Tous les deux jours durant cet Open d’Australie, retrouvez la chronique de Simon Alves « Slice/Décalé », traitant de façon totalement libre et farfelue d’un événement de son choix. Faits de jeu improbable, résultats « oufissimes » ou déclarations abracadabrantes… On peut rire, mais on ne se moque pas !
Hey ! Toi là‐bas ! Oui toi, là, avec la raquette et le polo Yonex ! Oh, pas besoin de faire cette tête là en allant te cacher dans les bras de ta victime d’un soir, je t’ai reconnu ! Tu te serais pas un petit peu moqué de nous non ? Ca te plaît de faire ça ? Ca te fait « kiffer » comme disent les jeunes avec leurs VHS et leurs walkmans ? Tu te crois drôle ? Oui, cher lecteur, tu m’auras compris, aujourd’hui, je suis « vénère ». Je suis en sang ! Ah je ne me suis pas senti aussi agacé depuis des lustres. Vous savez depuis quand ? Depuis cette fois où le dernier tic‐tac, bien coincé au fond, n’a jamais voulu sortir de la boîte malgré mes secousses répétées, m’obligeant ainsi à empoigner devant une assistance médusée un objet contondant pour détruire le réceptacle qui me séparait de ma dragée bien aimée. Ah ! Tu mesures mon degré d’agacement ! Toi aussi, cher lecteur, elle te l’a souvent faite à l’envers celle‐là. Mais je m’éloigne de mon sujet d’origine.
Alors tu te demandes, cher lecteur, pourquoi je suis autant furibard. Tu te demandes ce qui a bien pu me mettre dans cet état de nouveau haineux, moi qui avais, sous ta tendre férule, daigné me baigner dans un océan d’amour et de compassion pour un autre suisse. Tu t’exaspères déjà de devoir t’infliger le supplice de lire un barbare du verbe, d’un éventreur de bonnes intentions, d’un pourfendeur du bien ! Et bien… oui et non. Car je vais te donner la raison de mon agacement. Et tu comprendras très vite, cher lecteur, que celle‐ci est salvatrice.
Pourquoi donc le résultat de Stanislas Wawrinka le magnifique me met dans cet état là ? La première raison, elle touche à mon ego. Hier, si tu te souviens bien, et je sais que tu t’en souviens car tu es génial (vois comme je te flatte), je prenais position dans notre débat du jour. Face à la question de savoir si Novak l’invincible et Rafa le terrible se retrouveraient inéluctablement en finale, j’ai répond oui. Sans ambages ! Le résultat étant que, éliminé, le Serbe me fait tout simplement passer pour un imbécile. Tu es taquin, cher lecteur, et tu me diras que ce n’est pas la première fois que ça m’arrive sur ce site. Tu me fais mal, mais je le cherche bien, il est vrai ! Aïe – celle‐ci n’était pas nécessaire ! Mais reprenons. Oui, en l’emportant, Stanislas a mis à mal toute ma théorie sur le règne annoncé des deux Terminators du tennis unique. Celui qui défend sans relâche, qui renvoie comme un mur, bref, celui qui frustre même les plus acharnés des esthètes… dont Stan the Man fait partie. Pour ça, je ne le remercie pas !
Mais par dessus tout, c’est la peur qui m’a envahit dans ce match. La peur de le voir craquer une nouvelle fois face à cet infatigable bourreau qui lui cause tourments et malheurs depuis des années durant et une victoire à Vienne en… 2006. Il m’a fait vivre une nouvelle fois des hauts et des bas, car j’ai vibré sur chacune de ses frappes, me pourléchant les babines de leur qualité transcendante. Ce n’est pas habituel chez moi, cher lecteur, et cela mérite que je couche sur un bloc de texte mes impressions les plus sincères. Je ne suis pas l’admirateur d’un joueur en particulier. J’ai du respect pour les qualités de chacun et peut m’émouvoir de n’importe quelle victoire tant que son contexte le permet. Comme tu l’auras compris, cher lecteur, je ne suis que l’admirateur de causes. Celle de notre équipe de France de Coupe Davis, par exemple. Celle des opprimés du circuit que je souhaite voir titiller les piliers de ce sport pour montrer, qu’eux aussi, sont une base essentielle à la pérennité de ce sport. Alors j’ai eu peur que Stan perde, oui. J’ai eu peur par compassion. J’ai eu peur par adhésion à son statut d’éternel challenger du colosse Djokovic, le poussant dans ses retranchements pour l’éternité mais devant se contenter de n’être que le faire valoir du talent de ce dernier.
Pour avoir fait, au coucher de ce quatrième set perdu, remonter en moi toutes ces craintes et ces émotions suffocantes, bonhomme en Yonex, je ne te félicite pas… Mais quand même. Oui quand même, bravo champion.
Publié le mardi 21 janvier 2014 à 17:58