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Di Pasquale : « J’ai eu des ailes qui me sont pous­sées dans le do » (1÷2)

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Alors que les Jeux de Rio vont commencer pour le tennis, nous vous propo­sons à nouveau l’ITW que nous avait accordé Arnaud Di Pasquale, il y a 4 ans pour le Magazine Grand Chelem, elle a pas pris une ride. Demain, vous aurez la deuxième partie.


Vainqueur de Roger Federer lors de la petite finale en 2000, à Sydney, Arnaud Di Pasquale, l’ac­tuel respon­sable du haut niveau à la Fédération Française de Tennis est le seul joueur trico­lore médaillé, chez les hommes. Alors qu’il sera le chef de la délé­ga­tion des Bleus à Londres, Arnaud revient, pour Welovetennis/GrandChelem, sur ce qui reste l’expérience de sa vie de cham­pion. Un témoi­gnage émou­vant, une véri­table odyssée. Première partie ici, deuxième partie à suivre cet après‐midi.

Allez, on s’y replonge. On est en 2000, c’est l’été et, logi­que­ment, tu prépares les Jeux…

En fait, avec l’équipe, on est allé faire un stage de prépa­ra­tion une semaine avant le début de la compé­ti­tion. Un stage effectué dans les mêmes condi­tions que celles du tournoi. On savait que d’autres spor­tifs fran­çais allaient se retrouver avec nous, dont des escri­meurs et des boxeurs. On sortait de l’US Open et on enchaî­nait de suite sur les Jeux. Pour nous, il était hors de ques­tion d’être ailleurs qu’au Village Olympique. On a voulu vivre le truc de l’intérieur, avec cette magie que tout ça peut apporter. Nous étions répartis par quar­tiers, avec des bus qui desser­vaient chacun d’eux. C’était énorme. Ces quar­tiers étaient remplis de drapeaux qui étaient affi­chés sur les maisons.

Quelle est la diffé­rence entre les Jeux Olympiques et un Grand Chelem ?
La diffé­rence, c’est la dimen­sion natio­nale, la dimen­sion du drapeau. Tu ressens énor­mé­ment de fierté. La céré­monie d’ouverture était magique. En plus, je n’ai jamais pu jouer la Coupe Davis. Revêtir ce survê­te­ment de l’équipe de France, croiser tous ces athlètes fran­çais, ça a animé ma fierté et nourrit mon ambi­tion comme jamais. J’ai eu des ailes qui me sont pous­sées dans le dos et je me suis litté­ra­le­ment envolé. Je n’ai jamais ressenti de tels senti­ments dans une autre compé­ti­tion. Jamais. La bulle dans laquelle je suis entré, je ne l’ai jamais retrouvée ailleurs. Elle était abso­lu­ment impé­né­trable et j’avais toujours en tête cet objectif : rentrer avec une médaille, coûte que coûte. Je me suis senti investi d’une mission. C’était très fort, vraiment. 

L’hymne, le podium… On sent que tu as vécu quelque chose de fort…
Ce podium, je l’ai eu avec un jour de retard, la petite finale se jouant avant la finale, le lende­main. Je sortais d’une très, très grosse fête, parce qu’il fallait la fêter, cette médaille ! J’étais cuit. Mais je me tenais bien à côté de Kafelnikov (médaillé d’or) et Haas (médaillé d’argent). En termes d’émotions, le moment sur le podium est un peu parti­cu­lier. Les émotions les plus fortes, tu les vis avant, après la balle de match. Tu es envahi par une espèce d’ivresse, de bonheur. Je me rappelle un souvenir précis … J’avais l’air plus bête qu’autre chose (rires). Les gens m’attendent à la sortie du Central, dont le staff et quelques autres spor­tifs, des lutteurs ou des boxeurs – c’était d’ailleurs super sympa de voir ces cloi­sons tomber. Et je ne pouvais pas leur parler. Je rigo­lais bête­ment pendant de longues minutes et je leur disais : « Je suis désolé, mais, en tout cas, je suis le plus heureux du monde ! » Je suis allé dans le vestiaire pour me calmer, telle­ment j’étais euphorique.

Tu peux nous rappeler ton parcours durant l’épreuve et ta montée en puissance ?
Je fais mon premier match contre Nicolas Kiefer. Le niveau de jeu est moyen des deux côtés. Je suis très nerveux, mais je m’en sors 6–4 6–3 sans être très bon. On est tendus, c’est l’événement, l’entrée dans la compét’… C’est bizarre. Mais il se passe un truc pendant le deuxième match, contre Vladimir Voltchkov. Je gagne 6–2 6–2 avec la sensa­tion d’être physi­que­ment indé­bor­dable. C’est là que mes fameuses ailes commencent à pousser. Je ressens quelque chose d’assez extra­or­di­naire, le déclic se produit. Je commence à mettre des petits rituels en place, je sens qu’il faut que j’aie mes habi­tudes et mes routines. C’est idiot, mais, par exemple, je ne me suis pas étiré après ma deuxième victoire, parce que je ne l’avais pas fait après ma première. Tout ça n’est que super­sti­tion, bien sûr. C’est d’ailleurs ce genre de choses qui fait que c’est un tournoi diffé­rent, car je ne l’ai jamais fait ailleurs. Je me souviens de signes assez forts, dont un fou rire avec Arnaud Clément : il est tard, je joue le lende­main, mais je sens que, de toute façon, ça va le faire. Même le manque de sommeil ne m’atteindra pas. Après, je joue contre Magnus Norman, sur le Central. Il doit être dans les cinq premiers (NDLR : quatrième). Je gagne 7–6 au premier set, je suis mené 5–1 dans le second, mais je reviens… C’est dire s’il se passe un truc. Je suis présent, dans le point, peu importe le score. Les ailes sont là et poussent un petit peu plus. Au final, je l’emporte 7–6 7–6, c’est une belle perf’ pour moi, car il est bien au‐delà au clas­se­ment. Ensuite, j’affronte Juan Carlos Ferrero, en quarts. Le tableau avan­çant, je sais que je monte en régime. C’est un match que je sens bien. Ferrero devait être 10ème ou 11ème et je gagne 6–2 6–1. Il n’y a que moi sur le terrain. En face, il ne peut rien faire, c’est incroyable. Bon, je ne parlerai plus jamais comme ça de moi de ma vie (rires) ! Ferrero ne joue pas mal, c’est juste que je l’ai surclassé et lui‐même avait déclaré, après le match, qu’il ne compre­nait pas pour­quoi je n’étais pas top 5. Je fais alors partie des quatre derniers et je sens l’engouement, au Village, notamment.