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Nicolas Devilder : « Notre match n’a duré qu’1h45 minutes, pour­tant, j’ai eu l’impression d’avoir joué cinq sets »

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Comme nous sortions notre livre : Rafa, mon Amour en novembre 2013, nous avons comme d’ha­bi­tude inter­rogé des joueurs qui avaient eu la chance de jouer l’Espagnol. En 2008, c’est le cas de Nicolas Devilder. Au 2ème tour de Roland‐Garros, il affronte donc un Rafael Nadal sur de lui, de son talent, et de sa puis­sance. Nicolas résiste un set net par la suite, il sombre, rué de coups, fatigué, essoufflé, le rouleau compres­seur espa­gnol a encore frappé (6−4, 6–1, 6–0). Aujourd’hui Nicolas Devilder est coach au sein de l’aca­démie All In fondée par Thierry Ascione.

Quel est la première image qui te revient en tête, lorsqu’on évoque ce match face à Nadal, en 2008, à Roland ?
Ce n’est pas une image, mais un senti­ment… Je m’étais qualifié pour le grand tableau et j’avais passé le premier tour en battant Chris Guccione. Là, je joue Nadal. Affronter Rafa à Roland Garros, c’est assez incroyable, c’est un peu faire partie de l’histoire du tennis. 

Quelle a été ton impres­sion en entrant sur le court ?
J’ai surtout vu un adver­saire hyper concentré, qui ne me prenait pas de haut. Ensuite, ce qui m’a frappé, c’est qu’il ne lâche pas un seul point. Il te montre, d’emblée, que, face à lui, rien ne sera gratuit. Contre Djokovic, que j’ai affronté l’an dernier, ce n’était pas du tout le cas. Je savais que, par moments, l’intensité allait baisser d’un cran. Avec Nadal, c’est impos­sible : chaque point est une lutte, un combat.

La débauche d’énergie doit être énorme…
C’est le cas de le dire  ! Notre match n’a duré qu’une heure et quarante cinq minutes ; pour­tant, j’ai eu l’impression d’avoir joué cinq sets. J’imagine à peine l’énergie qu’il faut déployer pour parvenir à le désta­bi­liser, voire à le battre…

Mais si on regarde le début de la rencontre, on peut dire que tu l’as fait trem­bler…
On peut le dire, en effet (rires)… J’ai senti qu’il était tendu. Comme d’habitude, il jouait son deuxième match sur le Lenglen. Il avait dominé Bellucci au tour précé­dent. Moi, j’avais décidé de m’accrocher. Tout démarre bien, j’ai même une balle de break à 4–4 dans le premier set…

Et ?
Et, sur un point que je dirige, je me retrouve au filet. Je n’ai plus qu’à pousser ma volée, tandis que Nadal est dans les bâches… Je me loupe, la balle ne passe pas. Et, là, c’est le début du cauchemar. 

C’est-à-dire  ?
Rafa est incroya­ble­ment dange­reux et effi­cace quand il mène. Une fois le premier set en poche, il a commencé à prendre plus de risques, en augmen­tant la cadence, avec beau­coup de confiance. C’est devenu très dur tant physi­que­ment que menta­le­ment. J’ai encaissé 11 jeux d’affilée… J’étais tota­le­ment impuis­sant, je n’avais aucune solu­tion. C’est terrible. J’ai rare­ment eu cette impres­sion sur un court. Il m’a litté­ra­le­ment piétiné. J’avais envie de lui crier : « Rafa, laisse‐moi jouer ! » 

Sans vouloir tourner le couteau dans la plaie, cette volée, dans le premier set, semble avoir effec­ti­ve­ment couté très cher…
On ne peut pas refaire l’histoire, d’autant que Rafa, dans son mode de fonc­tion­ne­ment, ne raisonne pas comme cela. A mon avis, si j’avais gagné le premier, il n’aurait pas gambergé. Il aurait continué son travail de destruc­tion massive avec seule­ment un set de retard. Je ne suis pas certain que sa stra­tégie implique des points de passage : Nadal joue chaque point avec la même inten­sité, quel que soit le score. Et puis, lors des points impor­tants, il est capable de monter d’un cran, sachant que son niveau moyen est déjà très élevé… 

Dans le vestiaire, avant ou après le match, vous avez échangé quelques mots  ?
Rafa n’est pas de ma géné­ra­tion, donc on a juste échangé des regards. De toute façon, un joueur de ce niveau est entouré par son staff. Même si je l’avais voulu, cela aurait été impossible. 

Dans ton clan, c’était l’effervescence  ?
Pas vrai­ment ! D’ailleurs, cela m’a un peu étonné. En fait, mes proches voulaient surtout savoir ce dont j’étais capable. Ils n’ont pas été déçus (rires).