardeuse, mais à bien des égards, on peut reconnaître dans le champion de Sesto Pusteria les traits des Quatre Fantastiques qui ont dominé le tennis au cours des vingt dernières années.
Il est indéniable, par exemple, que le langage corporel toujours proactif dans les phases les plus délicates du match, la détermination farouche à ne pas abandonner un seul point, la froideur presque inhumaine avec laquelle il parvient à tirer le meilleur parti de son jeu lorsque le point compte le plus, le rapprochent du meilleur Rafael Nadal. Tous deux, bien qu’ils l’expriment de manière différente, sont des combattants exceptionnels qui savent s’enthousiasmer lorsque la situation sur le court semble présenter des énigmes insolubles, tout en conservant un sang‐froid qui leur permet de ne pas gaspiller inutilement leur énergie nerveuse.
Si, par contre, on regarde un aspect plus purement technique, il n’est pas difficile de déceler dans la glissade vers la gauche pour frapper le revers à deux mains avec une extension maximale, une projection de Novak Djokovic. Le Serbe possède également la capacité de lire à l’avance le service de son adversaire, ce qui lui permet dans la plupart des cas de préparer une réponse qui mettra le frappeur en difficulté : ils sont sans aucun doute les meilleurs interprètes de ce fondamental sur le circuit.
Lorsque Jannik faisait ses premiers pas, beaucoup identifiaient dans sa propension constante à pousser de l’arrière, la balle accélérant et allant plus vite à chaque échange, une similitude avec Murray. Sinner, cependant, tire plus fort que l’Écossais et fait preuve d’une attitude plus agressive pour rebondir. En fait, comme c’était le cas avec Sir Andy, il faut apprécier le fait qu’il choisisse de temps en temps de casser le rythme en utilisant la balle courte, une arme que Jannik est en train d’affiner et pour laquelle il fait preuve d’une confiance accrue à chaque tournoi.
Mais Sinner n’est pas seulement un concentré de qualités techniques : avec son attitude toujours mesurée, ses déclarations jamais déplacées, son empathie envers les autres, il a gagné une sorte de passeport émotionnel universel qui le fait apprécier sous toutes les latitudes. Il est le champion du peuple, et en ce sens on peut voir en lui un peu de Roger Federer et de son charme exceptionnel sur et en dehors du court. »
Publié le mardi 10 septembre 2024 à 19:51