AccueilMasters MadridSimon : "Je n'arrive pas à me battre"

Simon : « Je n’ar­rive pas à me battre »

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Gilles, pour résumer ce match, tu es un peu passé du paradis à l’enfer…
C’était bizarre. C’est clai­re­ment un match où je suis bien, et, dès que ça se complique un peu, je deviens complè­te­ment idiot. Ensuite, la situa­tion a vite tourné en sa faveur.

Tout roulait trop bien ?…
Non, ça ne roule jamais « trop bien ». Mais sur plusieurs des matches que j’ai pu jouer ces derniers temps, j’ai remarqué que quand ça se passait mal, ça se passait mal long­temps. Encore une fois, c’est ce qui s’est passé aujourd’hui. Et contrai­re­ment à mon adver­saire du premier tour par exemple, qui revient à 43 mais qui me fait trois doubles fautes derrière, là, ce n’est pas ce type de joueur. Donc quand, à 42, ça s’est un peu moins bien passé, avec des balles de jeu sur son service, ensuite 400, il fait 3 beaux points sur le mien… Voilà, il a suffit de ça pour que ça décon­necte complè­te­ment. Et il y a une série de 7 jeux qui part en 20 minutes !

Lui a mal débuté, puis est rentré dans le match au moment où toi, tu en sortais
Je pense que c’est surtout parce que je l’ai laissé revenir qu’il allait mieux ! Si, à 42 (j’ai deux balles de break), je ne fais pas deux fautes bêtes, le match est terminé, qu’il joue mieux ou moins bien. Donc non. Clairement, ce match‐là, c’est moi qui l’ai perdu. Alors évidem­ment, il a mieux joué, mieux servi, a donné moins de points du fond de court. Mais je pense tout de même qu’à un moment j’avais toutes les cartes en main pour gagner.

A quoi est due cette « déconnexion » ?
C’est essen­tiel­le­ment dû à mon cerveau ! Vraiment. Ce n’est pas dans mes habi­tudes, mais à un moment‐donné, j’ai carré­ment envie de me barrer du court. Ça me fatigue. Je n’arrive plus. Je n’arrive plus à me battre, je n’ai plus du tout le bon état d’esprit sur le terrain. Je le sens, je deviens idiot, mais je n’arrive pas à l’empêcher… J’arrive à stopper l’hémorragie en faisant un jeu à 31, il a une balle de 40, et s’il fait 40, ça peut très bien encore conti­nuer pendant un moment ! En ce moment, quand ça se passe mal, j’ai du mal à l’arrêter. Sur Beck, ça s’est trans­formé en 6 jeux de suite pour prendre 61. Zverev idem. Là, encore une fois, 7 jeux de suite. Je crois clai­re­ment qu’il faut arriver à arrêter ça.

Besoin de vacances ?
Je ne peux pas partir en vacances car mon programme ne me le permet pas, mais dans ma tête… un peu.

Direction Düsseldorf donc la semaine prochaine pour la World Team Cup ? (aux côtés de Jérémy Chardy et Jo‐Wilfried Tsonga, ndlr)
Oui. C’est une compé­ti­tion où il n’y a pas beau­coup de pres­sion. Le but, c’est clai­re­ment de faire des matches avant Roland. Essayer de se libérer, essen­tiel­le­ment dans la tête. Le seul tournoi où ça allait mieux, c’était Estoril. C’est celui où j’avais le moins de pres­sion, car ça ne comp­tait qu’en cas de réus­site. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai pris plus de plaisir sur le terrain. Mais je crois qu’en refai­sant un match comme ça… Il faudra bien un Düsseldorf avant Roland !

Ce qui se passe aujourd’hui… C’est grave ?
Je dis toujours, il y a plus grave dans la vie… Mais il y a un moment où je suis fatigué. Fatigué d’être sur le court, de faire l’effort. Je n’y arrive plus du tout. C’est ce qui fait la diffé­rence avec les moments où j’ai mieux joué, où j’ai eu de meilleurs résul­tats. Ce n’est pas telle­ment au niveau du jeu (car au niveau du jeu c’était très bien sur une partie du match) : j’étais patient quand il fallait, je l’agressais quand il fallait. Seulement à un moment, ça devient n’importe quoi. Et ça, ce n’est ni le tennis ni la confiance. C’est juste le cerveau.

Tu vas égale­ment subir une grosse pres­sion à Roland Garros, en tant que n°1 Français…
C’est le même type de pres­sion. Que l’on ressent à diffé­rents degrés, mais c’est vrai que ces derniers temps, j’ai fait beau­coup d’efforts dans ma tête pour tenter d’aller mieux au niveau de mon jeu. Et du coup ma tête ne suit plus ! Elle est fatiguée…

Pourtant ton jeu était bon aujourd’hui en début de rencontre. Jusqu’à 63 ; 42 tout va bien…
Oui, juste­ment, c’est ce qui montre que c’était dur aujourd’hui. Normalement, si je me fais débreaker, je suis toujours à 63 ; 4/4. Ya pas le feu, tout va bien. Mais là, ça me rend fou, à un point !… Voilà quoi. Je le sens arriver, je le vois très bien venir, mais je n’arrive pas à l’empêcher. J’étais faible dans ma tête.

Dans le vestiaire, après ce match, que se passe‐t‐il ? Comment réagis‐tu ?
Ben… Rien. Parce que je suis à un stade où je ne suis même pas énervé, juste gavé. J’ai juste envie de rentrer, d’oublier ce match et de passer à autre chose

Comment expliques‐tu cette fatigue ? Tu n’as peut‐être pas assez coupé en début d’année ?
J’ai beau­coup enchaîné, mais c’est le programme qui est comme ça, qui est très lourd et ne permet pas de se reposer. Chaque fois que l’on veut souf­fler, il faut sacri­fier un tournoi. C’est vrai que la plupart des tour­nois, j’ai envie de les jouer. Seulement ce que tu ressens sur le terrain n’est pas forcé­ment ce que tu ressen­tais deux jours avant. J’étais bien, repre­nais du plaisir, rejouais mieux. Mais en enchaî­nant beau­coup, je n’ai pas eu le temps de surmonter ça. Loin de là.

A Rome tu « cogi­tais trop ». Cela a été le cas ici également ?
Oui, mais à Rome, c’était plus au niveau de mon jeu. Je ne savais pas trop comment jouer, s’il fallait que j’attaque, que je défende etc. J’avais beau­coup de problèmes de repères, de sensa­tions sur le terrain. Je ne trou­vais pas les solu­tions. C’est dans ce sens‐là que c’était diffi­cile. Je m’entraînais beau­coup pour retrouver ma ligne de conduite, celle qui fait que je joue bien sur terre. Alors que là, sur le match, c’est tota­le­ment autre chose : mon jeu est là, bien présent, installé, va mieux. Je sers bien, passe beau­coup de premières, sans faire de folies j’attends, de temps en temps je l’agresse sur une balle bien quand il faut. Tout va bien. Mais je fais juste deux mauvais jeux, et ça me rend malade. Je suis à bout de nerf, c’est juste ça !… Chaque jeu, après, est un gros combat. Je me dis « allez, c’est pas grave, t’es encore bien ». Mais tout me rend dingue. Ça me fait péter les plombs. Je rate deux coups droits : même un minime première année ne peut pas les rater… Forcément, après, c’est deux fils qui se touchent…

Comment qualifies‐tu ton niveau de jeu jusqu’à 42 dans le 2e set ?
C’était solide. Vraiment bien, car Ljubicic est un joueur pas facile à maîtriser. Il joue « mou », à deux à l’heure, tu as l’impression de n’avoir que des pénaltys à taper. Mais il attend bien, voit bien le jeu. Mine de rien, quand tu attaques, il part toujours du bon côté pour la glisser ensuite…Contrairement à Indian Wells où j’allais atta­quer dès la première ou la deuxième, là, j’avais prévu de le faire courir. J’avais trouvé le bon rythme. J’attaquais chaque fois la cinquième ou sixième : ce que je faisais, c’était constant. Je le retour­nais dès que je le pouvais. Mais je fais deux points pourris à 1540, qui ne m’aident pas, dont un retour au milieu du filet…Clairement, pour moi, là, c’est quasi­ment des balles de match. Je ne les fais pas, mais c’est pas grave. A 43, je suis à 40–0. Je suis bien, je fais un beau point. Et il me fait un super passing court croisé… Après, c’est une des premières fois où il me fait un retour gagnant décroisé, et puis c’est là où ça me rend dingue : il me fait son retour flot­tant, sur première, qui finit par tomber sur la ligne. Ça m’énerve ! A ce moment là, je me dis « j’aurais pu faire 52 cent fois, là ça se goupille très mal, et je n’arrive pas à lutter… »

Quand il recolle au score (4÷4), tu as le senti­ment que tu ne peux plus gagner ?
Non, car il y a encore des moments où j’y crois. Il sert, je retourne bien. C’est juste l’impression que ça se passe mal… Je n’ai pas besoin de ça !

Tu dis que ce n’est pas un problème de confiance. De quoi s’agit-il ? De fatigue mentale ?
Oui. C’est horrible : même moi, après, je m’en veux. Mais je n’arrive pas à me battre ! Je suis obligé de le recon­naître. Je n’arrive vrai­ment pas à me battre. Au début, quand ça se passe bien, je suis motivé. Avant mon match, j’ai méga envie de jouer. Mais quand ça se passe mal, je ne passe pas au‐dessus… J’étais fatigué. Peut‐être que je me disais « voilà, enfin, ça revient. J’ai gagné 3 et 2 au premier tour. Peut‐être que là je peux gagner à nouveau 3 et 2. » Je me sentais bien, et tout d’un coup, il est revenu à 4/4, et je me suis dit « m…, fait ch…, c’est dur ». J’avais envie que ce soit facile, et c’était dur : je n’étais pas préparé à ça. Je me suis fait vache­ment violence ces derniers temps avec mon jeu. Là, juste­ment, j’ai l’impression que c’est enfin facile, que tout va bien. Et je passe de ça à, trois jeux après, « p…, ça va être un cauche­mard, ça me fatigue, ça me saoule, j’ai plus envie ». Je me voyais trop beau, trop vite.

En direct de Madrid

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