La rumeur court depuis le début de sa carrière. Elle est revenue avec encore plus de vigueur après son incroyable parcours à Roland‐Garros. Les performances stupéfiantes de Roger Federer sont‐elles dues au dopage ? Depuis deux semaines, GrandChelem a mené l’enquête. Les révélations sont explosives et impliquent que l’ITF se demande sérieusement si le Suisse a le droit de jouer sur herbe.
Ca n’a pas attendu dix secondes. Dès la fin de la finale Nadal‐Federer à Roland‐Garros, le site de GrandChelem a littéralement explosé sous les requêtes Google des internautes des quatre coins de la planète, tous animés d’une même curiosité. A chaque fois deux mots clefs qui font mal et qui en disent plus long que tous les discours hypocrites autour de la rumeur qui court maintenant depuis le début de la carrière du Suisse. « Roger + stupéfiant », voilà pour le message subliminal du jour, voilà à quoi semblait devoir se résumer une finale de Roland‐Garros qui avait encore une fois soulevé son lot de questions.
Comment depuis 4 ans Roger Federer pouvait‐il accumuler de tels résultats au sommet du tennis mondial ? Et surtout comment pouvait‐il le faire sans jamais subir les coups de fatigue que tous ses prédécesseurs, Sampras, McEnroe, Edberg avaient ressenti dans les mêmes circonstances ? Comment pouvait‐il même avoir signé les séries d’invincibilité sur toutes les surfaces du monde sans jamais être une seule fois blessé ? Et ne serait‐ce que sur ce Roland‐Garros 2007, comment une nouvelle fois le Suisse avait‐il pu arriver en finale et prendre un set à Rafael Nadal alors qu’aucun autre joueur n’y était arrivé cette année et alors que tout le monde sait bien que l’Espagnol est le grand spécialiste de la terre battue ? Comment tout cela était‐il Dieu possible ?
Bien sûr le physique de Federer n’arrangeait rien. Depuis des années tout le monde faisait la moue d’un air entendu sur ces mollets énormes que le Suisse arborait à l’entrée du court. On prétendait qu’il les exhibait fièrement pour impressionner l’adversaire dès le toss. Le tennis étant un jeu principalement fondée sur la vitesse de déplacement et la poussée des jambes au moment de l’impact de la balle, il est clair en tout cas que l’explosion de la masse graisseuse des mollets de Federer entre ses années de junior et son arrivée sur le circuit senior avait beaucoup fait couler d’encre. Irrité par l’ambiance de suspicion entretenue par les journalistes, le numéro 1 mondial avait d’ailleurs fini par craquer lors d’une conférence de presse devenue célèbre pour cette vacherie balancée à son grand rival du moment : « Nadal a d’aussi gros mollets que moi, mais demandez‐vous pourquoi il porte un pantacourt ». Interrogé illico par le journal espagnol Marca alors qu’il se rendait sur la plage avec le pantacourt en question, l’Espagnol avait préféré ne pas commenter cette déclaration.
Il faut dire que le Majorquin était au‐dessus de tout soupçon depuis des années. Venant d’un pays épargné par la culture du dopage et quelque part de la culture des résultats (aucun Espagnol champion du monde dans les sports qui comptent, à l’exception de la Formule 1) là où la Suisse et son goût du secret entretenaient un dopage d’Etat qui avait par exemple fait et défait la carrière d’une grande espoir comme Martina Hingis, Rafael Nadal avait connu une progression tout à fait régulière dans ses performances, avec quelques victoires importantes mais parsemées dans le calendrier, beaucoup de quarts de finale dans les Grands Chelems et par contre, il faut le reconnaître, une vraie suprématie sur terre battue. Mais quoi de plus logique pour un Espagnol élevé à cette surface. Oh bien sûr on avait soulevé la question de la musculature de son bras gauche, celui qui porte le sac, d’autant plus que Rafael adorait porter les débardeurs bien échancrés ce qui était très tendance, enfin comparé à Federer qui question mode avait quelques trains de retard. Mais passée la polémique vestimentaire, chacun répétait encore une fois que le tennis c’était avant tous les jambes et que Gustavo Kuerten en son temps avait bien développé le coup de fusil le plus assassin du circuit avec le haut du corps d’un réfugié du Biafra.
Nadal n’était pas inquiété le moins du monde ce qui apparaissait assez légitime alors que Federer continuait de poser problème non seulement aux aficionados de la petite balle jaune, mais surtout aux joueurs eux‐mêmes. Une première fronde très discrète avait été organisée par les joueurs français goûtant mal de se faire étriller à tout bout de champ par le Suisse. La France, qui comme chacun le sait, n’est pas un endroit où l’on se dope, pouvait difficilement accepter qu’un petit pays limitrophe puisse avoir de meilleurs résultats que ses joueurs élevés au bon grain. Les joueuses françaises avaient d’ailleurs laissé courir les mêmes rumeurs sur les joueuses belges, sur les mollets de Justine Henin qui ne devaient pas marcher qu’à la bière brune, sur ceux de Kim Clijsters qui avait préféré quitté prématurément le circuit plutôt que de risquer un contrôle qui dévoilerait l’éventuel pot aux roses.
Bref on en était là, à ne plus savoir comment se dépatouiller sur les bruits et rumeurs du petit monde du tennis quand, tout à coup, juste avant la finale Nadal‐Federer de cette édition 2007 de Roland Garros, la direction du tournoi c’est‐à‐dire Stephane Simian et Jean‐François Villotte ne décident de donner une conférence de presse dont nous rendons ici le passage sur la lutte anti‐dopage dans le tennis.
Malgré le nombre croissant de contrôles antidopage, les résultats, qu’on le veuille ou non, restent opaques.
M. SIMIAN.- Un rappel : depuis le 1er janvier de cette année, la Fédération internationale organise l’ensemble des contrôles antidopage dans le tennis. Tous les contrôles qui sont effectués dans le tennis sont sous la responsabilité de la Fédération internationale, que ce soit aussi bien sur l’ATP, la WTA, les Grands Chelems ou les rencontres de Coupe Davis et de Fed Cup. L’ensemble de ces contrôles est testé et envoyé au laboratoire de Montréal. Il y a donc une cohérence et une consistance dans l’ensemble des contrôles. Il y a une transparence totale puisque tous les résultats sont communiqués à Wada et tous les résultats du tournoi de Roland Garros seront communiqués à notre Président (Christian Bîmes).
C’est tout près, Châtenay‐Malabry plutôt que Montréal. (NDLR : Le sous‐entendu de la question vient du fait que Chatenay‐Malabry est un des laboratoires qui, avec pas mal de grands sportifs épinglés, a une réputation qui inquiète fatalement une fédération désirant préserver son image et celle de ses meilleurs représentants)
M. VILLOTTE.- L’ITF a souhaité confier l’ensemble de l’analyse des échantillons des 4 tournois du Grand Chelem à un même laboratoire, afin qu’il y ait une homogénéité d’analyse. Ce laboratoire est celui de Montréal, c’est un laboratoire de grande qualité scientifique qui travaille en relation très étroite avec celui de Châtenay‐Malabry. Il a été choisi par l’ITF car il a fait la meilleure proposition commerciale et scientifique. Nous espérons, car nous sommes Fédération française qu’à l’avenir, le laboratoire de Châtenay‐Malabry puisse candidater et obtenir l’analyse des échantillons d’ITF. C’est à lui de le faire dans le cadre de ses relations avec l’ITF, mais nous sommes pleinement rassurés sur la qualité de l’analyse du laboratoire de Montréal. C’est d’ailleurs un des laboratoires qui travaillent le plus en relation étroite avec Châtenay, notamment en matière d’EPO.
Voilà, chères lectrices, chez lecteurs de GrandChelem, je vous laisse juger de la pertinence de ces deux réponses. Sont‐elles plus comiques ou moins comiques que l’histoire que votre tendre Apolline vient de vous raconter ? En l’absence de toute vraie politique de contrôle anti‐dopage dans le tennis, sachez que GrandChelem a épinglé au‐dessus de ses ordinateurs cette devise qui sonne comme le programme politique des cinq ans à venir, à moins qu’on en ait déjà pris pour dix ans : « Avec l’ITF, tout devient possible… y compris que Federer soit dopé ».
Publié le jeudi 15 mai 2008 à 06:45