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Blancaneaux : « Je veux repousser mes limite »

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Dimanche 5 juin 2016, Geoffrey Blancaneaux a mis fin à dix ans d’attente chez les juniors (Alexandre Sidorenko à l’Open d’Australie en 2006) et douze ans à Roland‐Garros avec le titre d’un certain Gaël Monfils (en 2004). À bientôt 18 ans (le 8 août), le Parisien incarne l’avenir du tennis fran­çais. Avec envie et déter­mi­na­tion, son carac­tère tranche dans le paysage tennis­tique trico­lore. Cet entre­tien est tiré du numéro 53 de GrandChelem.

Geoffrey, quelques semaines après ton titre chez les juniors à Roland‐Garros le dimanche 5 juin, qu’est ce qui a changé ?

« Beaucoup de choses ! Sur le plan du tennis, je me sens beau­coup plus en confiance. Au niveau du mental, j’ai décou­vert des ressources que je ne soup­çon­nais pas. J’ai senti que j’étais capable de produire un tennis de qualité, que je pouvais jouer sur mes points forts et aussi sur mes points faibles. Ce titre, c’est comme une rampe de lance­ment, car ça permet d’avoir des nouveaux repères, notam­ment sur le niveau de jeu. J’ai gagné un 200ème mondial (au premier tour des quali­fi­ca­tions du tableau final contre le Japonais Moriya, 218ème) et en finale, j’ai sauvé des balles de match (trois). Cela va me servir pour l’avenir. »

Tu ne fais plus de complexe ?

« Je n’en ai jamais réel­le­ment fait, mais il y avait toujours une petite diffé­rence entre mon gabarit et celui des autres. Aujourd’hui, c’est fini et je pense être au niveau des autres. »

As‐tu l’impression que les regards et même les attentes ont évolué ?

« Les regards sont diffé­rents. Forcément, c’est un événe­ment pour un Français de gagner Roland‐Garros, même en juniors. J’ai été forcé­ment très solli­cité par les médias et cela ne m’a pas déplu. J’y étais préparé. De toute façon, je suis bien entouré et bien conseillé sur ce sujet, notam­ment par mon père. Après, sur le plan tennis­tique, mes coachs savaient ce dont j’étais capable, et ils veulent logi­que­ment que je repro­duise cela régu­liè­re­ment, tout en conti­nuant paral­lè­le­ment à progresser pour faire encore mieux. Je pense que c’est possible, notam­ment avec la confiance accu­mulée lors de cette semaine. Je peux passer au‐dessus, j’en suis convaincu. »

Qu’est-ce que ça t’évoque la précocité ?

« Quand on est jeune, il existe des temps de passage. L’adolescence est une étape impor­tante puisqu’il faut être capable de passer le cap supé­rieur pour arriver chez les seniors. Et je pense être capable de le fran­chir assez rapi­de­ment. J’espère relever ce chal­lenge d’ici à trois ou quatre mois. »

Tu parles de temps de passage, ton parcours actuel correspond‐il à ton plan de carrière ?

« Mon objectif était de gagner un Grand Chelem chez les juniors. J’ai rempli ce contrat. C’était une étape essen­tielle dans ma carrière afin d’être reconnu, y compris chez les juniors. C’est aussi impor­tant car on montre que l’on est dedans, dans le coup comme on dit, que l’on se situe parmi les meilleurs pour réussir dans l’avenir. »

En quoi c’était impor­tant de remporter un Grand Chelem juniors ?

« C’était un plus pour moi au niveau de la confiance. Je me sens mieux depuis. Avant, j’avais du stress car sur les autres tour­nois du Grand Chelem, j’avais toujours eu un petit blocage. J’ai beau­coup parlé avec mes coachs et un psycho­logue. Ça m’a fait du bien. Je pense que j’étais encore un peu trop jeune dans ma tête. J’étais un peu trop centré sur mes atti­tudes, je n’étais pas assez ouvert aux autres. C’est ce qui me bloquait et me frus­trait sur les matchs. »

Ça ne fait pas peur juste­ment de voir qu’il existe toujours des vrais échecs après les juniors, car il n’existe aucune garantie de succès ?

« C’est vrai que beau­coup de joueurs n’ont pas réussi après les juniors. Pour l’instant, je n’ai pas peur, je n’y pense pas. Je me prépare pour mes prochains tour­nois et, comme par le passé, j’es­saye juste d’être profes­sionnel. La suite ? On verra. Il reste que ça peut aller très vite car j’ai beau­coup appris – je le répète – pendant ce Roland‐Garros. »

Avec ton regard, comment expliques‐tu le fait que certains ne percent pas à la suite des juniors ?

« Parfois, les jeunes pensent qu’ils sont déjà arrivés alors que c’est le plus dur qui commence. L’erreur se situe ici. Le travail doit être d’autant plus impor­tant pour parvenir à atteindre l’élite. C’est ce que je fais actuel­le­ment. Je ne me repose pas sur mes acquis. Je veux repousser mes limites. »

Est‐ce impor­tant d’être précoce quand on aspire à une carrière professionnelle ?

« Bien sûr ! Je pense qu’il est impor­tant d’avoir deux plans diffé­rents. Par exemple, si je n’avais pas réussi en juniors, j’au­rais disputé plus de tour­nois seniors afin de prendre des points ATP. Il existe plusieurs circuits ou filières. On voit des jeunes qui n’ont disputé aucune compé­ti­tion chez les juniors, mais qui sont déjà aux alen­tours de la 300ème place mondiale. Les chemins sont diffé­rents et chacun choisit celui qui lui correspond. »

Penses‐tu que vous êtes préparés à cet envi­ron­ne­ment ? Dans le discours, les entraî­ne­ments, etc.

« Il est vrai qu’avant on nous parlait plus comme à des adoles­cents. À 1516 ans, parfois, on met du temps à comprendre certaines situa­tions. C’était mon cas. J’ai eu ce type de problèmes, mais au final c’est instructif et forma­teur. Parfois mon coach me donnait certaines consignes et je n’étais pas tota­le­ment en phase. Cela abou­tis­sait souvent à des conflits, ou à des vraies discus­sions. Cela fait partie de la forma­tion de cham­pion… C’est ce j’ai compris avec du recul. »

En France, on a toujours eu beau­coup de jeunes qui ont été très forts chez les juniors et dans tous les sports. Êtes‐vous aidé ?

« J’ai souvent eu la chance de discuter avec Richard (Gasquet). On connaît tous son expé­rience et ce qu’il a vécu chez les juniors. Mais je parle aussi avec d’autres spor­tifs, c’est l’avantage d’être à l’INSEP, comme avec Jimmy Vicault (athlé­tisme). C’est inté­res­sant de s’ouvrir à eux pour savoir comment ils gèrent la pres­sion, les moments impor­tants, qu’est-ce qui leur a permis d’arriver au haut niveau. Tout est bon à prendre. J’essaie de m’enrichir au maximum. Le sport collectif, comme le basket, m’aide aussi. »

Le tennis étant un sport ultra concur­ren­tiel, est‐ce que tu te juges en retard par rapport aux autres jeunes ?

« Je me dis que chacun fait son chemin, mène sa carrière. Nous n’avons pas tous le même jeu ou le même physique. Quand je vois les autres comme Zverev ou Fritz, ça me booste grave. Lui, il est arrivé, je l’ai joué et je n’étais pas loin. Alors, pour­quoi moi je n’y arri­verai pas ? Ça me motive et me donne envie de les gagner pour montrer que j’ai le niveau. Felix (Auger Aliassime, son adver­saire en finale de Roland‐Garros) est en avance par rapport à son âge (16 ans le 8 août prochain). Mais on voit aussi que sur les balles de match, il manque encore un peu de matu­rité, ce que j’ai un peu plus. J’ai encore le temps, je n’ai que 17 ans et je pense qu’il faut être dans le Top 30 à 23 ans. »

C’est ton objectif ?

« Je me fixe le Top 100 d’ici à deux ans, pour mes 20 ans. Je pense que c’est réali­sable. Après ce n’est pas un critère, mais simple­ment un but que l’on se fixe. Si, à 23 ans, je suis toujours dans les 150, il faudra se poser les bonnes ques­tions : pour­quoi on n’y arrive pas, qu’est-ce que je ne fais pas bien à l’entraînement ? »

On dit très régu­liè­re­ment que les Français n’ont pas de mental… Ça fait mal d’entendre ça quand on est juniors ? D’autant plus que tu as acquis ton titre au mental en sauvant trois balles de match…

« La répu­ta­tion des Français est que l’on est des petits joueurs qui ne voient pas grand, et qui ne sont pas forts menta­le­ment. Ça ne me fait pas mal car j’ai envie de prouver le contraire. Tout est possible dans la vie et je l’ai montré en finale de Roland‐Garros, je n’ai pas l’envie de m’ar­rêter là. »

Retrouvez gratui­te­ment et en inté­gra­lité le numéro 53 « Vous avez dit préco­cité », le dernier numéro de notre maga­zine GrandChelem… Bonne lecture !

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