Pour son numéro 22, GrandChelem/welovetennis a décidé de faire la lumière sur le circuit secondaire. Entretiens…
A la rencontre d’un circuit bien particulier ; Stéphane Apostolou.
A suivre : Claire Feuerstein, Arnaud Clément, Gianni Mina, Eric Prodon, Stéphane Robert, Jarkko Nieminen, Frederico Gil.
C’est au cours de l’Open GDF SUEZ de Lyon que GrandChelem a rencontré Stéphane Apostolou. Juge‐arbitre de renommée, plus habitué aux lumières de Monte‐Carlo ou quelque autre grand tournoi, il officiait pour ce modeste 10 000 avec la même passion, le même professionnalisme.
Avec ton regard d’arbitre et de juge‐arbitre, qu’est-ce que tu peux dire sur l’utilité des Futures, des Challengers, des ITF ?
Les Futures et les Challengers, comme leurs équivalents sur le circuit féminin, sont des passages obligés pour tous les joueurs et joueuses, quelle que soit leur génération. Sur ce type d’épreuves, j’observe d’ailleurs une augmentation du niveau général et de la qualité des tableaux. Ca ne veut pas dire qu’avant, c’était facile de gagner un tournoi – une compétition reste une compétition –, mais les qualifications étaient beaucoup moins difficiles à passer. Maintenant, dans un Challenger ou un ITF 50 000 , on est confronté à de très bons joueurs et joueuses dès les qualifications.
On a l’impression qu’il y a quand même de grosses disparités d’un pays à l’autre, en termes de tournois et de plateaux…
Le tennis s’est mondialisé. On a des entités, ITF, ATP et WTA, qui le gère très bien et qui ont fait en sorte d’avoir des tournois organisés sur les cinq continents et dans un maximum de pays. Certes, les tableaux présentent des disparités d’un tournoi à l’autre… Mais, ça, c’est aussi la loi du sport. Et puis, les dates et la situation géographique y sont pour beaucoup. En France, comme en Espagne, on est une niche pour les jeunes talents et on a la chance d’avoir de nombreuses épreuves organisées sur notre territoire. Après, les joueurs qui choisissent de partir jouer dans des pays exotiques, sur des tournois aux plateaux moins relevés, ils ont aussi du mérite. Ils se confrontent à un autre type d’adversité, ils partent un peu à l’aventure et c’est très formateur.
L’argent, c’est un problème sur ce type de tournois ?
On parle beaucoup d’argent, oui, parce que jouer de par le monde, ça coute cher et les joueurs ont énormément de frais. Mais ce n’est pas sur ces tournois qu’on en gagne. D’ailleurs, ce n’est pas leur vocation : ils sont des étapes obligées pour gagner des points et accéder au haut niveau. C’est ça qui compte. Et puis, ils permettent une sélection naturelle. Certains joueurs vont réaliser qu’ils n’ont pas le niveau technique pour envisager une carrière, quand d’autres vont très vite percer et accéder à des catégories supérieures leur permettant de rentrer dans leurs frais. Le circuit secondaire, c’est le premier stade. Et il y a une belle carotte au bout : si tu te donnes à fond sur le court, dans ta préparation, dans ton travail quotidien, tu as une chance de très bien gagner ta vie, de devenir une star dans ton pays. C’est une chance. Maintenant, il y a une sélection naturelle inévitable et il faut être capable de regarder les choses en face. Mais, encore une fois, l’objectif de ces premiers tournois, ce n’est pas de faire gagner de l’argent.
Chez les filles, on ne peut pas faire carrière sur le circuit parallèle…
Oui, c’est plus facile pour un homme. Un joueur, autour de la 150ème place mondiale, il peut rentrer dans ses frais parce qu’il a d’autres compétitions annexes, interclubs, etc., qui sont autant de rentrées d’argent. Chez les femmes, il y a d’autres paramètres, moins d’argent et c’est plus compliqué.
Est‐ce qu’il n’y a pas des Challengers qui, finalement, en termes d’organisation, ont le niveau d’un ATP 250 et des ATP 250 qui ressemblent à des Challengers ?
Non, il y a des tournois qui se démarquent dans toutes les catégories, mais les rôles sont bien définis et entre un Challenger et un ATP 250, il y a de vraies différences. Evidemment, il y a moins d’écart entre le must de la catégorie inférieure et le moins bon de la catégorie supérieur. Mais c’est assez rare et peu notable.
Qu’est-ce que tu penses du barème de points ? Il est équilibré ?
Il y a eu des revalorisations et des modifications par le passé. De toute façon, le mode d’attribution des points relève toujours d’un caractère subjectif et valorise des paramètres bien précis, déterminés au préalable. A priori le système actuel est plutôt équilibré. Il y a des gens, à l’ITF, qui travaillent là‐dessus et qui sont à l’écoute des joueurs. La première catégorie de tournois, les 10 000 , les Futures, c’est un début de compétition internationale. Il ne tient qu’aux joueurs et joueuses de percer et de se montrer capable de gagner un 10 000 . Or, l’écart de points gagnés entre une finale et un premier tour permet à celui qui en gagne deux‐trois d’affilée d’accéder à la catégorie supérieure et à des 50 000 ou mieux.
On a tendance à penser qu’un joueur ou qu’une joueuse qui végète sur le circuit secondaire n’a finalement pas le niveau pour faire mieux…
Je serai très prudent là‐dessus. Il ne faut pas tomber dans des clichés. Le sport, ce n’est pas que des résultats. C’est un ensemble d’interactions, entre le contexte familial, le contexte médical, etc. Il faut être bien entouré, bien préparé, bien coaché, bien conseillé sur les plans physique, tennistique et mental… Il n’y a pas de timing exact. Une joueuse peut végéter quelques années et avoir un déclic à 25 ans. C’est le côté positif du sport : il n’y a pas de moules ou de règles préétablies. Ce qui compte avant tout, c’est le plaisir et l’équilibre sur et en‐dehors du court.
Tu es juge‐arbitre sur un 10 000 à Lyon et, dans six semaines, tu officieras à Monte‐Carlo. Il y a des mondes d’écart, j’imagine…
Oui, mais c’est toujours un plaisir et, même, un retour aux sources. La mentalité est différente, on est aussi ici pour éduquer les jeunes, on leur montre ce qu’est le professionnalisme… Il faut être passionné, c’est sûr, mais ça en vaut vraiment le coup !
Publié le lundi 4 avril 2011 à 19:27