AccueilInterviewsCedric Mourier: "Une finale Federer-Nadal c'est un moment spécial"

Cedric Mourier : « Une finale Federer‐Nadal c’est un moment spécial »

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Arbitre inter­na­tional, passionné, Cédric parcourt la planète, avec une ligne de conduite impla­cable, ne jamais laisser de traces, être le plus discret possible et éviter le couac qui ferait basculer une rencontre. 

Arbitre, joueur du circuit même combat ?
C’est un métier d’image, et même si on voyage, si on est tout le temps au contact des joueurs, on n’est pas leurs amis, vous ne me verrez jamais discuté avec eux, c’est impos­sible et c’est logique, d’ailleurs on ne fait pas ce métier pour cela. Les joueurs sont simple­ment des collègues de travail. Imaginez si vous me voyez rire et plai­santer avec un joueur, il y aura forcé­ment des suspi­cions, donc on se dit bonjour rare­ment plus. Si vous voulez des scoops ou des histoires drôles faut aller inter­viewer les kinés (rires).


Vous êtes quand même forcé­ment proche des Français ?

Oui un petit peu, enfin ce que je veux dire c’est que l’on parle la même langue donc forcé­ment on va plus faci­le­ment vers eux, mais je le répète on est pas amis, et on le sera jamais.

Pourquoi on devient arbitre alors ?

Pour vivre des moments forts, et surtout parce que l’on aime ce sport par‐dessus tout, on est aussi des vrais passionnés de tennis, c’est impor­tant de le souligner.

Et des moments forts, c’est quoi ?
Une finale Federer‐Nadal, j’en ai arbitré quatre, et ce sont souvent des moments impor­tants de l’histoire du tennis. On est très concentré, on se fait le plus petit possible, on se dit que l’on vit un moment impor­tant de l’histoire, que l’on pourra en parler à ses enfants, que Nadal/Federer c’est le top du top. 

Du haut de sa chaise, au chan­ge­ment de côté, on essaye peut‐être aussi de savoir qui va pendre le dessus !
Mais bien sûr que non, on est pas spec­ta­teur mais acteur, donc on ne doit pas se disperser. Observer les joueurs savoir qui a un coup de mou, ce n’est pas dans nos attri­bu­tions, surtout pas. Ce serait une vraie faute profes­sion­nelle. On a pas du tout les mêmes sensa­tions qu’un spec­ta­teur. Je dirais que si par exemple on est à 5–5 dans le 5e set à Roland Garros, on prend aussi conscience qu’il faut comme les joueurs sur le court donner le maximum être très concen­trés, et je vous assure que c’est aussi une perfor­mance. Mais quel que soit l’ambiance on est dans notre bulle, et c’est primor­dial d’y rester.

La perfor­mance aujourd’hui a été améliorée avec l’arrivée du Hawk‐Eye ?

C’est certain, mais atten­tion pour un arbitre il faut surtout ne pas penser à cela car autre­ment on est pas vigi­lant. C’est comme les marques sur la terre battue, si on se dit : y’a une marque on verra, on est certain d’être mal embarqué. Pour revenir au Hawk‐Eye, il n’y a rien à dire, c’est positif, seul bémol, que l’on ne vienne pas se plaindre que les matchs ne soient plus aussi chauds que par le passé !

Que voulez‐vous dire ?

Disons, qu’aujourd’hui il n’y plus trop de polé­miques, je me souviens d’un duel entre Moya et Agassi où j’avais beau­coup trans­piré, c’était à Bercy, j’étais jeune, et Agassi à l’époque était un peu turbulent.


C’était un bon souvenir au final ?

Oui et non, les meilleurs restent les trois finales de Roland Garros indé­nia­ble­ment (NDRL : Corretja/Kuerten (2001), Gaudio/Coria (2004), Nadal Federer (2006)). Un vrai abou­tis­se­ment, c’est quand même l’arbitre qui à un moment prononce : Jeu set et match Rafael Nadal, ça ne s’oublie pas. 

Vous aussi avez‐vous l’impression que l’on vit en ce moment un age d’or ?

C’est clair, on ne va pas se plaindre, mais Agassi‐Sampras, c’était pas mal non plus.

La France, comme sur le circuit, semble aussi très bien repré­sentée au niveau arbi­tral, pourquoi ?

La France est un pays de Grand Chelem. Dans tous les domaines du tennis, c’est un gros avan­tage. Cela permet de drainer un peu tout le sport, d’avoir tous les tour­nois de tous les niveaux, d’avoir des futurs, d’avoir des chal­len­gers. Etre un pays du Grand Chelem, ça aide. Dans ma carrière aussi, cela compte puisque j’ai la chance de faire les finales de Grand Chelem. Alors que si j’étais malheu­reu­se­ment Italien ou Allemand, ce serait pas la même histoire. 

Ça veut dire qu’il y a une recon­nais­sance par rapport à l’éti­quette Grand Chelem !

Oui ! La Fédération est fière d’avoir lancé des moti­va­tions au niveau des jeunes arbitres, de les avoir soutenu jusqu’au sommet. C’est plus inté­res­sant pour une Fédération d’avoir un arbitre fran­çais en finale qu’un arbitre étranger. Pour les joueurs, c’est certai­ne­ment la même chose. Roland Garros est hyper impor­tant pour eux. Ça en para­lyse certains, ça en motive d’autres.

Quand tu vas à l’étranger, le fait d’être fran­çais, est‐ce que c’est un label, une qualité ?
Oui, le tennis en France repré­sente le deuxième sport. Forcément, cet impact‐là se ressent à l’étranger. Le fait d’être Français, c’est clair que c’est un avan­tage. En France, on joue sur de la terre battue. C’est une surface très tech­nique. Pour un arbitre, c’est une surface diffé­rente, déli­cate. C’est certain que d’être né, d’avoir fait mes armes sur terre battue a été un avan­tage dans l’ar­bi­trage. Effectivement, pour les gens qui naissent dans des pays qui jouent que surface rapide, il est plus facile de s’adapter de la terre battue que l’in­verse. C’est vrai­ment une tech­nique diffé­rente, au niveau de l’arbitrage cela est un vrai atout.

Par exemple, l’Espagne a beau­coup de joueurs et pas d’arbitres…

Si, mais ils n’ont pas de tour­nois du Grand Chelem. L’Espagne a de bons tour­nois, atten­tion, ils ont Madrid. Mais, c’est 2 ou 3 tour­nois. Non, on a quatre gros tour­nois. On a deux Masters series avec Monte‐Carlo, on a un Masters Series Indoor, un Master Series sur Terre, un Grand Chelem. Aujourd’hui, y a pas meilleure fédé­ra­tion de tennis au monde que la fédé­ra­tion fran­çaise au niveau de l’ar­bi­trage, on a trois badges or, plus un badge Argent, en même temps on a tout mis en place pour arriver à atteindre ces résultats.